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des groupes

3.6.2 Le concept de capital social sécant-cohésif

Au regard de ces différents éléments, nous proposons à présent de recourir au concept de capital social sécant-cohésif (CSSC) en vue de parvenir à une modéli-sation satisfaisante de la relation structure sociale - capacité d’innovation. Nous définissons ce concept de la manière suivante :

Définition. D5: Le capital social sécant-cohésif correspond au stock de ressources

dont dispose une unité sociale, qui découle de l’association complémentaire des aspects cohésifs et des aspects sécants de sa structure sociale.

Et nous proposons que :

Hypothèse 7. Le CSSC d’une unité sociale constitue un facteur explicatif stable

3.6. Synthèse : Le capital social sécant-cohésif

Cette définition permet de rendre compte de l’aspect complémentaire des aspects sécants et cohésifs du capital social mis en lumière par le modèle RZ. Cependant, le terme « stock de ressource » vise à réaffirmer le fait que le capital social sécant-cohésif est avant tout une forme de capital. et qui plus est, une forme de capital

social.

Il s’agit d’une forme de capital social, puisque conformément à la définition de J. Coleman, ce concept remplit les deux conditions nécessaires et suffisantes pour prétendre à ce label :

1. il est constitué d’une ensemble d’aspects relatifs à une structure sociale. En l’occurrence, il s’agit de tous les aspects d’une structure sociale qui rendent compte de l’association complémentaire de sa portée externe et de sa cohé-sion ;

2. ces aspects facilitent certaines actions des acteurs composant sa structure. A cet égard, il convient de préciser que le CSSC est spécifiquement destiné à faciliter un type d’action : la génération répétée d’innovation favorisant le développement durable, ou autrement dit, la capacité d’innovation telle que nous l’avons définie. Rappelons que Coleman précise qu’ « une forme donnée de capital social qui a une valeur dans la facilitation de certaines actions, peut être inutile, voire nuisible pour l’accomplissement d’autres actions. » (Coleman, 1988). Dans cette optique, nous avançons que le CSSC constitue une ressource pour la capacité d’innovation telle que nous l’avons définie, mais nous reconnaissons que celui-ci peut être inutile (voire néfaste) pour d’autres actions pour lesquelles d’autres formes de capital social ont démontré leur utilité.

Par ailleurs, il s’agit plus généralement d’une forme de capital. Pour s’en convaincre, penchons nous sur le travail critique de D. Méda à propos de l’ « approche amé-ricaine » du capital social (Méda, 2002). Dans cet article, l’auteure reproche à l’approche de R. Putnam du capital social9 d’être tellement englobante, qu’elle en devient trop vague. Et de ce fait, on peut, selon elle, s’interroger sur la pertinence du recours à la notion de capital. En effet, le terme capital faisant généralement référence à un stock, il convient de préciser le « substrat » et le « périmètre » du stock que constitue le capital social, (Méda, 2002, p. 41), faute de quoi l’évaluation du niveau de capital social est notoirement arbitraire.

9. L’approche de R. Putnam du capital social est celle sur laquelle s’appuie notamment le rapport de l’OCDE de 2001, qui définit celui-ci comme : « les réseaux et les normes, valeurs et convictions communes qui facilitent la coopération au sein de groupes ou entre eux » (OCDE, Le

capital humain et social dans un processus de croissance et de développement durable. Réconcilier nouvelles économies et nouvelles sociétés, le rôle du capital humain et du capital social, 2001)

Prenant acte de cette critique nous nous sommes attachés à développer une ap-proche plus spécifique du capital social, afin que le substrat et le périmètre en soient plus aisément identifiables et que leur évaluation soit de ce fait, moins arbitraire. Nous nous sommes ainsi focalisés sur un ensemble spécifique d’aspects des struc-tures sociales : les caractéristiques qui attestent d’une forme de complémentarité entre leur portée externe et leur cohésion.

Ainsi, en terme de périmètre, tous les aspects d’une structure sociale n’attestant pas d’un aspect sécant, tel que défini à la section 3.3.1, ou d’un aspect cohésif, tel que défini à la section 3.3.1, ne constituent pas des éléments de CSSC. Par ailleurs, tous les aspects attestant exclusivement d’un aspect sécant ou d’un aspect cohésif d’une structure sociale sont également exclus du périmètre, puisque seuls les aspects attestant de la complémentarité des deux aspects sont considérés comme des éléments de CSSC.

En termes de substrat, la clarification de notre propos requiert de répondre à deux questions : (1) quelles mesures permettent d’évaluer respectivement les aspects sécants et les aspects cohésifs du capital social ; (2) quelle mesure permet d’éva-luer la complémentarité de ces aspects. Ces questions étant principalement d’ordre empirique, nous les laisserons de côté dans un premier temps. Elles constituent ce-pendant l’un des objets principaux des deux chapitres de la partie empirique de cette thèse où différents modes d’évaluation seront proposés pour les échelles orga-nisationnelles et territoriales (cf. sections 6.3, 6.4, et 6.6 pour l’échelle territitoriale, et sections 7.4 et 7.5 pour l’échelle organisationnelle).

Ainsi, il apparait que le caractère spécifique du CSSC facilite son assimilation à une forme de capital. En outre, un autre élément contribue à renforcer ce statut : la modélisation de sa dynamique. En effet, nous avons vu au cours de la section 3.3.2, que le temps a un impact négatif sur les aspects sécants du capital social d’un groupe de travail, et un impact positif sur ses aspects cohésifs (hypothèse 4). Ceci a des conséquences en termes de modélisation du CSSC. En effet, lorsque deux variables X et Y ont un impact complémentaire sur une troisième variable Z, lorsque X augmente et que Y diminue simultanément, l’effet sur la Z peut être positif ou négatif en fonction du niveau initial des variables X et Y : si initiale-ment, la variable limitant la complémentarité est la variable X, alors la variable C augmente avec cette évolution. Si c’est la variable Y qui limite initialement la complémentarité, alors C diminue avec cette évolution.

La figure 3.3 donne à voir une représentation graphique de cette dynamique. Les variables X et Y, qui correspondent à la cohésion et la portée externe d’un groupe de travail, y sont représentées respectivement sur l’axe des abscisses et sur l’axe des ordonnées. La variable Z quant à elle, qui correspond au niveau de CSSC est représenté par une série d’isoquantes en forme de droites coudées, conformément à

3.6. Synthèse : Le capital social sécant-cohésif X = cohésion Y = por tée e xter ne isoquantes CSSC groupe B groupe A Figure 3.3 – La dynamique du CSSC

la représentation traditionnelle des fonction de production à facteurs complémen-taires (ex : modèle de croissance Harrod-Domar, 1939).

Dans le cas du CSSC, notre hypothèse 4 implique que l’action du temps entraine continuellement une augmentation de la cohésion et une diminution de la portée externe. Sur le graphique, cela se traduit par un déplacement continuel vers le coin en bas à droite de l’espace X-Y (hausse de X et baisse de Y). De ce fait, même si l’on peut observer initialement une augmentation du niveau de CSSC (ex : lorsque l’on se trouve dans la position A ; la flèche verte témoigne alors d’une augmentation du niveau de CSSC), l’action du temps finit par donner lieu à une baisse du CSSC du fait de la diminution progressive de la portée externe (ex : lorsque l’on se trouve dans la position B ; la flèche rouge témoigne alors d’une diminution du niveau de CSSC).

Cette modélisation implique donc qu’en l’absence de modifications de la composi-tion du groupe, le CSSC s’érode progressivement au fil du temps. Ceci traduit donc bien l’idée d’une forme de capital qui nécessite d’être entretenue au fil du temps par différentes formes d’« investissements » afin de ne pas se déprécier. La question des outils de gestion et autres dispositifs organisationnels et/ou managériaux per-mettant d’alimenter le CSSC des groupes de travail fera l’objet de la section 3.6.4.

Mais auparavant, nous nous attacherons dans la section 3.6.3, à proposer une mo-délisation complète de la relation structure sociale - capacité d’innovation à partir des différentes hypothèses que nous avons formulées et du concept de CSSC.