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Parcours migratoires et réseaux : trajectoires quotidiennes dans la ville

Deuxième partie Du global au local : aspects de la diaspora chinoise en Europe et parcours divergents des migrants

Carte 9. Répartition spatiale des ressortissants chinois dans les sept arrondissements

5.3. Parcours migratoires et réseaux : trajectoires quotidiennes dans la ville

Pour décrire les parcours migratoires suivis par les Chinois installés en Grèce, les réseaux ethniques qui s’y forment, et auxquels ils prennent activement part, ainsi que les principales trajectoires quotidiennes qu’ils maintiennent dans et hors du quartier de Metaxourgio, nous avons effectué 28 entretiens semi-directifs entre 2009 et 2013. Ils ont été adressés à des migrants habitant, travaillant ou fréquentant le quartier, et ceci à des degrés différents. Notre narration décrira huit de ces récits de vie, les plus complets et représentatifs.

L’objectif est de mettre l’accent sur le fait que le passage d’un migrant chinois de la situation professionnelle « d’employé » à celle « d’employeur » est long et difficile, et au final, n’est pas assuré pour tous. Nous soulignons cela, car très souvent, des images pré-construites prévalent pour cette présence. Elle est souvent décrite dans de articles de la presse grecque comme une migration particulièrement « réussie », voire même, « privilégiée ». Ces discours cachent des nombreuses facettes et complexités du processus d’installation des Chinois en Grèce ; une installation qui n’est ni privilégiée ni anodine.

Parmi les membres de la population chinoise que nous avons interviewés, nous identifions trois principaux parcours migratoires : le premier est celui des migrants originaires de l’ensemble Zhejiang – Wenzhou (le « réseau Wenzhou »), le second est celui des migrants originaires de la région de Fujian (le « réseau Fujian »), et le

166 troisième est celui des migrants originaires de Beijing et de Shanghai, ainsi que ceux provenant de provinces moins ancrées dans les réseaux diasporiques, comme le cas de Dongbei, au nord. Ce dernier parcours, nous le définirons comme « indépendant ». Nous étudierons leurs points communs, ainsi que leur degré d’encastrement dans les structures sociales. Nous porterons aussi un intérêt particulier sur les renseignements qui décrivent les futurs projets de vie des migrants, ainsi que sur leurs trajectoires quotidiennes dans la ville et le quartier.

5.3.1. Parcours Wenzhou : un réseau communautaire structuré

Comme déjà noté, un grand nombre de migrants sont originaires de Zhejiang – Wenzhou. De nombreux réseaux sociaux, économiques et familiaux ont été progressivement mis sur place entre cette région du sud-est de la Chine et différents pôles de leur installation, particulièrement en Europe. Leurs activités sont tournées presque exclusivement vers le commerce et l’import-export, qui sont directement soutenus par d’importants réseaux transnationaux. Parmi nos interviewés, nous observons une certaine homogénéité concernant les occupations professionnelles, ainsi qu’en matière de modes d’installation dans Metaxourgio.

M J., 25 ans, originaire de Wenzhou et gérant d’un commerce de gros dans le quartier, nous dit : « mes parents habitent Athènes depuis dix ans et sont propriétaires de trois commerces dans le quartier. Je suis venu de Chine pour devenir, à mon tour, propriétaire d’un de ces magasins. Dans nos magasins, travaillent treize personnes, ils sont tous chinois. Dès mon arrivée à Athènes, j’ai emménagé avec mes parents dans leur premier appartement, dans la rue Agisilaou. Cet appartement est à nous, il fait plus de 100 m² » (entretien I. 4). Ces paroles montrent que les plus jeunes membres des familles aisées s’adaptent plus facilement dans le secteur du commerce, en comparaison avec les possibilités des autres employés. Dans ces cas-là, les réseaux familiaux soutiennent totalement les projets migratoires des jeunes, ainsi que leur insertion professionnelle et cela, à un échelon économique plus haut.

Il est intéressant de noter que les parents de ce migrant étaient auparavant employés dans un secteur commercial équivalent en Italie, séjour qui a duré sept ans avant leur arrivée à Athènes en 2002. À ce moment-là, ils ont facilement réussi à ouvrir un

167 commerce de gros à leur compte. Le premier constat est que ces croisements transnationaux, qui se font par le biais de nombreux transferts économiques et sociaux, sont caractéristiques des migrations chinoises et montrent comment les parcours professionnels et les processus d’insertions ne peuvent être étudiés uniquement dans les seules limites du pays d’accueil. Le deuxième constat est que le capital accumulé par les parents de l’intéressé a permis l’émigration réussie de celui-ci, et cela, relativement peu de temps après l’installation de ces derniers dans le pays. Ce mouvement s’est fait par le biais d’un visa étudiant. D’une certaine façon, cette évolution assure la continuité du parcours migratoire familial, et probablement de sa prochaine expansion. Les projets des « fils réussis » des migrants sont un des aspects des dynamiques entrepreneuriales rencontrées, tant en Grèce qu’ailleurs : « Mon rêve pour le futur est de faire encore plus de commerce et d’ouvrir plusieurs magasins dans des pays d’Europe. Je veux me marier avec une grecque et faire des enfants. Quand j’aurais des enfants, je veux qu’ils grandissent avec moi » (entretien I. 4).

De cet entretien, il ressort également qu’une relation réciproque se crée entre réseaux familiaux et intéressés. Il oblige ces derniers à s’insérer dans un parcours professionnel appartenant à un secteur déjà bien établi. Ainsi, ce visage migratoire, jeune et dynamique, s’inscrit au sein d’une stratégie migratoire plus globale que l’on peut considérer comme étant « familiale ».

L’autre aspect intéressant de la présence de M J. est sa quotidienneté, ses trajectoires entre lieu de travail, lieu d’habitation et lieux de sociabilité. En effet, il travaille dans le quartier, habite dans la rue Kapodistriou, près de la place Omonia, et côtoie toutes les activités de l’Association Wenzhou, Union of Overseas Chinese in Greece, située au 52 rue Keramikou. Les points de départ et d’arrivée de ces trajectoires sont marqués par les lettres A, B et C, sur le Graphique 1. Nous constatons un certain enclavement dû au fait que travail et lieux de sociabilité sont très proches. Son habitation n’est pas située dans le quartier, mais à proximité immédiate, à moins de dix minutes à pied.

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Graphique 1. Trajectoires quotidiennes de M J.

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