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Stigmatisation et les répercussions de la différence

Partie 1 : Problématique, théorie et méthodologie

2- Cadre conceptuel et enjeux de l’Alternative

2.2 Les concepts liés à la transformation sociale : citoyenneté et participation,

2.2.3 Stigmatisation et les répercussions de la différence

Les personnes ayant vécu ou vivant une problématique de santé mentale font souvent face à la stigmatisation résultant de la différence perçue entre eux et les autres et de la crainte qui découle de cette différence. Ce sentiment de ne pas être normal peut être vécu si intensément qu’il finit par créer de l’isolement ou encore, de l’exclusion si la crainte de l’autre est trop grande.

Initialement, la stigmatisation prend son origine d’une représentation sociale qui se crée par rapport à un groupe de personnes. Une représentation est une idée ou un ensemble d’idées élaborées par les croyances, les valeurs et les ressentis et, par conséquent, n’a pas de fondement légitime en soi. Cependant, comme le souligne Balahoczky (2003) une représentation est porteuse d’un fort contenu symbolique. C’est ce qui porte l’Association québécoise pour la réadaptation sociale (AQRP) à définir la stigmatisation comme « une marque de honte, de disgrâce, de désapprobation conduisant un individu à être évité et rejeté par les autres » (AQRP, 2014, p. 6). Comme le fait valoir cette association, la stigmatisation peut prendre différentes formes par exemple, la stigmatisation sociale (attitude et réaction des autres envers soi), structurelle (attitude et pratiques institutionnelles), la stigmatisation par association (stigmatisation envers l’entourage

d’une personne) et l’autostigmatisation (stigmatisation envers soi-même, introjectée). À ce sujet, Paquet (2014) avise que l’autostigmatisation peut même entraîner une auto- exclusion de la société où la personne va « s’exclure pour éviter d’être exclue davantage » (Paquet 2014, p. 279)

Toutes ces formes de stigmatisation nourrissent les préjugés et entraînent des conséquences négatives sur la personne en la limitant dans ses choix, ses potentialités et sa participation citoyenne. De surcroît, elles peuvent atteindre la personne à un niveau plus intime, entachant alors son estime d’elle-même et sa confiance en soi. Un lien est visiblement à faire entre la stigmatisation et les expériences d’humiliation, de honte et de non-reconnaissance de Honneth citées précédemment.

Il est intéressant d’analyser la stigmatisation dans son aspect social pour comprendre en quoi elle peut nuire à la transformation sociale. Pour Benoist (2007, p. 651-652), la stigmatisation s’ancre dans trois champs soit : la peur (menace), l’anomalie et la régulation sociale. Le champ de la régulation sociale prend ici une importance particulière. Selon plusieurs auteurs, l’exclusion par la stigmatisation arbore une fonction de contrôle de la société par le biais de certaines normes auxquelles les individus doivent correspondre. Bref, une sorte de pression sociale admise et voulue qui permet, implicitement parfois, une certaine régulation sociale (Benoist, 2007 ; Poirel, Weiss, Khoury et Clément, 2015). En regard de ces trois champs, la stigmatisation peut ainsi s’appréhender comme étant une construction sociale, fruit d’une référence à une norme établie, ou du moins acceptée, qui définit deux polarités soit le normal et l’anormal et qui lie automatiquement des caractéristiques à la différence (Goffman, 1975). Poirel, Weiss, Khoury et Clément (2015) dénotent que les messages et représentations sociales actuels que nous envoie la société en matière de normativité ont souvent tendance à se réduire à la réussite financière, au travail rémunéré et aux avoirs accumulés.

Les personnes ayant vécu ou vivant l’expérience d’une problématique de santé mentale font souvent face à la stigmatisation et parmi les stigmates les plus fréquents, Roberge et White (2000) ont soulevé ceux associés à des dysfonctions ou des incapacités dues à une fragilité et une vulnérabilité psychologique et sociale. Ces mêmes auteures font la comparaison à un cercle vicieux qui s’enclenche et qui laisse croire à ces personnes que

la vie ne peut s’améliorer, que ce nouvel état est chronique, fixe, absolu et impossible à changer. Par ailleurs, même si les personnes conservent ou reprennent espoir et confiance en leurs capacités et habiletés, il n’en demeure pas moins que leur intégration dans la communauté et la société est subordonnée à leur acceptation et à l’espace qui leur est véritablement laissé. Par ailleurs, Roberge et White (2000) ont démontré que le maintien dans des espaces destinés aux personnes avec une problématique de santé mentale (plateau de travail, appartements supervisés, ressources type milieu de vie, etc.) avait comme effet pervers d’alimenter la méfiance et l’exclusion de la part de la population. Selon ces chercheuses, la stratégie qui doit plutôt être envisagée serait de permettre leur intégration et leur participation dans les lieux qui traditionnellement ne leur laissent pas d’espace ou qui les laissent en marge. Il s’agit donc d’agir non seulement auprès de la personne qui subit la stigmatisation, mais aussi sur son environnement social pour arriver à un changement de perspective de la santé mentale et des maladies qui y sont associées. De plus, il a été confirmé que les démarches mettant l’accent sur une explication biomédicale (neurobiologique, génétique, etc.) contribuent à entretenir l’idée de la chronicité de la maladie et de la permanence de l’état (AQRP, 2014). Malgré les bonnes intentions qui entourent le traitement par la médicalisation, les diagnostics et les séjours à l’hôpital, ceux-ci demeurent des sources qui alimentent la stigmatisation envers les personnes avec une problématique de santé mentale (Corin, Rodriguez, Guay, 1996 ; Benoist, 2007). En outre, les effets visibles des médicaments participent à la stigmatisation tout autant que le sens attribué à la médication et les perturbations invisibles qu’elle engendre comme la modification de la volition et la diminution de l’espoir de se réaliser. Ainsi, ces perturbations sont, une fois de plus, des facteurs qui contribuent à l’accroissement de l’autostigmatisation (Corin, Rodriguez, Guay, 1996 ; Rodriguez et Poirel, 2007).

Dans l’ensemble, la stigmatisation, qu’elle provienne des autres ou de soi-même, mène à une image négative de soi, une dévalorisation et réduit les possibilités d’action. La stigmatisation renvoie aussi à une norme acceptée par l’ensemble de la société, ce qui revient à dire que c’est également au niveau social que doivent provenir les changements pour une plus grande acceptation de la différence. Néanmoins, comme il fut relaté,

plusieurs moyens pour y mettre fin ont été déployés, mais les résultats sont parfois mitigés, voire carrément opposés aux attentes.

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