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Définitions et concepts

2.2.2 Identité et attributs culturels

La littérature de la psychologie, de la sociologie et de l’anthropologie abonde de travaux ayant traité de la notion d’identité. Parmi eux, certains s’intéressent

spé-2.2. Culture et diversité culturelle

cifiquement à cette notion dans le cadre organisationnel (Sainsaulieu, 1988, 1998; Berry, 1997). Sans prétendre explorer en détail cette littérature, notons simple-ment que deux aspects fondasimple-mentaux de la notion d’identité ressortent de cette littérature : son aspect multidimensionnel et son aspect évolutif.

Différents travaux issus de la psychologie interculturelle s’attachent par exemple à mettre en lumière les mécanismes par lesquels les cultures influent sur la construc-tion identitaire, et font évoluer l’identité d’individus qui changent de contexte culturelle (Berry, Poortinga, Segall, et Dasen, 1992). Dans un travail sur la construc-tion identitaire des immigrants, et sur le phénomène d’ « acculturaconstruc-tion », Berry (1997) montre même dans quelle mesure la culture originelle d’un immigrant, et la culture de son pays d’accueil, peuvent interagir pour donner lieu à quatre schémas de construction identitaire. L’auteur parle d’ « assimilation » lorsque l’identifica-tion à la culture d’origine est faible alors que l’identifical’identifica-tion à la culture d’accueil est forte ; d’ « intégration » lorsque l’identification aux deux cultures est forte ; de « marginalisation » lorsque l’identification aux deux cultures est faible ; et de « séparation » lorsque l’identification à la culture d’origine demeure forte tandis que l’identification à la culture d’accueil est faible (Berry, 1997, cité par De Marti et Zenou, 2009). Ceci illustre donc différents mécanismes par lesquels une identité culturelle peut évoluer au fil du temps.

Par ailleurs, notons que cette empreinte laissée par un contexte culturel sur la construction identitaire d’un individu n’est pas propre aux cultures nationales. Différents travaux ont montré que des phénomènes similaires peuvent être observés par rapport à d’autres dimensions culturelles, notamment par rapport à la culture organisationnelle (Sainsaulieu, 1988, 1998; Schein, 1983). Ce point permet de sou-ligner l’importance de l’aspect multidimensionnel de la notion d’identité culturelle. En effet, le fait de n’évaluer l’identité culturelle d’un individu qu’à travers une seule et même dimension ne permet pas d’observer les mécanismes complexes d’inter-actions entre les dimensions qui gouvernent sa construction identitaire. Comme le dit A. Maalouf :

« Je n’ai pas plusieurs identités, j’en ai une seule, faite de tous les éléments qui l’ont façonnée, selon un « dosage » particulier qui n’est jamais le même d’une personne à l’autre. » (Maalouf, 1998)

Dès lors, bien qu’il ne soit ni possible ni souhaitable de viser l’exhaustivité dans la prise en compte des dimensions de l’identité culturelle, une approche multidimen-sionnelle de celle-ci semble nécessaire à son observation.

Par ailleurs, comme nous l’avons souligné à la section précédente, la notion de

culturelle devra donc non seulement être abordée selon une approche multidimen-sionnelle et évolutive, mais également subjective et contextuelle. Nous allons voir

qu’une telle approche est également cohérente avec différents travaux issus de la littérature économique.

A cet égard, notons que si le concept d’identité existe depuis longtemps dans la lit-térature des sciences sociales, son immixtion dans la litlit-térature économique, et en particulier dans des modèles économiques théoriques, est beaucoup plus récente. Akerlof et Kranton (2000) furent les premiers à l’introduire dans une fonction d’utilité d’agents maximisateurs, en la définissant simplement comme « la

percep-tion qu’a une personne d’elle-même11». En prenant l’exemple de l’identité liée au

genre, les auteurs montrent en effet que certaines valeurs et normes de comporte-ment sont associées à certaines identités, et que la même action effectuée par deux personnes relevant de deux identités différentes (en l’occurrence un homme ou une femme) peut donc aboutir à un « gain » différent en termes économiques. Ainsi, tout en restant dans le cadre de la rationalité parfaite et d’agents optimisateurs, ils montrent comment l’influence de l’identité sur les choix des individus peut être formalisée dans un modèle microéconomique.

S’inspirant de ce travail, différents analystes de réseaux sociaux se sont attachés à incorporer l’influence de l’identité dans des modèles de formation de réseau ou de construction identitaire (Patacchini et Zenou, 2006; De Marti et Zenou, 2009). Ainsi, De Marti et Zenou (2009) expliquent par exemple comment, à partir d’un réseau composé d’agents hétérogènes en termes d’identité, on peut aboutir à des structures de réseau différentes (plus précisément, des structures plus ou moins marquées par des phénomènes de communautarisme) en fonction de deux para-mètres principaux : le coût que représente la formation d’un lien avec un agent d’une autre communauté, et le gain associé à la formation d’un tel lien. En outre, les auteurs montrent que des structures de réseau encore plus différenciées peuvent émerger si l’on prend en compte le phénomène d’ « exposition à d’autres

commu-nautés » : pour les individus qui ont déjà formé des liens avec des agents relevant

d’autres communautés, le coût de formation d’un tel lien supplémentaire sera moins élevé que pour un individu qui n’a jamais formé de tel lien. Ceci traduit bien l’idée que la notion d’identité revêt une dimension évolutive. Même si dans ce cas, l’iden-tité des individus à proprement parler ne change pas au fil du temps, la facilité à nouer des liens avec des individus relevant d’une autre identité évolue au fil du temps. Dans notre modélisation, ceci peut se traduire comme l’intégration par un individu d’un certain nombre de connaissances relevant d’une culture qui n’est pas la sienne à l’origine, mais qui le devient – au moins partiellement – au fil du temps, à mesure que ces connaissances s’ajoutent à celles qu’il détenait auparavant.

2.2. Culture et diversité culturelle

Ainsi, on retrouve dans ces modèles économiques formalisés l’emphase qui est mise dans la littérature sociologique et anthropologique sur deux caractéristiques fon-damentales de la notion d’identité : celle-ci est multidimensionnelle et évolutive. Dans la suite de notre étude, nous nous attacherons à intégrer ces deux caractéris-tiques fondamentales à notre approche du concept d’identité culturelle, aussi bien dans nos analyses théoriques qu’empiriques.

Afin d’en rendre compte empiriquement, notons d’ores et déjà que l’identité

cultu-relle des individus sera opérationnalisée à travers une pluralité d’attributs culturels.

On parlera d’attribut culturel pour désigner, à un instant donné, pour une personne donnée, et dans un contexte donné, une « manifestation observable » (ou « mar-queur ») de son appartenance à une culture donnée. De telles « manifestations observables » peuvent, par exemple, prendre différentes formes objectives dans re-latives au contexte donné (exemples dans le contexte Français : Nationalité, pays de naissance, etc.) ou encore différentes formes subjectives relatives à ce contexte (exemples dans le contexte Français : minorité visible, couleur de peau, langage principal parlé au sein du foyer, etc.). Les caractères subjectif et contextuel de l’identité culturelle sont donc pris en compte.

Par ailleurs, nous nous attacherons à ne jamais nous contenter d’un attribut cultu-rel unique. Les « manifestations observables » ne seront donc pas exclusives. Elles pourront au contraire se démultiplier à l’envie, en fonction du niveau de précision souhaité pour l’évaluation de l’identité culturelle. Le caractère multidimensionnel est donc également pris en compte.

Enfin, la valeur de certaines de ces « manifestations observables » peut changer au fil du temps (ex : changement de nationalité à la suite d’une naturalisation, langue parlée au sein du foyer en fonction des évolutions familiales, etc.), tandis que pour d’autres, elle demeure identique au fil du temps (ex : pays de naissance). Ainsi, l’identité culturelle étant multidimensionnelle, elle sera également évolutive à partir du moment où au moins un des attributs culturels pris en compte peut varier au fil du temps.

De cette manière, nous pourrons traduire empiriquement notre approche théo-rique de l’identité culturelle, à savoir une notion multidimensionnelle, évolutive,

subjective et contextuelle. La représentation conceptuelle de l’identité culturelle

sera désignée comme le profil culturel des individus. Le profil culturel sera défini comme le vecteur des valeurs prises par un ensemble d’attributs culturels donnés,

à un instant donné, pour une personne donnée.