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Le territoire est le vecteur de l’identité collective qui permet la médiation

4. PRATIQUES ÉMERGENTES EN FORMATION : ENTRE AUTOFORMATION ET

5.2. Le territoire est le vecteur de l’identité collective qui permet la médiation

création d’une économie sociale

En ce qui concerne cette hypothèse, c’est principalement en se référant à l’affaiblissement de la gouvernance de l’État-nation que les auteurs trouvent le point de départ à leur argumentation. Dans un contexte de remise en question des mécanismes keynésiens de régulation de l’activité économique et de l’engagement des différents paliers gouvernementaux dans ce même domaine, il s’est développé, comme nous le savons, de nouveaux mécanismes de développement économique. Les différentes théories du développement s’articulent, depuis un certain temps déjà, à partir du développement local, qui permet aux régions et aux collectivités de prendre en mains leur développement. Ces théories visent à développer, dans les régions affectées par des problèmes de développement économique, une expertise et une culture industrielle ou économique, qui leur permettraient d’être plus à même d’assurer leur développement socio-économique (Benko, 1999). À ce sujet, Chouinard, Desjardins et Forgues affirment que : « le milieu sera créateur s’il innove et

entreprend; c’est par l’esprit d’innovation et d’entreprise que les petites communautés pourront s’affirmer » (Chouinard, Desjardins, Forgues, 2000, p.79). De plus, ces mêmes auteurs soulignent qu’il est nécessaire de « mettre en valeur les possibilités propres à chaque région en encourageant la valorisation des initiatives du milieu lui-même et la concertation des agents locaux et régionaux » (Chouinard, Desjardins, Forgues, 2000, p.79). Cependant, poursuivent-ils plus loin : « ceci n’empêche pas que les collectivités locales sont dotées inégalement de ressources et qu’on assiste à un accroissement des inégalités sociales et territoriales » (Chouinard, Desjardins, Forgues, 2000, p.79). D’où l’importance, selon eux, de mettre l’accent sur la concertation et l’approche partenariale afin de revaloriser les espaces économiquement marginalisés en renforçant le sentiment d’appartenance de la collectivité à leur territoire (Chouinard, Desjardins, Forgues, 2000, p.79).

Puisqu’un territoire possède, comme le rappele Paiement, sa propre histoire, sa culture, ses populations variées en interaction entre elles et avec leurs institutions multiples, un sentiment d’appartenance peut attacher une collectivité à son milieu, à son territoire. Ce sentiment d’appartenance serait à la base d’une volonté de s’enraciner dans son milieu et « de développer une volonté politique de la population d’orienter le devenir de son territoire » (Paiement, 2000, p.142). Selon les auteurs étudiés, ce n’est qu’en développant un sentiment d’appartenance envers son milieu, son territoire, que se développe un désir d’y rester et de le développer (Bassand, 1991; Beauregard- Matsuda, 1996; Diaz, Donovan, Williamson, 2000; Lafontaine, Thivierge, 2000; Rochefort, 2001). Ce sentiment d’appartenance à un territoire, qui attache une collectivité à son milieu, est fondamental. En effet, comme nous l’avons vu, c’est par le territoire que se diffusent les liens sociaux unissant les personnes d’une communauté, et par le fait même, la convergence des forces vives du milieu pour susciter de nouveaux comportements économiques et développer, en bout de ligne, l’économie sociale.

Rochefort, en examinant l’impact des services de proximité dans la mise en place d’une économie qui se veut sociale en milieu urbain, émet le commentaire suivant en ce qui a trait à l’importance de la territorialisation de l’identité collective et des actions en faveur de l’économie sociale :

Le caractère restreint d’un lieu d’intervention semble s’imposer dès que l’action publique veut prendre en charge, en partenariat avec différents acteurs ou administrations, l’ensemble des problèmes (socio-économiques) auxquels sont confrontées les populations. Dès lors, le quartier apparaît comme un territoire logique pour l’analyse des données et l’établissement de pratiques partenariales. Le quartier, échelle pertinente en vue d’une transformation globale et efficace de tous les aspects de la vie quotidienne, n’est pas seulement important pour les acteurs institutionnalisés. Le caractère géographiquement restreint du quartier apparaît également comme l’un des critères garantissant la réussite d’un projet de développement économique communautaire, voire la création d’un cycle positif de changement social ayant une influence sur l’ensemble des processus favorisant le travail en le rendant possible dans un milieu donné et pour une population donnée. L’établissement d’une solidarité de base liée à un territoire concret, la construction d’une identité territoriale amenant les divers groupes d’intérêts à se redéfinir

territorialement, la création d’un sentiment d’appartenance à une communauté territoriale apparaissent ainsi nécessaires au bon fonctionnement de ces pratiques.

Rochefort, 2001, p. 80-81

Plus loin, Rochefort affirme, que : « Puisque (l’identité territoriale) contribue à l’établissement d’une solidarité horizontale et que cette dernière semble, pour les résidents des quartiers, être une prémisse à la création d’une solidarité de type vertical, cette participation apparaît comme une contribution importante des services de proximité en matière de cohésion sociale (Rochefort, 2001, p. 307).

Enfin, il ne faudrait pas oublier l’importance qu’accordent certains auteurs de ce groupe à la redéfinition des limites territoriales des collectivités. Cette redéfinition se fait entre les communautés qui se sentent proches les unes des autres en raison des problèmes économiques qu’elles vivent. La redéfinition territoriale de leur milieu vise à redessiner les limites administratives des territoires qu’elles occupent, ou du moins, de les transgresser, pour rejoindre les collectivités avec lesquelles elles sont naturellement amenées à interagir. Cette redéfinition vise à définir un espace plus fédératif entre les collectivités qui se reconnaissent une communauté d’intérêts. Cet espace fédératif se crée formellement ou spontanément, et permet de réunir et de faciliter la concertation entre les acteurs de l’économie sociale. Ceux-ci se reconnaissent et travaillent les uns avec les autres à l’intérieur d’une identité collective forte liée au territoire qu’ils ont redéfini (Wandewynckele, 1999 ; Beauregard- Matsuda, 1996 ; Bassand, 1991).

5.3. Conclusion

Il est nécessaire de rappeler ici que la recension des écrits sur la place du territoire dans la construction de passerelles entre la nouvelle économie et l’économie sociale a été très difficile à faire et ce, pour deux raisons. D’abord, dans la littérature, le lien entre la nouvelle économie et l’économie sociale n’est pas toujours clair. En effet, dans la mesure où la nouvelle économie est entendue dans la littérature, comme étant liée aux nouvelles technologies ou aux technologies de pointe, il faut trouver un autre sens à la nouvelle économie pour y inclure l’ensemble des nouveaux comportements sociaux innovateurs qui permettront de redéfinir les pratiques économiques. Ainsi, il n’est pas nécessairement aisé de définir en vertu de quoi il faudrait identifier les différentes pratiques sociales en économie sociale comme étant des innovations en la matière, et qui mériteraient de ce fait, d’être considérées sous l’angle de la nouvelle économie.

Deuxièmement, comme nous l’avons mentionné au début du présent texte, la place réservée au territoire dans l’articulation des comportements sociaux innovateurs en économie sociale est très mince. En dehors d’un cercle très restreint d’auteurs qui parlent ouvertement du territoire, la littérature se consacre presque exclusivement sur les aspects sociaux et économiques des innovations en économie sociale. On dirait que tout est à faire sur le plan géographique, comme s’il y avait, dans

la littérature, un blanc territorial, un vide d’explications claires sur la place du territoire dans l’élaboration d’une nouvelle économie liée à l’économie sociale.

Enfin, mentionnons que les arguments développés par les différents auteurs de cette recension, pour définir le rôle du territoire dans le processus de l’innovation sociale pour une économie solidaire, restent assez sommaires. En effet, comme il a été expliqué dans le prologue, la place que laissent les auteurs de la recension au territoire dans ce processus, reste intimement liée aux principes de base qui définissent l’importance fondamentale du territoire dans l’organisation de la société. Ainsi, la géographie et le territoire restent dans un rôle traditionnel et limité aux principes fondamentaux, comparativement aux rôles donnés à l’économie et à la sociologie, où les théories développées investissent aisément de nouveaux champs de connaissance et élaborent de nouveaux systèmes explicatifs.

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