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Définitions et concepts

2.3.2 Capital social et réseaux sociaux

Nous l’avons vu dans la section précédente, il est fréquemment fait référence à la notion de réseau social pour définir le concept de capital social. Nous nous attacherons dans cette section à apporter quelques éclairages sur ce terme et sur son articulation avec le capital social.

La littérature de l’analyse des réseaux sociaux, issue du rapprochement de la théorie des graphes et de la sociologie structurale, considère que les structures sociales peuvent être décrites de manière simplifiée par les réseaux des relations sociales dont elles sont le siège. Le réseau est une représentation graphique mettant en jeu des nœuds, représentant les acteurs du système, et des liens (ou « arcs »12) représentant les relations sociales.

Le système social étudié peut correspondre à un espace géographique (par exemple un village ; une région), à une organisation (par exemple une entreprise : Lazega, 1992 ; un hôpital : Lakha, Gorman, et Mateos, 2011), ou encore à une commu-nauté spécifique. Notons également que de nombreux travaux se sont intéressés au système social que constitue l’entourage d’une personne particulière, et donc à son réseau personnel ou réseau égocentré (Burt, 2004; Tortoriello et Krackhardt, 2010).

12. On parle d’arc pour un réseau « dirigé » et de lien pour un réseau « non-dirigé » ; cf. explication des termes « réseau dirigé » et « réseau non-dirigé » ci-dessous.

2.3. Capital social et réseau social

Par ailleurs, les acteurs du système étudié peuvent être des individus, mais ils peuvent également être eux-mêmes des entités sociales telles que des organisations (Ahuja, 2000; Powell, Koput, et Smith-Doerr, 1996), ou des unités d’organisations (Tsai, 2000; Tsai et Ghoshal, 1998).

Les relations sociales étudiées peuvent être de différents types : relations d’amitié, relations d’échange, relation de travail, relation de conseil, relation d’autorité, etc. Le réseau peut être dirigé si la direction des relations sociales (« d’un acteur A vers un acteur B » ou « d’un acteur B vers un acteur A ») est prise en compte dans l’analyse, ou non-dirigé dans le cas contraire. Il peut également être valué si la « force » des liens est prise en compte – c’est à dire si des éléments comme l’intensité émotionnelle d’une relation, ou encore sa fréquence, sont pris en compte – ou non-valué dans le cas contraire.

Le choix du système étudié, des individus à inclure dans le réseau et du type de relation à prendre en considération constituent une partie importante du travail d’analyse d’un réseau social puisque ces choix doivent permettre de rendre compte le plus fidèlement possible de la structure sociale que l’on cherche à étudier et doivent être cohérent avec la question de recherche à laquelle on essaie de répondre à l’aide du réseau (Lazega, 2007).

Le graphe g d’un réseau quant à lui, correspond à une représentation matricielle de ce dernier. Il s’agit d’une matrice carrée (parfois appelée « matrice d’adjacence ») de dimension N, où N correspond au nombre d’acteur présents dans le réseau. Une relation sociale entre 2 acteurs i et j d’un réseau est matérialisée par la valeur

gij située à l’intersection de la i-ème ligne et de la j-ème colonne de la matrice. Cette valeur peut-être binaire dans le cas d’un réseau non-pondéré, elle peut aussi être une valeur discrète ou même réelle dans le cas d’un réseau pondéré. La figure 2.3 tirée de l’ouvrage de référence Social and Economic Networks (Jackson, 2010) donne l’exemple très simple d’un réseau social à 3 acteurs et 2 liens, accompagné du graphe qui le représente.

Là encore, le choix du type de variable utilisé pour représenter la relation sociale est une partie intégrante de l’analyse puisqu’une absence de pondération ne permet que de rendre compte de l’existence d’un lien ou non, tandis qu’une pondération permet par exemple de faire le distinguo entre des liens forts et des liens faibles, de considérer la fréquence ou l’intensité d’un lien, ou même de considérer l’existence de lien négatifs (inimitié, conflit, etc.).

Du fait de son aspect formel, un graphe permet donc de traduire certaines carac-téristiques des systèmes sociaux en indicateurs et variables quantitatives. Ainsi, dans le champs des sciences économiques et de gestion, le concept de capital

Figure 2.3 – Exemple de réseau social comprenant 3 acteurs et 2 liens (source :

Jackson, 2010)

des structures sociales pouvant constituer des ressources pour différentes actions économiques, a souvent été mesuré en ayant recours aux indicateurs dérivés des réseaux sociaux et de leurs graphes. Cette propriété a sans nul doute contribué à la popularisation de ce concept, en permettant aux chercheurs de mettre des mesures précises sur des caractéristiques sociologiques fines et complexes.

Cependant, les données nécessaires à la reconstitution d’un graphe et d’un réseau ne sont pas simples à obtenir. Outres les données individuelles sur chaque acteur du réseau, elles comportent également des données relationnelles qui sont parti-culièrement délicates à obtenir. Différentes méthodes ont été mobilisées dans la littérature à cette fin.

Le recours à des questionnaires sociométriques constitue l’un des premiers modes de collecte de données employé par les sociologues. La méthode consiste à inter-roger l’ensemble des acteurs du système et à leur demander quelles relations ils entretiennent avec les autres acteurs du système. Ce mode de collecte est par-ticulièrement intéressant, mais il comporte de nombreuses difficultés : ce type de question est souvent assez sensible ; la description des relations par les individus est subjective et donc inégale d’une personne à l’autre ; lorsque le système comporte de nombreux acteurs, la méthode devient très fastidieuse ; etc.

Pour ces raisons, d’autres modes de collectes se sont développés par la suite. Le développement de l’informatique et des capacités techniques des systèmes d’in-formation ont considérablement contribué à l’émergence de solutions alternatives. Ainsi, à l’heure actuelle, de nombreuses bases de données sont utilisées pour ex-traire des données relationnelles sans avoir besoin d’interroger individuellement chaque acteur d’un système : données sur des projets de coopération, données d’appels téléphoniques, données d’intranets, données de co-invention de brevets, etc.

2.3. Capital social et réseau social

Malgré le développement de ces méthodes alternatives, la collecte des données né-cessaires à la reconstitution d’un réseau social et de sa matrice d’adjacence consti-tuent un travail important et dont la complexité augmente exponentiellement avec la taille du réseau. Pour cette raison, de nombreux travaux étudiant l’impact éco-nomique du capital social à des grandes échelles (ex : villes, régions, pays, etc.) ont plutôt cherché à l’évaluer par le biais de questionnaires non-sociométriques, sur des caractéristiques non-résiliaires des structures sociales (ex : sentiment de confiance inter-individuelle, valeurs partagées, activité associative, etc.), ou en-core à des questionnaires sociométriques administrés à un échantillon d’acteurs du système à propos de leurs réseaux égocentrès respectifs.

Au cours de cette étude nous allons mobiliser les réseaux sociaux (RS) et les graphes pour mesurer certains aspects de capital social. Ayant présenté ici quelques éléments de bases de l’analyse des réseaux sociaux (ARS) et de ses concepts, nous aborderons plus en détail, au cours de notre développement, les indicateurs et variables que nous mobiliserons.