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La transformation sociale : prise de conscience, actions et luttes collectives

Partie 1 : Problématique, théorie et méthodologie

2- Cadre conceptuel et enjeux de l’Alternative

2.1 Les concepts de pratique et de transformation sociale

2.1.2 La transformation sociale : prise de conscience, actions et luttes collectives

Initialement, l’emploi de l’expression « transformation sociale » donne une connotation de changement à un niveau qui dépasse l’individu et qui va au-delà de la simple accumulation d’actions. Comme pour la pratique, pour qu’il y ait une réelle transformation, il doit y avoir une réflexion et, comme cette transformation se veut sociale, elle doit être réfléchie collectivement. Cependant, l’entendement de la transformation sociale dépend des positions des acteurs qui y réfléchissent.

Par exemple, le gouvernement québécois pose la transformation sociale propre aux organismes communautaires comme l’effet voulu et recherché faisant suite à un processus de « prise en charge qui fait largement appel à la sensibilisation, à

l’information, à l’éducation populaire et à la défense collective des droits » (MESS, 2011). Toutefois, cette vision de la transformation sociale est réductrice puisque cette « prise en charge » occulte le pouvoir d’agir des personnes et des communautés. Elle relègue quasiment aux organismes communautaires un rôle de régulation sociale, voire de contrôle social.

Pour le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA), la transformation sociale repose sur la prise de conscience de l’injustice et de l’oppression qui habite notre société et sur la mobilisation citoyenne pour y mettre fin. Les réflexions individuelles et collectives poussent à une action tout autant individuelle que collective ayant pour but un changement visant le bien commun et le mieux-vivre en société (RQ- ACA, s.d.). Pour le RQ-ACA, la transformation sociale entraîne une redéfinition des rapports sociaux entre les acteurs.

Plus spécifiquement, au RRASMQ, la transformation sociale passe par une lutte pour l’adoption d’une vision autre de la souffrance psychique et émotionnelle et par une contestation et un rejet des pouvoirs en place qui limitent les droits des personnes vivant ou ayant vécu une problématique de santé mentale. Elle vise également la création d’espaces d’entraide et de soutien dans la communauté (Théoret, 2016). La communauté est donc vue non seulement comme un espace permettant le déploiement de pratique menant à la transformation sociale, mais également comme le moteur de cette transformation sociale. Pour le RRASMQ, ceci est rendu possible grâce à la création de liens avec les acteurs de la communauté. Leur cible est l’éradication de la stigmatisation et des diverses formes d’exclusion dont souffrent les personnes avec une problématique de santé mentale (Théoret, 2013).

Plus largement que le secteur de la santé mentale, la transformation sociale en action collective réfère à une dimension politique où s’instaure une « discussion critique, une analyse, de la solidarité interpersonnelle et de l’action collective » (Shragge, 2007, p. 191). De ce fait, la vie associative qui prend place dans les ressources alternatives en santé mentale fait preuve de transformation sociale puisqu’elle initie la personne à la démocratie et à l’apprentissage de la citoyenneté. Cette vie associative, comme l’indique

Parazelli (1990, p.181) est une « condition essentielle pour l’efficacité et l’efficience de l’action communautaire des organismes. »

La transformation sociale revêt donc différentes significations selon le positionnement et les valeurs des acteurs qui en font la promotion. Néanmoins, elle se situe à un niveau collectif, social et citoyen, engageant ainsi plusieurs personnes dans le processus. La transformation sociale, vue par les auteurs présentés, est le fruit d’une réflexion qui se veut, elle aussi, collective.

2.1.3 Processus de transformation sociale : la mimésis de l’action pour un passage du microsocial au macrosocial

La transformation sociale, telle que nous la posons, comporte une visée d’amélioration des conditions de vie chez l’ensemble des personnes et tout particulièrement auprès des populations dites marginalisées ou vulnérables. Comme dit précédemment, la réflexion engagée dans l’optique de transformation sociale engendre un processus visant l’apport de nouveauté à ce qui est déjà en place. Bref, nous y voyons un enclenchement d’innovation sociale pouvant s’amorcer à un niveau microsocial pour s’étendre, possiblement, à un niveau macrosocial.

Par ailleurs, des chercheurs du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) font un parallèle entre la transformation sociale et l’innovation sociale et considèrent que les innovations sociales peuvent s’inscrire dans le processus plus général de la transformation sociale (CRISES, 2016). Ils définissent l’innovation sociale comme :

Une intervention initiée par des acteurs sociaux, pour répondre à une aspiration, subvenir à un besoin, apporter une solution ou profiter d’une opportunité d’action afin de modifier des relations sociales, de transformer un cadre d’action ou de proposer de nouvelles orientations culturelles afin d’améliorer la qualité et les conditions de vie de la collectivité. (CRISES, 2016, p. 3-4)

Certains auteurs de ce Centre de recherche posent l’innovation au coeur de la transformation s’opérant dans les sociétés. L’innovation sociale engage alors nécessairement un changement de paradigme afin d’engendrer un changement qui transforme de manière positive la société. C’est donc considérer que toute innovation, même sociale, ne se vaut pas (Klein, Camus, Jetté, Champagne et Roy, 2016). Ainsi, telle

que la conçoivent ces auteurs, l’innovation sociale comporte deux critères : 1) répondre à un besoin social et 2) changer les structures qui maintiennent ce besoin.

Enfin, la vision du processus de transformation sociale d’Howaldt (2016) nous semble plus qu’appropriée pour aborder les pratiques prenant place dans une ressource comme Le Rivage du Val St-François. Howaldt voit l’innovation sociale comme pouvant être « une forme de mécanisme social de changement placé à un niveau méso et micro » (2016, p. 57). Il utilise la théorie de l’imitation de Tarde (1890) pour expliquer comment des pratiques sociales et leur imitation peuvent constituer l’élément pouvant mener à la transformation sociale. En effet, Tarde considère la pluralité des idées qui peuvent, de prime abord, sembler anodines, mais qui, par leur imitation, leur combinaison et leur multiplication, peuvent résulter en phénomènes sociaux (Howaldt, 2016). Nous croyons que cette conception peut tout aussi bien s’appliquer aux pratiques sociales anodines. Le changement social, que nous comprenons comme synonyme de transformation sociale, viendrait de la reproduction, de l’imitation (mimésis) et de la diffusion de ces idées et pratiques (Howaldt, 2016). Ainsi, les innombrables pratiques sociales anodines pourraient, par imitation, devenir des pratiques menant à la transformation sociale ; tout autant que le croisement entre elles peut générer d’autres pratiques. C’est donc dire que, même à un niveau microsocial, il y a une réelle possibilité pour ces innovations sociales de se joindre à une mouvance macrosociale portant vers la transformation de la société. En bref, la transformation sociale tel qu’elle est abordée dans ce mémoire cible l’amélioration des conditions de vie d’une société, engage une réflexion soutenue et prend forme dans un processus de mutation de la société. Cette mutation s’opérationnalise tant dans les rapports entretenus entre les acteurs que dans les structures dans lesquelles ils évoluent. N’étant pas limitée aux hautes sphères de la société, la transformation sociale peut s’amorcer sous forme de pratiques mises en place au sein de ressources et d’organisations. Autrement dit, la transformation sociale peut donc s’opérationnaliser à différentes échelles. Delà la reproduction, la dissémination de ses pratiques et leur évolution à travers les croisements possibles peuvent engendrer un mouvement plus global et s’inscrire ainsi dans une vision plus large de transformation

sociale. Le schéma 1 qui suit illustre la dynamique de ce processus de transformation sociale, passant d’une dimension microsociale à une dimension macrosociale.

Schéma 1: Processus dynamique de la transformation sociale : d’une dimension microsociale au macrosocial

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