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1. PORTRAIT DE LA LITTÉRATURE SUR L’ENTREPRENARIAT COLLECTIF DANS LA

1.1. Introduction

Dans le cadre de cette recension d’écrits, nous porterons particulièrement notre attention sur la question de l’entrepreneuriat collectif dans ce que l’on appelle désormais « la nouvelle économie ». Bien que le terme « entrepreneuriat collectif » fasse peu à peu son apparition dans la littérature des sciences sociales, il ne faut certes pas croire qu’il s’agit d’une démarche singulièrement nouvelle. Depuis des lustres, le travail collectif d’un plus ou moins grand nombre d’individus rassemblés autour d’un objectif commun est à l’origine de nombreuses réalisations imposantes. Malgré toutes les réserves que l’on peut avoir quant au caractère forcé des travaux menant à leur construction, peut-on véritablement imaginer la construction des pyramides d’Égypte ou encore celles de Teotihuacan au Mexique sans un minimum d’esprit entrepreneurial collectif ?

La première partie de ce travail de recension d’écrits s’intéressera à l’émergence du concept « d’entrepreneuriat collectif » dans la littérature académique provenant du champ de la sociologie. Afin de clarifier le cadre et les limites de notre recherche, nous nous intéresserons donc tout particulièrement à la définition de ce concept par divers auteurs (Lévesque, 2002 ; Connell, 1999 ; Mourdoukoutas, 1999).

De nos jours, l’entrepreneuriat collectif s’accomplit et se déploie sous une multitude de formes. La coopérative, l’entreprise d’économie sociale, les mutuelles et certaines associations et organisations produisant des biens et des services, souvent d’intérêt général, sont certainement des formes d’organisation contemporaines du travail dérivant d’un désir réel d’entreprendre et de poursuivre collectivement un projet émanant d’une volonté commune. Ces initiatives sont nombreuses, mais peu étudiées. D’ailleurs, comme le souligne Benoît Lévesque :

Ce n’est que depuis à peine une dizaine d’années qu’il est de plus en plus question d’entrepreneurs sociaux et d’entrepreneuriat collectif. En somme, les connaissances sur l'entrepreneurship collectif n'ont pas été systématisées par des recherches qui en auraient fait une priorité. Le renouveau de cette forme d'entrepreneurship rend maintenant cette tâche de plus en plus urgente. (…) Si la thématique que vous proposez aujourd’hui, « l’entrepreneurship en économie sociale », semble s’imposer

naturellement, il faut tout de même admettre que la réflexion est manifestement en retard sur la pratique1

.

Ce retard de la théorie sur la pratique est d’autant plus accentué lorsqu’on resserre la question de l’entrepreneurship collectif au seul domaine de la nouvelle économie. Afin de palier aux faiblesses de la littérature théorique sur le sujet, il nous a donc paru pertinent d’accorder une importance à la question des initiatives ainsi qu’à la littérature « grise » produite par de nombreuses organisations et coopératives à l’origine de projets novateurs relevant de l’entrepreneuriat collectif et rattachés à la nouvelle économie.

La seconde partie de notre travail traitera donc, de manière individuelle, la littérature et les initiatives concernant chacune des différentes formes d’entrepreneuriat collectif que nous venons d’identifier. On y verra, entre autres choses, qu’un certain nombre de chercheurs et d’intervenants prônent désormais la convergence du cadre légal régissant ces différentes formes d’entrepreneuriat collectif qui ne sont, au bout du compte, pas si différentes les unes des autres. De plus, au grand dam des dénigreurs de l’économie sociale et de la formule coopérative qui préfèrent confiner ces initiatives à des domaines d’activités archaïques, nous constaterons les coopératives et les entreprises d’économie sociale impliquées dans des secteurs de pointe associés à la nouvelle économie sont nombreuses, et cela parfois de façon fort originale. Nous pensons ici à la coopérative Ouvaton, à la coopérative d’activités La Puce Ressource Informatique, aux initiatives de la corporation philanthropique Benetech ainsi qu’au journal Tour d’y Voir, pour ne nommer que celles-là. La section 2.3. s’intéresse brièvement à la question des mutuelles et de l’assurance collective.

À la fin de cette seconde partie, une courte section s’intéressera à une tout autre conception de l’entrepreneuriat collectif qui est peu explorée par la littérature francophone sur le sujet, mais qui trouve écho chez bon nombre d’auteurs anglophones (Henton, Melville et Walesh, 1997 ; Miller, 1999, 2000 ; Mourdoukoutas, 1999), il s’agit ici de la question de l’entrepreneuriat collectif au sein du secteur privé de l’économie et d’un nouveau type d’entrepreneur, le « civic entrepreneur » que nous présente un collectif d’auteurs de la Silicon Valley.

Force est de constater que la question de l’entrepreneuriat collectif stricto sensu inclut également l’État, qui directement (entreprises d’État, Chantier de l’économie sociale, etc.) ou indirectement (mise en place d’un cadre légal facilitant plus ou moins l’entrepreneuriat collectif, par les différents régimes d’assurance collective, etc.) participe activement à l’édification de réseaux d’entrepreneuriat collectif.

La première portion de la troisième partie présentera rapidement la question du rôle de l’État en ce qui concerne l’entrepreneuriat collectif dans le contexte économique inhérent à l’émergence de la nouvelle économie. Le rôle de l’État sera, par ailleurs, implicitement abordé dans les sections subséquentes.

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La seconde section de cette troisième partie aura pour but de cerner les modalités et les possibilités de financement de l’entrepreneuriat collectif dans le secteur des nouvelles technologies de l’information, des biotechnologies et autres secteurs de pointe.

Par la suite, notre attention se tournera plus spécifiquement vers les nouveaux champs de l’entrepreneuriat collectif sous toutes ses formes. Dans le secteur d’activités lié à l’expansion rapide de l’Internet, il est intéressant d’y noter l’apparition de coopératives et d’entreprises d’économie sociale proposant des services d’accès à Internet, d’hébergement web (que certains acteurs qualifient de coopératives d’habitation virtuelle), de réseautage ainsi que des services de diffusion et de production d’information dans un cadre et avec des valeurs différentes de ce que proposent les grands conglomérats du domaine des télécommunications.

D’autres secteurs de pointe de la nouvelle économie sont également infiltrés par des entreprises gérées collectivement. Le domaine de la biotechnologie, des technologies de la santé (Benetech, Inno- centre), de la conception de logiciel (La puce ressource Informatique, Ouvaton, Inser.net, Poptel, etc.), du traitement de l’imagerie numérique (SPINC, FLAM, etc) et bien d’autres secteurs de la nouvelle économie comptent des acteurs, parfois des pionniers (Poptel, CAM, Colorado Internet Coopérative) s’identifiant aux valeurs démocratiques de l’entrepreneuriat collectif. La section 3.3. de la recension d’écrits que nous proposons s’intéressera donc aux nouveaux champs de l’entrepreneuriat collectif.

Dans la section 1.3.4., nous nous intéresserons particulièrement à la question de la création d’un patrimoine technologique collectif, via la mise au point de logiciels diversifiés utilisant tout le potentiel de la programmation en code libre (open-source) et répondant à des besoins qui ne sont pas nécessairement rentables commercialement, mais fortement utiles à la population. De plus, il ne s’agit pas tant de répondre à tel ou tel besoin pointu, mais plutôt de veiller à la construction d’un patrimoine collectif réutilisable par la suite et s’accumulant au fil des explorations. Pour certains, il s’agira ici d’une question essentiellement technique, mais la question de l’appropriation collective des nouvelles technologies de l’information et notamment de l’accès à ces technologies nous apparaît cruciale dans un contexte où les inégalités sociales liées à la fracture numérique ne risquent que de s’accentuer au cours des prochaines années.

Pour terminer, la dernière section 1.3.5. de la troisième partie cherchera à décortiquer la littérature au sujet des trajectoires et des enjeux concernant l’apport de l’entrepreneuriat collectif dans la redéfinition de l’organisation du travail dans le contexte post-fordiste de la société de l’information dans laquelle baigne la nouvelle économie.

L’Annexe1 contient une brève description d’une trentaine d’initiatives que nous avons recensées tout au long de nos recherches. Nous traitons de certaines d’entre elles à l’intérieur même des pages de cette recension d’écrits, mais cette information supplémentaire permettra au lecteur d’avoir un portrait plus complet de celles-ci.

De plus, la nature de ce travail étant ce qu’elle est, une recension d’écrits, nous avons également inclus une bibliographie non-exhaustive, mais que nous osons qualifier d’assez complète, du moins en ce qui concerne la littérature nord-américaine et européenne, étant donné la rareté de l’information théorique concernant l’entrepreneuriat collectif dans la nouvelle économie.

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