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Le traitement des personnes identifiées par l’administration pénitentiaire comme radicalisées

Les suites données en 2017 aux saisines adressées au contrôle général

3. Les saisines révélant des atteintes réitérées aux droits des personnes privées de libertés, quelques focus 2017

3.3 Le traitement des personnes identifiées par l’administration pénitentiaire comme radicalisées

Après avoir étudié le phénomène de radicalisation islamiste en milieu carcéral dans un avis et un rapport publiés le 30 juin 2015 et analysé les expériences mises en place dans certains établissements pénitentiaires, le CGLPL s’est prononcé en 2016 sur le dispositif de regroupement dans des quartiers dédiés dans le cadre du « Rapport sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral : les unités dédiées ouvertes en 2016 ». Une visite des unités dédiées des maisons d’arrêt d’Osny et de Fleury-Mérogis a été à cette occasion effectuée en 2016.

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La Contrôleure générale a été informée de l’abandon de l’expérience des unités dédiées au profit de la mise en place des quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) et de quartiers pour détenus violents (QDV). L’attention du CGLPL a par ailleurs été attirée par de multiples saisines sur les modalités de prise en charge des personnes détenues au sein de ce nouveau dispositif et en particulier des restrictions à leurs droits fondamen-taux au sein des maisons d’arrêt d’Osny et de Fleury-Mérogis.

3.3.1 Les modalités de prise en charge des personnes détenues au sein du QER de la maison d’arrêt d’Osny

La Contrôleure générale a été saisie à plusieurs reprises en 2017 des conditions de prise en charge des personnes détenues au sein de ce quartier. Ces écrits décrivaient des mesures de sécurité accrues : paquetage réduit au strict minimum et difficultés pour faire sortir des objets (livres et chaussures notamment) par le biais des parloirs, chan-gements de cellule hebdomadaires, fouilles par palpation systématique pour chaque déplacement des personnes détenues, réalisation de plusieurs fouilles de cellules et fouilles intégrales par semaine, positionnement obligatoire des personnes détenues au fond de leur cellule à chaque ouverture de porte par le personnel, etc. Par ailleurs, selon les informations portées à la connaissance du CGLPL, les personnes détenues n’avaient accès ni aux activités socioculturelles ni à l’enseignement et elles étaient confrontées à des difficultés pour se rendre à la salle de sport. Au mépris du respect du secret médical, des surveillants étaient présents lors de la consultation médicale d’arrivée des personnes détenues. Enfin, les personnes détenues n’avaient plus accès au culte collectif, seuls des entretiens individuels avec l’aumônier étant désormais autorisés. La Contrôleure générale a saisi le directeur de la maison d’arrêt d’Osny de ces multiples restrictions aux droits des personnes détenues.

En réponse, le directeur de l’administration pénitentiaire indique que la doctrine d’emploi dans les quartiers d’évaluation de la radicalisation a été définie dans une note du 23 février 2017 et que le régime de détention des personnes détenues qui y sont affectées demeure un régime ordinaire. Toutefois, il précise que la dangerosité des personnes détenues affectées en QER justifie des opérations de contrôle adaptées : fouilles de cellules, limitation des effets en cellule, fouilles par palpation et intégrales réalisées conformément aux textes, etc. Le CGLPL demeurera attentif à ce qu’un équi-libre entre sécurité et respect des droits des personnes soit assuré au sein de ces quartiers de détention.

S’agissant de l’accès aux activités des personnes détenues affectées au QER, le direc-teur confirme qu’elles ne peuvent accéder aux activités proposées à l’ensemble de la population pénale. Ainsi, des activités collectives (dont le nombre de participants est limité à six) sont prévues. Il précise par ailleurs que sur demande écrite, les personnes détenues peuvent être autorisées à se rendre à la bibliothèque pour emprunter des livres

et qu’une activité échecs a été mise en place. Les personnes détenues ont également accès à la salle de sport du QER, à raison d’une séance individuelle hebdomadaire, sur demande et selon le planning. Enfin, le directeur indique que les personnes détenues peuvent bénéficier d’un suivi scolaire, à leur demande ou à la suite d’un signalement effectué par un agent de l’unité.

En ce qui concerne l’exercice du culte, le directeur fait état de la modification de l’organisation du culte collectif auparavant mis en œuvre dans les unités de prévention de la radicalisation (UPR) en un suivi individuel au sein du QER, notamment en raison des pressions et du prosélytisme exercés par certaines personnes détenues sur d’autres.

Enfin, le directeur informe le CGLPL qu’à l’arrivée d’une personne détenue au QER, le parcours obligatoire de l’arrivant est mis en œuvre, dont un examen médical.

Toutefois, contrairement au parcours arrivant classique, la consultation médicale a lieu dans une salle du QER. Le directeur confirme qu’en accord avec les professionnels de santé, un personnel de surveillance est présent durant cet examen médical, aux motifs qu’aucune évaluation précise de la dangerosité pénale et pénitentiaire de la personne détenue n’a été réalisée et que « si cette procédure n’est pas exactement conforme aux prescriptions de l’article 45 de la loi pénitentiaire, elle est justifiée par le risque sérieux pour la sécurité, et notamment l’intégrité physique des personnels soignants ». Dans le cadre du suivi médical, la personne détenue se rend sur le secteur de l’unité sanitaire accompagnée d’un agent, qui en principe reste à l’extérieur de la salle de consultation

« sauf si la personne détenue présente un risque hétéro-agressif ». Le CGLPL dénonce cette atteinte manifeste au respect du secret médical de la personne détenue arrivant au QER et recommande que des mesures soient prises pour garantir des échanges confi-dentiels entre le patient détenu et le médecin.

3.3.2 L’interdiction opposée aux personnes écrouées pour des faits de terrorisme au sein de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis de travailler ou de suivre une formation professionnelle

L’attention du CGLPL a par ailleurs été appelée sur des consignes générales émises par la direction de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis selon lesquelles les personnes écrouées pour des faits de terrorisme ne sont pas admissibles à un travail ou une forma-tion professionnelle pour des raisons inhérentes à la sécurité de l’établissement et des personnels.

Les situations individuelles portées à la connaissance du CGLPL sont révélatrices des difficultés rencontrées, au quotidien, par les personnes détenues concernées par cette interdiction générale. Ainsi, une personne détenue reconnue dépourvue de ressources suffisantes et ne recevant aucune visite de sa famille vivant à l’étranger sollicite depuis plusieurs mois son classement à un poste de travail, en vain, et ce alors même qu’elle dispose d’une autorisation de travailler du magistrat instruisant son dossier. Une autre

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personne détenue a pu bénéficier d’un classement sur la liste principale du travail avant d’être déclassée de son emploi au motif de sa mise en examen pour une infraction en lien avec une entreprise terroriste.

Les consignes générales émises par la direction de la maison d’arrêt empêchent toute une catégorie de personnes détenues d’exercer un travail ou de suivre une formation professionnelle, sans aucune individualisation ni évaluation de leur situation familiale et de surcroît, en totale contradiction avec l’objectif de réinsertion que revêt l’activité professionnelle en détention.

Considérant qu’elles constituent, pour l’ensemble de ces personnes, une atteinte à leur droit d’accès à une activité professionnelle, le CGLPL a saisi le 12 décembre 2017 le directeur de l’administration pénitentiaire afin de recueillir ses observations sur cette situation attentatoire aux droits fondamentaux des personnes détenues concernées.

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