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Citoyenneté et participation : les clés de l’engagement

Partie 1 : Problématique, théorie et méthodologie

2- Cadre conceptuel et enjeux de l’Alternative

2.2 Les concepts liés à la transformation sociale : citoyenneté et participation,

2.2.1 Citoyenneté et participation : les clés de l’engagement

Dans une démocratie, la citoyenneté donne un pouvoir : celui de revendiquer pour faire reconnaître et conserver ses droits de citoyens et d’entrer en action pour orienter les décideurs autour des questions d’intérêts publiques et des politiques publiques. Du côté légal, la citoyenneté est acquise lorsque reconnue, mais le sentiment d’être pleinement citoyen, lui, n’est pas acquis. Des phénomènes sociaux d’exclusions, amènent certains individus à ressentir le rejet, à se sentir non entendus en tant que citoyens et à croire qu’ils ne peuvent exercer et revendiquer leurs droits de citoyens. Ceci porte à considérer que la citoyenneté revêt un aspect identitaire et participe au sentiment de faire partie intégrante de la société ou d’une communauté.

La citoyenneté et l’exercice de la citoyenneté sont deux thèmes récurrents dans les écrits du RRASMQ et dans ceux des chercheurs qui ont étudié l’Alternative. Selon Marshall (1950), la citoyenneté est « un statut accordé à ceux qui sont des membres à part entière d’une communauté. Tous ceux qui jouissent de ce statut sont égaux en regard des droits et des devoirs dont un tel statut est doté » (T.H. Marshall, 1950, p. 92, cité dans Duchastel, 2002). Cette définition souligne le caractère engageant du citoyen envers sa communauté. Les droits accordés par ce statut sont aussi liés à des devoirs en regard aux choix faits par les citoyens dans leur ensemble. Comme il s’agit d’un « statut accordé »,

cela implique qu’il peut tout autant être révoqué et priver ainsi la personne de certains droits.

Audigier (2007) ajoute à la conception de la citoyenneté la dimension politique vue sous l’angle de la nationalité, des droits universels de l’Homme10 et de l’apprentissage du vivre-ensemble.

D’autres chercheurs mettent en exergue les droits civils qui relient les citoyens et la société, ainsi que la présence de liens d’ordre relationnel et affectif entre les individus.

La citoyenneté se rapporte à la force des connexions qu’ont les individus aux droits, responsabilités, rôles et ressources que leur offre la société à travers les institutions publiques et sociales, ainsi que des relations impliquant des liens étroits, un réseau social soutenant et une vie associative dans leur propre communauté. (Traduction libre, Pelletier, Corbière, Lecompte, Briand, Corrigan, Davidson et Rowe, 2015, p. 1).

Ces auteurs, évoquent la « force des connexions » avec les institutions et les « liens étroits » avec l’entourage et la communauté. Autrement dit, ces liens doivent posséder certaines qualités pour témoigner d’une citoyenneté significative et ressentie.

Dans un autre registre, Lamoureux (2001), affirme que pour rendre possible l’exercice des droits citoyens, il faut non seulement créer, mais aussi maintenir en place les moyens pour permettre cet exercice et donc, favoriser ce qu’il convient d’appeler la participation citoyenne. Par ailleurs, la participation citoyenne est un concept particulièrement prisé dans les dernières années, ce qui la rend complexe et multidimensionnelle. Pour mieux la comprendre, nous nous basons sur les définitions que présentent l’Institut du Nouveau Monde (INM) et le Conseil de la santé et du bien-être (CSBE). Le CSBE définit la participation citoyenne comme : « une forme de participation qui se veut libre et spontanée, plus ou moins organisée, qui met en action des citoyennes et des citoyens qui se mobilisent autour d’enjeux d’intérêt collectif, généralement suscités par des événements ou des controverses spécifiques » (CSBE, 2004, p.13). L’INM, quant à elle, découpe la participation citoyenne en trois composantes et la décrit comme « l’exercice et

10L’emploi de la lettre capitale pour « Homme » est un choix tout à fait délibéré de la chercheuse afin de bien distinguer l’Homme en tant qu’être humain et ainsi, confondre les genres. L’emploi d’une lettre minuscule occulte, à notre sens, l’inclusion des femmes et entre en dissonance avec l’orientation des pensées de la chercheuse.

l’expression de la citoyenneté à travers la pratique de la participation publique, de la participation sociale et de la participation électorale » (INM, 2017). Ainsi, la participation publique fait référence à l’implication des personnes dans des démarches formelles ayant comme finalité des objectifs clairs et précis (INM, 2017 ; Pelletier et al., 2015). Ces démarches sont majoritairement initiées par l’État, mais peuvent aussi provenir d’entreprises ou d’organismes privés, d’organismes sans but lucratif (OSBL) (INM, 2017). Le citoyen peut ainsi participer et influer les prises décisions entourant notamment les politiques publiques. Néanmoins, son degré d’influence variera selon la place qui lui est octroyée dans ce processus et les objectifs visés par l’entité initiatrice (CSBE, 2004 ; INM, 2017). En ce qui a trait à la participation sociale, Gaudet (2011) la décrit comme « l’action de participer à une activité grâce à laquelle un individu contribue, en donnant du temps gratuitement, à la collectivité » (Gaudet, 2011, p. 34). Selon cette auteure, ces activités sont nécessairement en dehors du contexte du travail rémunéré et elle met l’emphase sur le lien social qui se développe dans l’interaction entre les personnes ou l’organisation. Le lien social renvoie à l’idée d’appartenance, d’affiliation et de relations qui permettent une solidarité et la cohésion entre les individus (Gaudet, 2011). De surcroît, la participation sociale amène la personne à poser une action, laquelle engendre une « contribution directe, immédiate ou distale à d’autres personnes » (Larivière, 2012, p. 106). Enfin, la dernière dimension de la participation citoyenne, c’est-à-dire la participation électorale, s’actualise par le vote lors d’élections municipales, provinciales ou fédérales, ou encore lorsqu’une personne se présente comme candidat potentiel aux élections (INM, 2017). Pour notre part, dans une dimension plus micro, nous considérons l’exercice du vote dans un contexte de démocratie participative lors d’une assemblée d’association comme tout autant significative d’une participation électorale.

Par conséquent, tout ce qui vient empêcher l’accès à ces formes de participation, dont la stigmatisation, l’exclusion ou la marginalisation et qui amenuise les liens sociaux vient, comme l’entrevoit Lamoureux (2001), contrecarrer l’exercice de la citoyenneté. De ce fait, la citoyenneté implique la participation au monde commun, et par conséquent, la sortie de ce qui cause l’exclusion et la marginalisation (Rodriguez, Bourgeois, Landry, Guay et Pinard, 2006).

Paquet (2014) fait ressortir trois enjeux liés à la participation des personnes fréquentant les organismes communautaires :

 Placer les pratiques démocratiques au coeur du processus d’appropriation du pouvoir.

 L’équilibre entre la place des personnes salariées et celle des bénévoles et des personnes usagères.

 La place de l’action collective versus les pratiques individuelles (services) dans l’intervention des organismes. (Paquet, 2014, p. 257)

Le premier enjeu, soit les pratiques démocratiques, accroît le sentiment de pouvoir personnel puisqu’il favorise l’émancipation et la reprise du pouvoir sur sa vie. Les pratiques démocratiques viennent « soutenir l’avènement du sujet au plan personnel et favoriser l’émergence du sujet-acteur au plan politique, et ce, tout en actualisant les valeurs historiques et fondamentales du communautaire » (Paquet, 2014, p. 261) liant ainsi les organismes communautaires à leur mission et à la raison d’où origine leur constitution.

Le second enjeu que Paquet (2014) met en exergue est la tension qui peut exister dans les organismes. La place, et conséquemment, le pouvoir réel laissé aux membres, peut varier d’un organisme à l’autre. À titre indicatif, Paquet 2014 mentionne certains freins à l’instauration d’un pouvoir équilibré comme la « passivité des membres », la volonté des employés à « contrôler le processus de travail », le « contrôle de l’information » par les employés ou, dans d’autres cas, les rencontres dont le contenu s’oriente vers « la transmission d’informations plutôt que sur la discussion et la décision. » (Paquet, 2014, p.261)

Enfin, le dernier enjeu cité plus haut, soit la place de l’action collective versus les pratiques individuelles, nous rappelle la vision biomédicale qui individualise les problématiques de santé mentale et offre une réponse tout autant individuelle. De plus, les personnes se perçoivent et s’identifient de plus en plus comme des consommateurs ayant droit à des services et de ce fait, les organismes communautaires sont alors perçus comme des prestateurs de ces services. Ce réflexe n’est pas non plus étranger au contexte néolibéral et à la nouvelle gestion publique qui transforment les « citoyens en clients et les droits en besoins » (Parazelli et Ruelland, 2017, p.83).

En bref, la participation citoyenne, sous ses trois aspects mentionnés (publique, sociale et électorale), permet à la personne de développer des liens sociaux ainsi qu’un sentiment de participer à l’essor de la communauté. L’exercice de la citoyenneté permet d’accroître un

sentiment de pouvoir, d’utilité et de valeur personnelle. Les enjeux organisationnels que soulève la véritable participation citoyenne valent la peine d’y réfléchir. En effet, ces enjeux peuvent servir de stratégies pour rehausser la participation citoyenne des membres d’une organisation si l’on identifie les facteurs pouvant agir comme catalyseur à la participation citoyenne et que l’on réfléchit aux manières d’orienter les pratiques pour aller en ce sens.

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