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Habitation : 68B rue Pireos, B Travail : rue Kolokinthous, C Lieu de sociabilité :

Deuxième partie Du global au local : aspects de la diaspora chinoise en Europe et parcours divergents des migrants

Carte 9. Répartition spatiale des ressortissants chinois dans les sept arrondissements

A. Habitation : 68B rue Pireos, B Travail : rue Kolokinthous, C Lieu de sociabilité :

rue Kolokinthous, appartement des amis

Une remarque concernant l’appartenance des migrants aux associations commerciales est intéressante à noter. En effet, seuls les employeurs et chefs d’établissements sont membres des associations, et pas les employés. De plus, la position hiérarchique tenue dépend du niveau des cotisations. De ce fait, certains commerçants cotisent entre 300 et 500 euros par mois, selon la place occupée dans le conseil d’administration. Ces appartenances hiérarchiques sont très liées au statut économique de chaque patron – entrepreneur. Nous reviendrons, au Chapitre 7 sur le fonctionnement et les rôles des associations chinoises dans le quartier.

5.3.2. Parcours Fujian : un réseau aux plusieurs visages

Le deuxième parcours migratoire, par son importance, est celui des Chinois originaires

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0 100 200 500

Entretien I.15 ( Mme W., 22 ans) -- novembre 2012 Originaire de Wenzhou Employée dans un commerce de gros B A C

175 de la région de Fujian. Il s’agit d’une immigration importante en Europe, mais géographiquement plus dispersée, et qui a une présence particulièrement marquée en Angleterre. Selon Frank Pieke, les fujianais occupent souvent un statut plus minoritaire et sont considérés comme situés aux plus bas de l’échelon professionnel. Leur réseau est plus récent, datant de fin 1980 et début 1990, et se différencie du réseau wenzhounais, surtout concernant la spécialisation professionnelle (Peke, 2002 ; Pieke et al., 2007 ; Beck, 2007).

Parmi les six migrants interviewés, seulement deux travaillent dans le secteur de l’habillement à Metaxourgio : il s’agit de M. Q., qui était copropriétaire d’un commerce de détail pendant six ans et est actuellement au chômage, et de Mme S., qui est employée dans un commerce de gros. Les quatre autres ont des parcours professionnels différents : M L. est arrivé en Grèce pour faire des études et a travaillé en tant que professeur de langue jusqu’en 2011, quand il est parti pour s’installer en Angleterre ; Mme W. était, elle, propriétaire et en même temps cuisinière dans un restaurant, avant de pratiquer la médecine traditionnelle chinoise quelques années plus tard ; M C.-F., après avoir travaillé comme livreur – cuisiner, est ensuite devenu propriétaire d’un restaurant et est désormais investi dans le domaine d’exportation des coquillages ; et enfin, M W. importe des accessoires pour véhicules et est, en même temps, propriétaire d’un garage. Ces deux derniers s’investissent fortement dans l’Association des commerçants de Fujian.

À travers l’entretien de M C.-H., président de cette association, nous avons appris que six autres commerçants de gros, originaires de cette province, sont installés dans Metaxourgio. Ils sont spécialisés dans l’importation directement de Chine des jeux, des gadgets électroniques et des divers outils et produits électroménagers. Aucun d’entre eux n’est investi dans le domaine du prêt-à-porter. M C.-H. dit : « tous les produits des vendeurs ambulants qu’on peut voir dans les rues d’Athènes sont achetés chez les grossistes fujianais de Metaxourgio » (entretien I. 25). Nous constatons qu’ils ont investi dans ce nouveau secteur, puisque celui de l’habillement était déjà fortement occupé par les wenzhounais.

M C.-F., 33 ans, établi en Grèce depuis 1998 et président de l’Association of Chinese Fujian in Greece, dit : « mon oncle a commencé à travailler comme employé dans un

176 restaurant en Crète. Il est arrivé seul en 1995 et est reparti en Chine en 2012. Au début, il s’agissait de restaurants appartenant à des Grecs ; aucun Chinois, à l’époque, n’était propriétaire. Ces restaurants touristiques embauchaient des Chinois pour faire de la cuisine asiatique. Dans les endroits touristiques, en Crète, Rhodes ou Kos, il y avait surtout des restaurants de ce type, de type asiatique. Donc, mon oncle, chaque été, travaillait dans les îles, puis l’hiver, il rentrait à Athènes où il faisait des petits boulots, merokamato. Mon oncle est resté dans la restauration, comme son fils. […] La langue était un très gros problème, il était donc difficile de changer de domaine [de travail] à cause de ça. Moi, je suis arrivé en 1998. Mon premier travail était celui de livreur, pendant 3 – 4 mois. J’ai appris un peu la langue et je suis parti, moi aussi, vers les îles, dans les hôtels. Jusqu’en 2004, j’étais en Crète, à Paros, partout. C’est à travers des amis Chinois, qui travaillaient comme moi, que j’ai trouvé un nouvel emploi ; ils me disaient si un hôtel cherchait un cuisinier, par bouche à oreille. À l’époque, il y avait peu de Chinois, il n’y avait pas le journal China Greece Times qui donnait des renseignements. On communiquait par téléphone, Internet n’était pas répandu comme aujourd’hui. La plupart des fujianais était dans la restauration, les hôtels, et très peu dans le commerce. On n’avait que peu d’activités commerciales. Aujourd’hui, nous sommes plus nombreux dans le commerce. Le fait de travailler pour des Grecs nous a mis en contact avec eux. Donc, si un Grec avait, par exemple, besoin de faire importer de Chine quelques produits, on faisait nous la commande pour lui. Petit à petit, nous avons débuté dans le commerce et les importations » (entretien I. 25).

Il a suivi un parcours professionnel aux multiples aspects. Dans un premier temps, il a travaillé comme saisonnier dans les îles, puis comme propriétaire d’un restaurant asiatique à Neo Psichiko. Aujourd’hui, il s’est investi dans l’exportation de coquillages et principalement de crabes envoyés vers d’autres marchés chinois en Europe : « Actuellement, je fais des exportations de crabes vers l’Italie, la France et l’Angleterre. Les Grecs ne mangent pas de crabes, mais les Chinois, oui, et ils n’en trouvent pas facilement. J’ai commencé en faisant une petite exportation et maintenant, je continue, j’apprends. Je voulais faire quelque chose de nouveau, une chose à laquelle personne d’autre n’avait pensé avant moi. Dans les importations, il y a déjà plein de Chinois ; même des Grecs importent. Mais l’exportation de matières

177 grecques produites sur place, c’est nouveau » (entretien I. 25).

Son entreprise s’adresse à une plus vaste échelle : au marché communautaire de la diaspora chinoise. Tandis que sa clientèle est communautaire, ses partenaires économiques sont principalement des Grecs. Les réseaux socioéconomiques qu’il a tissés s’imbriquent donc dans la société d’accueil et non pas seulement dans le groupe fujianais. La réussite de son entreprise est liée aux réseaux transnationaux qu’il maintient avec les autres implantations chinoises en Europe. Son cas montre une nette ascension professionnelle, qu’elle s’inscrit dans le réseau fujianais.

À travers ces paroles, nous constatons que ce réseau, plus restreint et marginal en comparaison avec celui des wenzhounais, a progressivement réussi à s’établir, puis à s’étendre. Les premiers pas de ce réseau se sont faits dans la restauration. Cette activité de départ présente l’avantage de ne pas demander l’existence d’un dense réseau de compatriotes, tout en permettant de nombreux contacts avec des membres de la société d’accueil.

Les trajectoires quotidiennes de M C.-F. sont bien plus diverses et étendues que les précédentes. Elles montrent une bonne connaissance de la ville dans son ensemble. Il habite dans le quartier de Metaxourgio et son bureau, le siège de l’Association (au 16 rue Kolonou), est également situé dans le quartier. Son travail demande des déplacements quotidiens vers Keratsini, où est situé le principal marché de gros des poissons du Pirée [Ichthioskala], ainsi que vers la compagnie d’import-export chargée de l’envoi de ses commandes. Le fait d’avoir créé une entreprise d’exportation l’oblige également à faire face à de nombreuses difficultés bureaucratiques et donc à prendre contact avec l’administration.

Sa quotidienneté comporte au moins cinq déplacements : trois, au minimum, entre différents espaces de travail, et deux entre habitat et lieu de sociabilité, en l’occurrence l’Association of Chinese Fujian in Greece. Ces derniers se situent dans le quartier, (Graphique 5).

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Graphique 5. Trajectoires quotidiennes de M C.-F.

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