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Respect de la dignité et du secret professionnel lors des extractions médicales

Les suites données en 2017 aux saisines adressées au contrôle général

3. Les saisines révélant des atteintes réitérées aux droits des personnes privées de libertés, quelques focus 2017

3.2 Respect de la dignité et du secret professionnel lors des extractions médicales

Les difficultés liées au respect de la dignité et du secret professionnel lors des extractions médicales sont un sujet récurrent de préoccupation du CGLPL ; elles ont maintes fois fait l’objet de recommandations.

Le premier rapport annuel du CGLPL, au travers du témoignage d’une personne détenue, évoquait les refus de soins liés à la mise en œuvre de mesures de sécurité exces-sives et d’atteintes au secret médical 1.

Ce sujet a fait l’objet d’une analyse détaillée dans le rapport d’activité 2012, au regard de la question de la personnalisation de modalités d’extractions 2. Ce rapport soulignait que sur ce point la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 était restée en deçà des exigences de traitement conformes à l’humanité, dans la mesure où son article 52, dans une lecture a contrario, n’exclut pas le port de menottes pendant l’accouche-ment et ne prohibe pas, pour tout autre examen ou intervention chirurgicale, le port

1. Extractions hospitalière (correspondance reçue d’une détenue), chapitre 5 du rapport annuel 2008, p.110.

2. Voir rapport annuel 2012, p.52.

de menottes et entraves et la présence des surveillants 1. Il recommandait que soit prise une autre disposition en remplacement de l’article 52 actuel, énonçant : « Le respect des secrets de l’article 45 et de la dignité fait obstacle au port de menottes, d’entraves et à la présence du personnel pénitentiaire lors des soins de toute nature dispensés aux personnes détenues. La sécurité nécessaire est assurée par d’autres moyens ». Le CGLPL indiquait que le risque d’évasion justifiant des mesures de sécurité excessive était faible, comme le montrait le très faible nombre d’évasion annuellement comptées, et ne saurait justifier les précautions prises, ayant pour conséquences l’inconfort et l’humiliation de dizaines de milliers de personnes et des refus de soins de plusieurs centaines.

Dans son avis du 16 juin 2015 relatif à la prise en charge des personnes détenues au sein des établissements de santé, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a déploré les multiples situations de non-respect du secret médical notamment en raison de la présence de personnel médical au cours des consultations et des soins. La même année, il a été saisi de plusieurs situations dans lesquelles les dispositions de l’article 52 de la loi pénitentiaire n’avaient pas été respectées. Il a soumis ces situations à la direction de l’administration pénitentiaire.

En réponse aux trois situations individuelles soumises, la directrice de l’adminis-tration pénitentiaire a indiqué que des considérations de sécurité avaient prévalu dans la gestion des consultations médicales de ces trois femmes détenues. Elle précisait que la présence d’un personnel pénitentiaire féminin dans la salle de consultations ou de soins était justifiée par la configuration des locaux, lesquels ne garantissaient pas suffisamment la sécurité des personnes. Elle indiquait que les situations étaient appréciées au cas par cas, selon la configuration des lieux et le niveau de dangerosité des personnes détenues.

Par une note en date du 8 décembre 2015 la directrice de l’administration péniten-tiaire appelait cependant l’attention des directions interrégionales des services péni-tentiaires sur les moyens de contrainte et mesures de surveillance lors des extractions médicales des femmes enceintes ou passant un examen gynécologique, et rappelait les règles applicables. Enfin, la DAP demandait une stricte application de ces principes et prescriptions, et indiquait que les manquements donneraient lieu aux sanctions disci-plinaires qui s’imposeraient.

Dans son avis relatif à la situation des femmes privées de liberté du 25 janvier 2016, le CGLPL rappelait à nouveau la nécessité de respecter strictement les dispositions prévues à l’article 52 de la loi pénitentiaire.

Or en août 2016, l’attention de la Contrôleure générale était une fois encore appelée sur une situation problématique au regard du respect de ces dispositions. Il s’agissait d’une

1. Article 52 de la loi du 24 novembre 2009 : « Tout accouchement ou examen gynécologique doit se dérouler sans entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire, afin de garantir le droit au respect de la dignité des femmes détenues ».

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femme en détention provisoire à Fleury-Mérogis, sous écrou terroriste, dont l’accouche-ment s’était déroulé dans une atmosphère de grande tension, y compris entre équipes médicales et pénitentiaires, liée notamment aux conditions de sécurité dont il avait été estimé utile de l’entourer. Des vérifications sur place réalisées en septembre et octobre 2016 ont permis de constater des atteintes graves à la dignité de la personne, à son intimité et au respect du secret médical. Elles ont également révélé des défaillances dans la prise en charge de la personne détenue lors de son extraction et au cours de son hospitalisation.

Le CGLPL a par conséquent recommandé dans son rapport de vérifications sur place qu’un rappel exprès du principe posé par l’article 52 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 soit effectué auprès des personnels pénitentiaires, précisant que l’accouchement comporte plusieurs phases et ne s’entend pas de la seule délivrance de la mère. Dès lors, toute salle de soins, à l’hôpital, dans laquelle une femme détenue est entrée en phase de travail, est une salle de naissance.

En réponse à l’envoi du rapport établi à l’issue de la visite de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, le ministre des affaires sociales et de la santé a entendu rappeler « qu’en tout état de cause, tout accouchement ou examen gynécologique, sans aucune exception, doit se dérouler sans menottes et entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire ».

Ce rapport a également été l’occasion de rappeler que le respect du secret médical, droit du patient, constitue un devoir absolu pour le médecin auquel il s’impose. Si la présence de personnels pénitentiaires peut exceptionnellement s’avérer nécessaire lors d’une consultation des moyens doivent être utilisés pour préserver le respect de la vie privée du patient (en communiquant par écrit, en utilisant des rideaux ou paravents, etc.). Le principe du respect du secret médical doit également faire l’objet d’un rappel exprès auprès des personnels médicaux et pénitentiaires.

Au cours de l’année 2017, des recommandations similaires ont été faites à plusieurs chefs d’établissements concernant des dossiers dans lesquels le CGLPL avait été saisi par courrier.

Une saisine reçue en 2017 est également à ce titre particulièrement édifiante :

« Madame,

En octobre 2015 je vous avait signalé un problème que j’avais rencontré pendant une extraction médicale à l’hôpital. L’ORL avait refusé qu’on m’enlève les menottes pendant l’entretien. Vous étiez intervenue et plus rien de la sorte ne s’était produit.

Je viens de rencontrer à nouveau le problème hier mais de manière plus violente (…).

Cette fois ce sont les surveillants en charge de l’extraction qui ont refusé de m’enlever les menottes devant le praticien interloqué alors que je le leur avait demandé. Ils sont restés présents à deux dans la pièce pendant tout la durée de l’entretien, le secret médical n’étant donc pas respecté. Je leur ai dit que j’allais contacter mon avocat, ce qui n’a rien changé à leur attitude (…).

J’ai soixante-six ans et je n’ai jamais fait l’objet d’un rapport d’incident en plus de sept ans d’incarcération. Ces attitudes humiliantes se multiplient à un rythme sans cesse croissant [dans l’établissement], je vous en ai déjà fait part dans mes lettres précédentes (…). Je vous avoue craindre des représailles car vous écrire est très mal vu ».

Des échanges ont également eu lieu avec des directeurs d’établissements à la suite des visites. Ainsi, dans une maison centrale, il avait été constaté lors d’une visite en 2016 qu’une note prévoyait la présence obligatoire d’un surveillant au moment des soins. Une recommandation avait été émise aux fins de l’abroger. La direction du centre hospitalier de rattachement avait proposé de conduire une réflexion à ce sujet avec les personnels infirmiers.

Il a été constaté lors d’échanges avec la direction de cet établissement en 2017 que la note en question avait été abrogée. La fiche de poste du surveillant affecté à l’unité sanitaire prévoit désormais que l’agent assure, uniquement à la demande des praticiens ou par préconisation de la direction de l’établissement, une présence physique lors de la consultation. Il a été rappelé dans ce cadre l’importance de veiller au principe de discrétion figurant notamment dans le guide des pratiques professionnelles relatif à la surveillance de l’unité sanitaire.

À l’instar de la vérification sur place réalisée à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en 2016, ces exemples sont caractéristiques des difficultés rencontrées pour que les principes figurant dans la loi, pourtant maintes fois rappelés par le CGLPL trouvent à s’appliquer en pratique. La Contrôleure générale restera vigilante s’agissant de ces questions, fondamentales pour assurer le respect de la dignité des personnes détenues lors des extractions médicales et assurer en toutes circonstances le respect du secret médical.

Le CGLPL recommande que les mesures propres à assurer le respect de la dignité des personnes détenues lors des extractions médicales ainsi que le respect du secret médical lors des consultations médicales fassent l’objet d’une circulaire conjointe du ministère de la justice et de la santé.

3.3 Le traitement des personnes identifiées par

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