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Les instruments de l’entreprise collective de revitalisation

2. ENTREPRISES COLLECTIVES DE REVITALISATION TERRITORIALE ET « NOUVELLE

2.2. Les instruments de l’entreprise collective de revitalisation

2.2.1. Style de gestion et de mobilisation des ressources

Quels sont les acteurs qui sont impliqués dans l’entreprise collective de revitalisation ? Le tableau suivant montre, pour les initiatives ayant participé à Rendez-vous Montréal 2002 que l’origine de ces acteurs est diversifiée.

TABLEAU 5

Acteurs impliqués dans l’entreprise de revitalisation

ACTEURS IMPLIQUÉS DANS LA CRÉATION D’ENTREPRISES SOCIALES NBRE DE

FOIS CITÉ

• Organismes communautaires et syndicaux, ONG 8

• Association société civile et groupes professionnels 7

• Région, province et municipalité 4

• Agence de développement local ou régional 4

• Élus cherchant à créer une dynamique locale 3

• Association de communes 3

• Association de citoyens 2

• Partenaire privé 2

• Association État-entreprise publique (ex Charbonnage de France). 1 • Association publique-privée pour la revitalisation d’espace en friche 1

• Experts et scientifiques 1

• Association de charité 1

Les organismes communautaires et syndicaux ainsi que les ONG (ces dernières pour les pays en développement) sont les acteurs les plus fréquemment cités en tant qu’initiateurs d’entreprises sociales (mentionnés 8 fois). Ils sont suivis des associations de la société civile fédérées avec l’État et le secteur privé (citées sept fois), des autorités locales, provinciales, régionales et municipales (citées quatre fois) et des agences de développement local ou régional (cités quatre fois). À ce stade, on constate que ce type d’entreprise demande une implication forte des pouvoirs publics. À l’évidence, l’entreprise collective de revitalisation est une œuvre éminemment collective où s’entrecroisent de nombreuses catégories et groupes sociaux.

La diversité est la deuxième caractéristique des acteurs de l’entreprise collective étudiée. Il serait sans doute très intéressant de cerner cette composante sociologique dans sa variété, les liens qui la font interagir ainsi que ses motivations profondes. Ce que l’on constate, c’est qu’à la base, de son initiation à son animation, il y a toujours une fédération d’acteurs et des réseaux d’intervenants d’horizons souvent différents. Une oeuvre collective implique une quête de profits matériels et symboliques partagés, négociés par un éventail d’acteurs sociaux, institutionnels et privés. Ce faisant, l’entreprise collective se montre au diapason de la nouvelle économie dont la production est de plus en plus collective, dans le sens où elle fait intervenir collectivement chercheurs, développeurs, producteurs et consommateurs comme l’a démontré la sociologie des technologies depuis les premiers travaux de Michel Callon (1986) et de Madeleine Akrich (1989).

Cette caractéristique originelle va marquer ses modes de gestion. Ces derniers se distinguent par une quasi-absence de hiérarchie verticale, l’entreprise fonctionnant selon le principe de l’animation plutôt que de la direction, des relations horizontales développées, l’interdisciplinarité et le fonctionnement en réseaux. L’entreprise encourage ses acteurs à être actifs (au sens de participatif), flexibles (au sens pluridisciplinaire) et pratiques dans leur démarche. Sa gestion est davantage guidée par des principes et des valeurs que par des normes et des règles impersonnelles. Ainsi, le discours de ses promoteurs recèle un nombre significatif de vocables exprimant les principes et valeurs que l’entreprise sociale voudrait assumer :

29. dignité des individus ;

30. célébration de la diversité culturelle ;

31. justice et compassion ; 32. intégrité ; 33. collaboration ; 34. coopération ; 35. partage ; 36. solidarité.

Enfin, autre fait non moins intéressant, le discours de l’entreprise collective de revitalisation exprime une certaine volonté de voir les droits de l’homme franchir les portes de l’entreprise.

2.2.2. Principes d’action

Les principes directeurs, qui fondent la gestion de l’entreprise collective de revitalisation, qui la distinguent nettement de l’entreprise néo-libérale et qui mettent en relief le caractère collectif et démocratique de son action peuvent être ainsi résumés :

37. finalité de services aux membres ou à la collectivité ;

38. autonomie de gestion ;

39. processus de décision démocratique ;

40. primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus ;

41. priorité à la formation et à la création d’emplois utiles, valorisants et conformes aux législations en vigueur ;

42. faible écart de salaires ;

44. partenariat et coopération ;

45. intégration dans le quartier, la ville et les réseaux locaux ;

46. pluralisme des opinions politiques, philosophiques et religieuses.

Force est de reconnaître, à l’énoncé de ces principes, que l’entreprise collective de revitalisation se présente au plan des principes de gestion, comme un contre-modèle par rapport à l’entreprise néo- libérale. L’innovation paraît être son credo :

47. une organisation moins cloisonnée, où chacun est impliqué dans le devenir de l’autre ;

48. des modes de gestion plus autonomes et décentralisés, avec l’idée que les gens travaillent ensemble pour arriver à un résultat mais aussi pour participer à un processus décisionnel plus démocratique ;

49. promotion d’une formation efficace mais aussi valorisante ;

50. refus des inégalités par un écart de salaire raisonnable ;

51. inscription dans une démarche de respect de l’environnement et des législations en vigueur;

52. respect du pluralisme dans les domaines : politique, philosophique et religieux.

Dans sa relation avec les partenaires, l’entreprise collective, qui est toujours un maillon dans un réseau, privilégie la coopération à la compétition, la synergie à la confrontation, la transparence à l’opacité. Dans certains cas, comme celui de Monceau-Fontaines (Belgique), chaque locataire, chaque client est invité à devenir membre de l’assemblée générale et de son conseil d’administration. La gestion est donc participative suivant le processus de décision démocratique : « une personne, une voix ».

Dans quelle mesure, l’entreprise collective de revitalisation s’est-elle inspirée et a-t-elle inspiré le grand mouvement de renouvellement managérial en cours dans les entreprises relevant du champ de l’économie du savoir ? S’agit-il d’une convergence ou d’une influence et, dans les deux cas, quels sont les facteurs qui en sont à l’origine ?

2.2.3. Les champs d’investissement

On a déjà évoqué comment l’entreprise collective de revitalisation cherche à se placer à la pointe de l’économie du savoir et comment elle intègre fortement les nouvelles technologies, notamment celles de l’information et de la communication. À cela il faut ajouter le constat suivant : son action s’inscrit souvent dans le cadre élargi d’une technopole régionale, lorsqu’elle ne consiste pas à en créer une. Toujours est-il que l’entreprise collective se tourne résolument vers l’économie du savoir et vers une démarche de développement durable, ayant à cœur de respecter l’environnement naturel et humain.

53. Peut-être faut-il chercher les causes de cette orientation dans les limites de son capital tangible et ses plus grandes possibilités en matière de capital intangible (formation, savoir, capacités créatrices, information et communication, coopération et partenariat…) ?

54. Peut-être faut-il chercher les causes de cette quête de « savoirs propres » du côté de ses préoccupations environnementales ?

55. Peut-être faut-il y voir l’influence de son passé, étant souvent issue du déclin d’industries traditionnelles aux effets dévastateurs sur l’environnement ?

Cette caractéristique est mise en valeur par une démarche d’innovation multidimensionnelle. L’entreprise collective de revitalisation de la population étudiée n’innove pas seulement dans le domaine des techniques de production, comme le fait l’entreprise libérale, elle apporte un renouveau aux plans relationnel, organisationnel et social. C’est d’ailleurs en ce sens qu’elle apparaît comme un modèle global, distinct de l’entreprise libérale, que certains présentent comme les prémices d’un nouveau projet social.

C’est ce qui fait que si elle s’apparente clairement à la nouvelle économie sur le plan des technologies et des champs d’investissements (TIC, technopole, parc scientifique, recherche-développement, innovation, start-up…), elle s’en différencie aussi bien par son origine et sa finalité, par ses styles de gestion, par son fonctionnement et par son rapport à l’environnement naturel et social. Son pari est de tenir sa compétitivité de l’engagement et de la motivation de l’ensemble de ses acteurs, impliqués non seulement dans le partage des résultats mais aussi dans la prise de décision.

Le principe du réseautage, caractéristique de l’entreprise collective, se nourrit de la révolution informationnelle qui accompagne et soutient l’économie du savoir. Les acteurs de l’entreprise dans leur multitude, l’environnement local et régional, l’économie globale, la société, sont en interaction permanente les uns avec les autres. Les technologies de l’information sont à la fois la cause et la conséquence de cette organisation en réseau qui s’étend à toute la société. Dès lors, le succès de l’entreprise devient subordonné à celui de tous les partenaires, et donc de la qualité de son environnement, notamment scientifique.

2.2.4. Relations avec l’environnement scientifique

L’appartenance de l’entreprise collective de revitalisation à la nouvelle économie est mise en évidence par la densité de ses relations avec les institutions de savoir (universités, pôles technologiques, centres de recherche-développement). L’entreprise collective évolue en symbiose avec des pôles scientifiques, lorsqu’elle n’est pas elle-même une entité agissant dans le domaine de l’expertise21

. En même temps qu’elle s’appuie sur le potentiel scientifique et universitaire de la région

21

pour assurer son ancrage local, elle contribue elle-même à offrir des opportunités d’intégration territoriale aux universités.

De nombreuses expériences mettent en valeur les liens étroits entre les entreprises collectives de revitalisation et les institutions de savoir :

56. entre Sicoval (France) et l’Université de Toulouse le Mirail autour de l’aménagement du parc technologique du sud-est Toulousain ;

57. entre la City of Sesto San Giovanola et la Milan State University, la première ayant pourvu la seconde en locaux pour la faculté des sciences de communication et un incubateur multimédia abritant 27 « start-up » et deux « masters » d’université ;

58. entre le Technopôle Angus et l’Université du Québec à Montréal et l’Institut polytechnique de l’Université de Montréal.

Dans d’autres cas, les universités sont régulièrement associées aux expériences de promotion d’entreprises collectives de revitalisation. Citons les cas de Ecof/Trois-Rivières (Québec) avec l’Université du Québec à Trois-Rivières, de Monceau-Fontaines (Belgique) avec L’Université de Liège. C’est ce qui fait que l’articulation entre université et entreprise, entre acteurs du savoir et acteurs de la production, si difficile à réaliser, apparaît ici comme une évidence, comme s’il s’agissait d’une donnée inhérente à la nature même du projet. L’Alliance de recherche universités- communautés en économie sociale (ARUC-ÉS) est une autre expression de la densité des relations entre les entreprises collectives et le monde de la recherche.

La promotion de l’art est également un terrain exploré pour l’entreprise collective de revitalisation. C’est le cas de La Friche la Belle de Mai (France), qui a expérimenté avec succès de nouvelles pratiques culturelles à la lumière de la décentralisation et de l’interdisciplinarité et ambitionne d’inscrire la culture comme acteur des questions de développement économique et urbain, de repositionner les rapports entre culture et économie. C’est aussi le cas du projet Bilbao (Espagne) qui a réussi le pari de convertir un vieux site industriel désaffecté en un grandiose Musée d’Art Moderne, le Guggenheim Museum Bilbao. Sans oublier l’expérience en cours de la Cité des Arts du Cirque de Montréal, qui ambitionne de participer à la redéfinition du paysage urbain par le truchement d’une convergence unique de la culture, de l’environnement et du développement communautaire.

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