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Première partie Migrations et mutations sociospatiales à Athènes : la question de l’insertion dans la ville et de

hapitre 1. Migrations et nouvelles territorialités : politiques et débats

1.4. Politiques et débats sur l’insertion sociospatiale des migrants

1.4.1. Les quartiers « chauds »

Au début des années 1990, les débats autour de l’importance et de la forme que prenait la ségrégation sociale à Athènes concernaient principalement certains quartiers des municipalités périphériques ; là où vivaient majoritairement des populations Roms. C’était surtout les cas d’Ano Liosia, mais aussi de Menidi, toutes deux situées au nord- ouest de la capitale (projet de recherche, « Marginalisation des minorités roms », 1998). Dix ans après, les débats ne concernent plus seulement l’espace périphérique, mais principalement le centre-ville.

Ce tournant résulte d’une présence grandissante de migrants internationaux de la deuxième vague, mais aussi d’une politique qui veut revaloriser les quartiers centraux. Elle prend toute son importance durant la phase de préparation des Jeux Olympiques de 2004, quand il est décidé de réaménager certains quartiers historiques et autres espaces publics ; politique qui ne participe pas à un projet concerté pour l’ensemble de la ville, mais qui est le résultat d’actions déconnectées. De nombreux auteurs parlent d’une politique d’embourgeoisement du centre qui va se faire en dehors de toute politique globale (Vaiou, Mantouvalou, Mavridou, 2004 ; Mantouvalou, 2010).

Dans ce contexte, la présence d’un nombre croissant de migrants est perçue comme problématique et est associée à des problèmes sociaux et urbanistiques plus larges. Drogue et prostitution deviennent synonymes de « forte présence migratoire ». Une image largement véhiculée par la presse quotidienne.

La concentration de migrants, souvent ayant déposés une demande pour acquérir l’asile politique, alimente un vif débat sur l’existence ou non de ghettos dans la ville

56 ou autres quartiers centraux. Tandis que certaines approches parlent de l’apparition de « phénomènes absolus d’exclusions spatiales et sociales » (Psimmenos, 2000), d’autres études soulignent le fait qu’on ne peut pas encore parler d’espaces ségrégés. D’après ces études, une certaine mixité sociale et urbaine continue à exister (Arapoglou, 2006 ; Vaiou et al., 2007 ; Kalandides, Vaiou, 2012 ; Maloutas, Arapoglou, Kandylis, Sayas, 2012 ; Zarafonitou, Chrisochoou, 2013).

Bien que la majorité des études sur le centre-ville athénien n’évoquent pas l’existence des ghettos, différents milieux politiques ou associations d’habitants et de commerçants, on en parle de plus en plus comme d’un phénomène qui tend à se généraliser. Ainsi, des quartiers centraux se stigmatisent comme « ghettos » et comme « espaces de délinquance ». En ces termes, les quartiers dits « chauds » d’Athènes forment quatre grands ensembles : (1) autour de la place Omonia, de part et d’autre des rues Geraniou, Sofokleous, Euripidou et Socratous, situées derrière le bâtiment central de la mairie d’Athènes, (2) Ano et Kato Patissia au nord, comportant les places Vathi, Agios Panteleimonas, Attikis, Victorias et Larissis, (3) Kipseli à l’est et (4) Metaxourgio à l’ouest. Selon l’association KIPOKA, le dernier est situé dans la « zone de la prostitution » et des « vols ».

Les images ci-dessous, la première issue d’un journal à grand tirage et la seconde de cette association d’habitants et de commerçants du centre-ville, sont très caractéristiques de cette stigmatisation (Image 4).

Image 4. Les quartiers dits « chauds » d’Athènes

57 Acteurs publics et médias, qui mettent en avant ces aspects, adoptent une position qui ne représente qu’une seule partie de la réalité. Or, cette stigmatisation n’est pas neutre et conduit à des généralisations qui ne font qu’aider la montée du parti de l’extrême droite, « Aube dorée ». Un parti qui a fait son apparition aux élections municipales de 2010, comme « mouvement du quartier », avec comme slogan « les migrants hors du quartier ».5Deux ans plus tard, aux législatives de 2012, il entre au Parlement avec 18 débutés. Malgré la mise en garde à vue de son président et de nombreux de ses députés en septembre 2013, il est toujours présent sur la scène politique nationale, mais aussi locale. Nous constatons donc que l’affaiblissement de la politique sociale touche principalement les quartiers centraux.

Après l’éclatement de la crise économique, les clivages sociaux s’intensifient et l’arrivée de nombreux migrants, surtout en situation de transit, se superpose. Leur nombre est estimé approximativement entre 100 000 et 150 000 (Lafazani, 30/12/2012). C’est une population en quête de logement dans des bâtiments délabrés ou vacants. Ces bâtiments appartiennent à des privés, mais souvent aussi à des organismes publics et semi-publics, comme des caisses de retraites ou autres associations à but non lucratif. Exemple caractéristique de ce lien entre cause et effet : le bâtiment des anciens tribunaux, situé dans la rue Sokratous et resté vacant pendant des années, a été occupé pendant plusieurs mois par des migrants.

La politique officielle évite toute mesure sociale visant la protection ou l’amélioration de vie de cette population. Sa seule réponse est le renforcement des contrôles aux frontières et les opérations d’arrestations massives. Durant l’été 2012, plus de 70 000 migrants ont été ainsi contrôlés ; une action volontariste qui est bien acceptée par certains, comme en témoigne de nombreux articles de presse, mais qui alimente aussi un vif débat.

Enfin, l’aggravation des conflits sociaux en milieu urbain éloigne Athènes de ses fortes capacités de brassage de populations migrantes, qui était un de ses aspects les plus intéressants. Autrement dit, la relativement bonne cohabitation entre migrants et grecs dans le centre-ville régresse et de nombreux quartiers voient se multiplier les signes

5 Ce slogan visait, en premier lieu, le quartier d’Agios Panteleimonas à Patissia, fortement investi par

58 d’une encore plus forte dégradation de leur cadre bâti et de leurs infrastructures sociales (Vaiou, 26/4/2014 ; Balampanidis, Polyzou, 2012). Malgré cela, Athènes réussit peut-être mieux que d’autres capitales à éviter les fortes ruptures sociales et spatiales provoquées par l’isolement des migrants dans les quartiers périphériques. La forte mixité sociale et urbaine reste encore un de ses avantages.

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