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Les théories évolutionnistes et l’analyse dynamique de l’innovationde l’innovation

des organisation

5.2.2 Les théories évolutionnistes et l’analyse dynamique de l’innovationde l’innovation

Ces premières inclusions de l’innovation dans l’analyse économique vont cependant donner lieu à un certain nombre de critiques. On lui reproche en particulier son caractère trop linéaire et déterministe, ainsi que son caractère statique. Ainsi, à partir des années 1980, se développe une approche alternative de l’inclusion de l’innovation dans l’analyse économique : l’approche évolutionniste.

5.2.2 Les théories évolutionnistes et l’analyse dynamique

de l’innovation

Les théories évolutionnistes se basent sur les travaux fondateurs de J. Schumpeter (1934; 1942). Elles empruntent également le concept de rationalité limité de H. Simon (1955; 1978). Enfin elles préconisent une analyse dynamique plutôt que statique de l’économie, de manière à pouvoir prendre en compte le phénomène de dépendance de sentier, faisant ainsi un parallèle avec l’évolutionnisme biologique dont C. Darwin est à l’origine (Darwin, 1862).

Ce sont en particulier les travaux de R. Nelson et S. Winter qui marquent leur entrée dans l’analyse économique (Nelson et Winter, 1982). Partant du principe que les déséquilibres des économies ne sont pas des anomalies, mais constituent plutôt la norme, ils rejoignent en effet Schumpeter dans l’idée que les mécanismes par lesquels les économies évoluent au fil du temps ne peuvent pas être relégués hors de l’analyse, mais constituent au contraire un objet d’étude dont la compréhension est fondamentale pour la mise en œuvre de politiques pertinentes.

Pour formaliser tout ceci au niveau industriel, les auteurs proposent dans les der-niers chapitres de leur ouvrage, un modèle qui est demeuré la base de la modé-lisation évolutionniste en science économique. Nous présentons ici brièvement ce modèle, désigné par les auteurs sous le terme « modèle de concurrence Schumpé-térienne » (MCS).

Dans ce modèle de base, on se concentre sur un secteur industriel unique, sur lequel un seul bien est produit et est vendu à un prix unitaire unique (p). Le secteur comporte un nombre N de firmes.

3. Notons que cette représentation du secteur de la R&D permet de représenter ce que nous avons appelé les contributions directes et indirectes au développement économique : la propen-sion à mettre en œuvre des processus d’innovation (l’ampleur des contribution indirectes) y est représentée par la taille du secteur de la R&D, tandis que la probabilité de succès de ces processus y est représentée par ses inputs, en l’occurrence le capital humain et le stock de connaissances existantes.

5.2. Développement et capacité d’innovation

Le modèle comporte plusieurs périodes successives. A chaque période, un prix d’équilibre et des quantités d’équilibre sont déterminées, de la même manière que dans un modèle classique de concurrence en quantités.

Pour la période t, Chaque firme i possède un capital (Kit) et dispose d’un niveau de productivité (Ait). Elle produit une quantité (Qit) d’output qui dépend de Ait

et Kit.

Qit = AitKit

La quantité totale d’output produite (Qt) est simplement la somme des quantités produites par toutes les firmes. Le prix de vente unitaire (Pt) du produit dépend de Qt selon une fonction de demande inverse classique.

Qt=X

Qit =X AitKit

Pt = D(Qt)

Le profit unitaire de la firme est égal au produit du prix de vente unitaire Pt et de la productivité Ait , diminuée du coût de production unitaire c (identique pour toutes les firmes), et des investissement de la firme en R&D pour l’innovation (rin) et pour l’imitation (rim)

πit = (PtAit− c − rin− rim)

La particularité du modèle est qu’à chaque début de période, certaines variables sont redéfinies en fonction de différents éléments de la période précédente. Ceci permet bien de prendre en compte la « dépendance de sentier » dans le comporte-ment des firmes, et au fil du temps, on voit ainsi apparaitre des différences entre firmes, et donc une diversité dans la population des firmes.

Dans ce modèle de base, les variables qui sont modifiées de période en période par des mécanismes évolutionnaires sont Ait et Kit. En effet, la productivité Ait peut augmenter d’une période à l’autre. La détermination de cette augmentation dépend des investissements de la firme en R&D pour l’innovation (rin) et pour l’imitation (rim), et se fait par un processus aléatoire en deux étapes : A la première étape,

un « tirage aléatoire » est lancé pour déterminer si l’investissement en innovation (ou imitation) a permis de mettre au point une innovation (imitation) ou non. La probabilité de succès de ce premier tirage dépend du capital de la firme et de l’ampleur de son investissement en innovation (ou imitation).

imitation : pr[dm

it = 1] = am

.rmit.Kit

innovation : pr[dn

it= 1] = an.rnit.Kit

Si ce premier tirage est favorable, un second « tirage aléatoire » est lancé pour déterminer l’ « ampleur » du gain de productivité que permet l’innovation ou l’imitation. La probabilité de succès de cette seconde étape est calculée différem-ment selon qu’il s’agit d’investissedifférem-ments en innovation ou en imitation. Pour un investissement en innovation, l’ensemble des niveaux de productivité auxquels peut accéder la firme lors du tirage aléatoire est une distribution de niveaux de produc-tivité qui dépend du temps.

F(A; t)

Pour un investissement en imitation, cet ensemble est une distribution (pondérée par le capital respectif des firmes) des niveaux de productivités des firmes de l’industrie.

Fondamentalement, l’élément qui conditionne l’évolution de Ait et Kit est donc le hasard, la dimension aléatoire inhérente à toute activité économique. A ce stade, la dimension stratégique n’est pas prise en compte dans la détermination de l’évo-lution.

L’objectif de cette modélisation est donc simplement de montrer comment l’in-troduction de l’aléa et de mécanismes évolutionnaire dans un modèle classique de concurrence permet de faire apparaitre d’importantes différences de fortune au fil du temps entre les firmes, ainsi que des structures industrielles différentes, notamment en termes de concentration.

Cependant, si l’on en reste à cette seule explication de l’évolution des firmes et des secteurs industriels par le hasard, l’analyse ne revêt que peu d’intérêt pour l’action. C’est pourquoi R. Nelson et S. Winter, ainsi que de nombreux autres auteurs par la suite, se sont attachés à introduire d’autre mécanismes évolutionnaire dans l’analyse.

5.2. Développement et capacité d’innovation

Ainsi, dès 1984, Winter propose un nouveau MCS qui incorpore de nouvelles va-riables, ainsi que d’autres facteurs d’évolution des variables (Winter, 1984). Ainsi, le modèle intègre un aspect adaptatif dans les comportements d’investissement en R&D des firmes. En fonction de leur résultats, les firmes augmentent ou diminue les montant qu’elles allouent à la R&D. D’autre part, ce modèle intègre également la possibilité d’entrée et de sortie de firmes sur le marché. Ceci permet d’aborder des questions telles que l’importance des barrières à l’entrée, la survie des firmes, la concentration du secteur, etc. Dans la fin des années 90, G. Ballot et E. Taymaz, quant à eux, proposent un modèle prenant en compte l’importance des investisse-ments en formation du personnel dans l’évolution de la productivité de la firme et donc dans sa croissance et sa survie (Ballot et Taymaz, 1997).

Bien que nous ne mobilisions pas directement ces modélisations évolutionnistes du développement économique des firmes et des économies, leur présentation détaillée nous a semblé nécessaire car elles introduisent un certain nombre d’hypothèse, de concepts et de résultats qui ont largement influencé d’autres pans de littérature que nous présentons au cours des sections suivantes. Rappelons en particuliers trois hypothèses issues de ces modélisations que nous mobiliserons par la suite.

La première concerne le comportement des firmes. La modélisation de leurs com-portement à travers le concept de routines organisationnelles que nous avons abordé à la section 4.2.3, va être ici particulièrement utile. En effet, nous avons vu que cette modélisation représente la firme comme un ensemble de routines interdépendante, dont certaines, les « méta-routines » sont destinées à gérer les changements de routines. Nous verrons donc que ces méta-routines jouent un rôle particulièrement important dans les processus d’innovation.

Une deuxième hypothèse, découlant de la première, postule l’existence d’une « dé-pendance de sentier » dans l’évolution économique des firmes et des économies, et nous sera particulièrement utile pour aborder la section 5.2.4 sur les systèmes d’innovation. En effet, partant du principe que les firmes sont constituées d’un en-semble de routines organisationnelles, les théories évolutionnistes considèrent que le principe de maximisation à partir d’un ensemble de possible commun à tous les agents, ne constitue pas une modélisation appropriée des comportements indivi-duels de ceux-ci. En effet ils sont limités dans leurs choix, non seulement par leurs limites cognitives et leur accès limité à l’ensemble des connaissances existantes, mais également par le « sentier » qu’ils ont emprunté auparavant, c’est à dire par les choix irréversibles et impliquant qu’ils ont effectués dans le passé. Cette hy-pothèse est à la base de la théorie institutionnaliste sur laquelle est construite l’approche par les systèmes d’innovation.

Enfin, une troisième hypothèse des modèles évolutionnistes apparait importante pour la suite de notre développement bien qu’insuffisamment développée : tout

comme dans l’approche retenue par les théoriciens de la croissance, l’approche évolutionniste reconnait l’existence d’externalités de connaissances associées au processus de R&D mis en œuvre par les firmes. En effet, on se souvient que pour P. Romer, ces externalités étaient même à l’origine du manque d’incitation à la mise en œuvre de R&D par les firmes, et justifiait donc les interventions publiques de soutien à la R&D. Dans l’approche évolutionnistes, les externalités sont prises en compte par le fait que les firmes peuvent choisir d’imiter les technologies mises au point par d’autres firmes plus avancées qu’elles, plutôt que d’innover elles-mêmes. Cependant, malgré cette prise en compte des externalités de connaissances, les évo-lutions économiques des dernières décennies ont révélé l’importance d’une prise en compte plus précise du rôle de ces externalités dans les processus d’innovation, tant celui-ci est devenu crucial à mesure de l’intensification de la mondialisation. Le rôle de la proximité géographique dans ces phénomènes d’externalité a été par-ticulièrement étudié par les économistes relevant de la géographie de l’innovation. Nous abordons cette littérature au cours de la section suivante.

5.2.3 La géographie de l’innovation ou le rôle des