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Les locaux de garde à vue, dont la taille et l’activité sont très variables sont la catégorie la plus nombreuse des lieux soumis au contrôle du CGLPL. Ils relèvent dans leur très grande majorité du ministre de l’intérieur au titre de son autorité sur la police nationale et sur la gendarmerie nationale et, de manière marginale, du ministre chargé du budget, au titre de son autorité sur la douane 1.

Instituée par l’article 62-2 du code de procédure pénale, la garde à vue est une mesure de privation de liberté décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’auto-rité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

1. La douane est habilitée à mettre en œuvre deux régimes de privation de liberté : la rétention douanière et, dans les services de la douane judiciaire, la garde à vue.

La garde à vue est prononcée pour 24 heures et peut être prolongée à 48 heures par le parquet et, pour certains crimes et délits elle peut être prolongée jusqu’à 96 heures, voire six jours pour les affaires de terrorisme.

La personne gardée à vue bénéficie d’un droit à l’information sur l’infraction qui lui est reprochée et sur ses droits au cours de la mesure, du droit de faire prévenir des tiers (proches, employeur ou consulat), du droit à un examen médical ainsi que du droit de garder le silence et d’être assistée par un avocat. Elle est placée sous la protection des forces de police ou de gendarmerie dans les conditions prévues par l’art. R.434-17 du code de la sécurité intérieure : « Protection et respect des personnes privées de liberté » 1.

En 2017, le CGLPL a visité 22 locaux de garde à vue relevant de la gendarmerie nationale, 21 de la police nationale et 2 de la douane2. Ces visites ont globalement confirmé les remarques générales faites au cours des années antérieures.

Concernant les locaux de la police nationale, les principales atteintes aux droits rele-vées portent sur :

– les graves lacunes de l’hygiène : des locaux très dégradés, des couvertures qui ne sont pas nettoyées régulièrement et l’absence de moyens pour l’hygiène corporelle des personnes gardées à vue ;

– une application systématique des mesures de sécurité qui contrevient aux disposi-tions du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale (cf. dispositions citées ci-dessus) ;

– une notification expéditive, voire dissuasive, des droits qui ne permet pas de garantir qu’ils ont été effectivement compris, ainsi qu’en témoigne notamment le faible nombre des demandes d’assistance par un avocat.

Au nombre des anomalies relevées au cours de l’année, figure un local d’entretien avec l’avocat équipé d’un hygiaphone.

1. Code de la sécurité intérieure, art. R. 434-17 Protection et respect des personnes privées de liberté :

« Toute personne appréhendée est placée sous la protection des policiers ou des gendarmes et préservée de toute forme de violence et de tout traitement inhumain ou dégradant.

Nul ne peut être intégralement dévêtu, hors le cas et dans les conditions prévues par l’article 63-7 du code de procédure pénale visant la recherche des preuves d’un crime ou d’un délit.

Le policier ou le gendarme ayant la garde d’une personne appréhendée est attentif à son état physique et psy-chologique et prend toutes les mesures possibles pour préserver la vie, la santé et la dignité de cette personne.

L’utilisation du port des menottes ou des entraves n’est justifiée que lorsque la personne appréhendée est considérée soit comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même, soit comme susceptible de tenter de s’enfuir. »

2. La liste complète des établissements visités en 2017 est dressée à l’annexe 2 du présent rapport.

Les lieux de privation de liberté en 2017 37

5.1 La surveillance nocturne des personnes gardées à vue dans des locaux de gendarmerie

S’agissant des locaux de gendarmerie, les difficultés sont souvent liées à la petite taille des unités qui exécutent chaque année un nombre restreint de procédures et dès lors ne les maîtrisent pas toujours avec précision, mais il s’agit en principe de mesures de courte durée. Si l’hygiène est en général bien assurée, les locaux sont d’une conception très spartiate et souvent dépourvus de chauffage, à tel point que dans deux des unités visitées, ils sont inutilisables une partie de l’année.

La question de la surveillance nocturne des personnes placées en garde à vue, soulignée à de nombreuses reprises par le CGLPL connaît des évolutions qui ne pallient pas l’absence de permanence dans l’unité. Certes, comme cela avait été annoncé, des boutons d’appel ont été installés dans environ un tiers des unités, mais cette mesure n’est ni systématique ni suffisante car elle consiste à appeler un militaire d’astreinte souvent à son domicile, situé dans un autre bâtiment parfois hors de l’enceinte dans laquelle se trouvent les locaux de service, lequel n’est pas situé dans le bâtiment. Dans l’une des unités visitées le bouton d’appel avait été livré mais non installé pour des raisons obscures auxquelles la réticence du personnel ne semblait pas étrangère.

Cette astreinte dont les contours et les moyens sont assez flous est complétée par des rondes qui font l’objet d’une vérification systématique par le CGLPL. Les constats effectués ne sont pas à la hauteur des annonces : au lieu du passage annoncé toutes les deux heures on note dans les meilleurs des cas un passage en début de nuit et en fin de nuit et quelquefois, l’absence de visite est mise sur le compte de la mauvaise tenue du registre par les unités qui font la ronde. Le dispositif n’est donc toujours pas satisfaisant.

Pourtant, certaines unités, celles dont les chambres de sûreté sont inutilisables ou celles de la petite couronne de Paris ont, à l’instar des services de la douane, adopté une pratique plus conforme à l’obligation de protection des personnes privées de liberté que les gendarmes tiennent de leur code de déontologie : le placement dans une unité voisine de police ou de gendarmerie dans laquelle une présence permanente est assurée. On objectera, parfois avec raison, que cela suppose un déplacement qui n’est pas toujours aisé. Un tel argument ne saurait cependant être retenu car les unités de gendarmerie les plus éloignées d’un chef-lieu d’arrondissement ou de département sont aussi celles qui ont le plus faible nombre de gardes à vue et qui, au surplus prennent en général des mesures de courte durée qui ne nécessitent pas le séjour d’une personne en chambre de sûreté pendant la nuit. Pour pénibles que soient les déplace-ments, ils seraient assurément rares, et moins exigeants que des visites nocturnes, des réveils en milieu de nuit et l’acceptation d’un risque sur la responsabilité personnelle des gendarmes.

Il semble donc nécessaire que la gendarmerie renonce à enfermer des personnes la nuit sans surveillance directe dans chacune de ses unités et identifie celles qui sont en mesure d’assumer cette responsabilité ou, à défaut, s’appuie pour cela sur la police nationale.

5.2 Le déroulement des gardes à vue dans les départements de la petite couronne de Paris

L’année 2017 a été pour le CGLPL l’occasion de visites plus nombreuses que les années précédentes dans les trois départements de la petite couronne de Paris. Ces visites ont mis en évidence une organisation du service des officiers de police judiciaire qui est à l’origine de graves atteintes à la liberté.

Les personnes interpellées dans ces départements après l’heure de fermeture des services de police judicaire des commissariats peuvent passer une nuit complète en garde à vue sans qu’aucune mesure d’investigation ne soit prise, et ce pour des motifs si véniels que ces personnes sont le plus souvent libérées le lendemain matin après une simple audition.

Concrètement, cela signifie qu’à partir de 19h, c’est-à-dire pour les personnes inter-pellées à partir de 18h environ, les affaires sont traitées par un officier de police judi-ciaire de permanence par district, soit pour quatre ou cinq commissariats, chargé des premières investigations pour les 95 % que représentent les « petites affaires ». Son rôle ne peut donc que se borner à placer les personnes interpellées en garde à vue car il n’est en mesure d’effectuer aucun autre acte de procédure. Le relai est donc pris par les officiers de police judiciaire des commissariats qui prennent leur service le lende-main vers 9h et procèdent aux auditions dans la matinée. Dans nombre d’affaires, les personnes mises en cause sont remises en liberté après une seule audition sur instruction du parquet.

Ainsi, un grand nombre de personnes se voient privées de liberté parfois pendant 15 heures, même pour des infractions bénignes, uniquement en raison d’une organisation défaillante des services. Aussi curieux que cela puisse paraître ni les avocats ni le parquet ne semblent trouver à redire à cette situation qui semble être regardée comme une fatalité.

Le CGLPL invite donc les ministres de l’intérieur et de la justice à revoir l’orga-nisation du service des officiers de police judiciaire dans les départements de la petite couronne parisienne afin d’éviter que des personnes soient privées de liberté plusieurs heures dans des affaires de faible importance sans qu’aucun acte d’investigation ne soit effectué.

Chapitre 2

Les rapports, avis et recommandations

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