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Première partie Migrations et mutations sociospatiales à Athènes : la question de l’insertion dans la ville et de

2.3. Commerces ethniques dans le centre-ville athénien

Pour mieux cerner l’évolution du commerce ethnique dans le centre-ville athénien, nous avons utilisé les données encore non-publiées d’un rapport effectué par le Service du commerce et du tourisme de la région d’Attique, qui a été dressé en avril 2009.16 Il avait pour but de contrôler la légalité du fonctionnement de 338 établissements, dits « étrangers », dans une partie délimitée du centre-ville. Pour chaque entreprise recensée, il nous renseigne sur son adresse, la nationalité et le nom du représentant légal, l’objet principal des activités, si elle a ou non un permis de fonctionnement, et sur sa date de première installation. Certains autres renseignements, comme le bureau des impôts compétent ou le numéro d’immatriculation, nous intéressent moins.

Le traitement de ces données et de leur cartographie nous donne une image précise sur

15 Pour l’année 2007, voir Vaiou et al., 2007. 16

Le rapport nous a été transmis sous forme d’un fichier au format Excel, comportant 338 entrées. À notre connaissance, il n’a pas encore été ni publié ni exploité dans un autre travail de recherche. Nous y avons eu accès à travers les entretiens III. 5 et 6. Son titre est « Service du commerce et du tourisme de la région d’Attique, note de service accompagnée de tableaux, 27/4/2009 » (en grec « Διεύθυνση Εµπορίου και Τουρισµού, Κεντρικός Τοµέας Νοµαρχίας Αθηνών, Τµήµα Μετρολογίας, Ενηµερωτικό Σηµείωµα µε επισυναπτόµενους πίνακες, 27/4/2009 »).

78 l’importance de l’entreprenariat ethnique et sa distribution spatiale dans le centre-ville. Il en ressort quatre constatations :

La première est que les établissements recensés au centre-ville appartiennent à des migrants originaires de plusieurs pays, soit 19 au total. Certains groupes sont surreprésentés, comme par exemple la population chinoise. En effet, elle possèdent presque la moitié des établissements recensés : 143, soit 42 % de l’ensemble. Viennent ensuite les ressortissants d’autres pays asiatiques : le Pakistan, le Bangladesh, l’Inde et l’Afghanistan, soit encore 29 %. Si nous y ajoutons ceux venant du Proche-Orient, cette catégorie est la deuxième par son importance ; elle représente, en effet, 37 %. Le reste des commerçants recensés au centre-ville provient surtout des Balkans et des pays de l’ex-Union Soviétique : l’Albanie, la Bulgarie et la Géorgie (Tableau 5).

Origine du propriétaire Nombre

Chine 143 42

Asie : Pakistan, Bangladesh, Inde, Afghanistan 98 29

Balkans et pays de l’ex union soviétique : Albanie, Bulgarie, Géorgie, etc.

27 7

Proche Orient et Turquie : Égypte, Syrie, Palestine

30 7

Autres 40 12

Total 338 100

Tableau 5. Établissements ethniques dans le centre-ville athénien par origine du

propriétaire en 2009

Source : traitement de données du Service du commerce et du tourisme de la région d’Attique

La seconde constatation est que l’objet principal de ces établissements est le commerce, surtout de gros, et moins la restauration et les services. Le commerce de gros et de détail occupe, à lui seul, 55 %. Si nous y ajoutons le commerce alimentaire et le commerce pour l’équipement électronique, les téléphones portables, les montres, les CD – DVD et les piles, ce pourcentage s’élève à 73 %. Ensuite, vient la restauration (12 %), puis les divers services – principalement le transfert d’argent et les salons de coiffure (8 %).

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Objet de l’activité Nombre

Commerce de gros 140 42

Commerce général de détail 45 13

Restauration 41 12 Commerce alimentaire 30 9 Commerce électronique 32 9 Services 22 7 Autres 28 8 Total 338 100

Tableau 6. Objet des activités des établissements ethniques dans le centre-ville

athénien en 2009

Source : traitement de données du Service du commerce et du tourisme de la région d’Attique

La troisième constatation est que la majorité de ces établissements a un statut légal. Ceux qui ont affirmativement répondu avoir un permis de fonctionnement représentent 87 %. Certains autres, qui représentent entre 3 % et 4 %, ont répondu qu’ils avaient déposé une demande et que leur comptable attendait la réponse. Chez les Chinois, ce pourcentage s’élève à 71 % et est inférieur à la moyenne.

La quatrième constatation est que ces établissements sont majoritairement récents. En effet, pour un très grand nombre, leurs activités commencent entre les années 2003 et 2004. Moins nombreux sont ceux qui débutent leur fonctionnement entre 2008 et 2009. N’oublions pas qu’à partir de 2005, comme déjà noté, le contexte législatif devient plus strict pour l’ouverture de nouveaux établissements.

À côté de ces constatations, certaines remarques supplémentaires ressortent du rapprochement entre l’origine du propriétaire et objet de l’activité déclarée :

Le commerce de gros et surtout celui du prêt-à-porter est, dans sa totalité, entre les mains des migrants chinois. Seulement trois établissements appartenant à cette population s’activent dans les services et la restauration. Le commerce des équipements électroniques appartient, lui aussi, presque exclusivement aux migrants d’origine asiatique, et plus précisément aux Pakistanais et Bangladais. Une plus grande

80 diversité entre pays d’origine et objets d’activités est observée entre les migrants provenant des pays balkaniques et ceux de l’ex-Union Soviétique. Ce sont surtout des Géorgiens et des Albanais, puisque leurs activités sont surtout liées aux services ou à la restauration.

Cette répartition de 338 établissements commerciaux, contrôlés au centre-ville, nous permet de cartographier leur installation (Carte 1).

Au niveau de la distribution spatiale, trois remarques peuvent être faites :

Les commerces chinois, essentiellement de gros, s’étendent vers le sud-ouest de la place Omonia, de part et d’autre de la rue Pireos, et surtout dans le quartier de Metaxourgio. On les retrouve plus particulièrement autour de la place Koumoundourou, le long des rues Kolokinthous et Euripidou, et tout spécialement sur les onze îlots urbains de notre étude de cas.

Les commerces des migrants originaires du Pakistan, du Bangladesh, d’Inde et d’Afghanistan sont fortement représentés dans le quartier de Gerani et autour de la place Theatrou, en particulier le long des rues Sophokleous, Sokratous, Menandrou et Evripidou. Christina Marathou (2006), dans son étude sur la migration bangladeshie à Gerani, nomme cette centralité Bangla Bazzar et montre l’importance de ce regroupement pour la structuration « communautaire » de ces migrants : les restaurants, les salons de coiffure, ainsi que le siège de l’association bangladeshie y sont implantés.

Les commerces des migrants provenant des pays balkaniques et de l’ex-Union Soviétique présentent une distribution plus diffuse. Nous remarquons certaines densités : la première, autour de la place Vathi, à l’ouest d’Omonia et de la rue Agiou Kostantinou, la seconde, plus au sud, le long des rues Deligiorgi, Zinonos, Veratzerou et Akominatou. Lors d’une enquête effectuée en 2013 et ayant comme objet la présence de commerces migrants au centre-ville (Balabanidis, Polyzou, 2013), sur un ensemble de 38 commerces et services recensés dans la rue Deligiorgi, 28 appartenaient à des migrants d’origine géorgienne.

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