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Entrepreneuriat collectif et nouvelles formes d’organisation

1. PORTRAIT DE LA LITTÉRATURE SUR L’ENTREPRENARIAT COLLECTIF DANS LA

1.4. Enjeux et trajectoire de l’entrepreneuriat collectif

1.4.5. Entrepreneuriat collectif et nouvelles formes d’organisation

La troisième partie de ce document s’est intéressée à plusieurs questions (rôle de l’État, financement, nouveaux champs, patrimoine technologique) que nous considérons véritablement importantes en ce qui concerne la trajectoire, les enjeux et les débats au sujet de l’entrepreneuriat collectif dans la nouvelle économie. Dans cette dernière section, qui complétera à la fois cette troisième partie et l’ensemble de la recension d’écrits, nous reviendrons rapidement sur la question de l’organisation du travail, de ses nouvelles formes et des répercussions de l’émergence de la nouvelle économie sur les structures du marché du travail en général. Il s’agit ici d’une question fort importante, certainement plus encore que l’espace qui lui est consacré dans ce document.

Comme le soulignent de nombreux auteurs tels Manuel Castells, Daniel Bell et bien d’autres, le passage à la société de l’information et à la nouvelle économie du savoir entraîne des bouleversements sur le marché de l’emploi. Nous sommes à l’heure de la « société-réseau20

» et l’un des phénomènes majeurs qui tend à se mettre en place, c’est le processus de flexibilisation du marché du travail. Nous sommes également à l’heure de l’économie du savoir, une économie fondée sur la connaissance et où le traitement et la manipulation d’informations deviennent des facteurs clés dans la production de valeur ajoutée.

Devant un tel contexte en ce qui concerne le marché du travail, quelle place et quel rôle occupent les entreprises relevant de l’entrepreneuriat collectif ? Bien sûr, il s’agit d’une question fort complexe et l’espace restreint dont nous disposons nous obligera à répondre à cette question de façon sommaire en revenant sur les points de vue exprimés par les différents auteurs que nous avons présentés jusqu’ici dans le cadre de ce document.

En premier lieu, reprenons les propos de Lévesque (2002) et soulignons que dans le contexte actuel, l’auteur voit dans l’entrepreneuriat collectif une façon de regrouper sur une base professionnelle, de nombreux travailleurs autonomes spécialisés oeuvrant dans le secteur de la haute-technologie. Cela rejoint également les propos de Philippe Merlant que nous avons déjà cités concernant l’esprit de solidarité qui caractérise souvent les start-up de la nouvelle économie. Dans la section 1.1, nous présentions les différentes configurations de l’entrepreneuriat collectif tracé par Lévesque et, selon cet auteur, il semble que la configuration qu’il nomme « innovatrice » se prête le mieux à une telle démarche. Il semble que cela soit la démarche adoptée par les instigateurs de la coopérative Capella Technologies ou encore de la coopérative COTRAD que nous présentons dans l’annexe.

Il nous paraît assez clair que ces initiatives se veulent des formes nouvelles de regroupements de travailleurs et que l’entreprise collective est appelée à jouer un rôle important dans la diffusion de ce type d’initiatives. Les exemples donnés ici relève du champ de la haute technologie mais le processus de décentralisation est de plus en plus visible dans plusieurs secteurs de l’économie et semble de moins en moins circonscrit aux domaines « hi-tech ». La démocratisation de l’utilisation des outils rendus disponibles par les NTIC laisse croire que ce genre de stratégie sera bientôt possible pour un plus grand nombre de travailleurs.

D’autres parts, Lévesque nous rappelle que les coopératives et les entreprises d’économie sociale jouent, depuis longtemps, un rôle innovateur en ce qui concerne l’organisation du travail. Les coopératives sont certainement des pionnières en ce qui concerne la réduction de la semaine de travail (semaine de 35 heures, travail polyvalent, travail à temps partagé, etc.). C’est d’ailleurs ce que cet auteur souligne lorsqu’il écrit en parlant de l’entrepreneuriat collectif :

Outre l'innovation de biens nouveaux ou la création de débouchés nouveaux, on peut également retrouver des innovations dans les procédés et même dans

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l'organisation (ex. le travail en équipe et la polyvalence que les coopératives de travail ont expérimenté avant les entreprises capitalistes et japonaises).

Lévesque, 2002, 26

Papoutsis (1997) souligne également cet état de fait :

Par leur souplesse de gestion, les coopératives peuvent répondre souvent mieux que les entreprises classiques aux nouvelles exigences des modes de vie et de travail de notre société, comme par exemple l’introduction de la réduction et de la flexibilité du temps de travail et les nouveaux services aux personnes.

Actes de Bologne, 1998, 28

Les travaux du CJDES et de Thierry Jeantet s’avancent également dans la même direction. Ces travaux soulignent le rôle important de l’économie sociale sur ce qu’ils appellent la « maîtrise du temps de travail ». Une des solutions novatrices proposées par Jeantet réside dans la mise en place de partenariats privé-associatif en ce qui concerne le partage de l’horaire de travail entre un emploi dans une entreprise à but lucratif et dans le secteur associatif (voir section 1.3.).

Outre la maîtrise du temps de travail, ces travaux soulignent également le caractère novateur des pratiques de l’économie sociale en ce qui concerne une flexibilisation à visage humain du marché du travail qui peut être mise en place en dépassant les simples impératifs financiers et en permettant l’adaptation de cette « flexibilité » aux besoins des travailleurs. L’utilisation des NTIC est un facteur facilitant cette marge de manœuvre.

L’évolution et les changements technologiques ont également des effets notoires sur l’organisation du travail, ils ont aussi, de façon plus globale, des effets sur la composition sectorielle des économies et sur la demande des différentes formes d’organisation du travail (Ben Ner et Anheir; 1997). Pour ces auteurs, le progrès technologique et le développement des réseaux de transport et de communication combinés à la mobilité accrue des entreprises ont pour conséquence d’accroître la demande d’accès à la propriété de la part des travailleurs.

Indirectement donc, l’évolution technologique et l’émergence de la « nouvelle économie » sont donc des phénomènes pouvant contribuer à l’essor du modèle d’entrepreneuriat collectif dans le nouvel environnement économique en favorisant l’accès à la propriété et au contrôle de l’entreprise par les travailleurs.

Cela conclut cette section consacrée au rôle de l’entrepreneuriat concernant l’évolution de l’organisation du travail et des formes organisationnelles dans une société marquée par l’émergence de la nouvelle économie. Nous sommes conscients que ces quelques propos ramassés ici et là dans la

littérature ne rendent pas compte de toute l’importance de cette question. Nous croyons que la recherche à ce niveau aurait avantage à s’amorcer dans les plus brefs délais.

Faute d’information supplémentaire, nous invitons donc le lecteur à consulter la liste des initiatives qui, par l’illustration de pratiques du milieu, permet un éclairage un peu plus complet en ce qui concerne le potentiel d’innovation des entreprises relevant de l’entrepreneuriat collectif sur la re- modélisation de l’organisation du travail.

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