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Les mutuelles et l’assurance collective dans la nouvelle

1. PORTRAIT DE LA LITTÉRATURE SUR L’ENTREPRENARIAT COLLECTIF DANS LA

1.3. Les différentes formes d’entrepreneuriat collectif dans la nouvelle

1.3.3. Les mutuelles et l’assurance collective dans la nouvelle

Tout comme les coopératives, les OSBL et les entreprises d’économie sociale, les mutuelles, souvent spécialisées dans la prestation de divers services d’assurance collective, doivent aujourd’hui composer avec la nouvelle réalité économique. C’est un fait bien connu, le secteur des assurances, tout comme le secteur bancaire, est un secteur où le processus de déréglementation est bien amorcé. Ainsi, les mutuelles subissent des pressions de la part des marchés ainsi que de leurs investisseurs afin de se plier aux diktats de l’économie de marché. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de constater que de nombreuses mutuelles se fusionnent ou s’engagent dans des processus d’acquisition afin d’accroître leur taille. Dans d’autres cas, on assistera à la démutualisation de ces entreprises. D’ailleurs, il faut bien noter que la compétition est de plus en plus vive sur le marché des assurances suite à la permission accordée aux banques ainsi qu’aux coopératives financières (notamment Desjardins ici au Québec) d’investir ce secteur de l’économie qui lui était autrefois interdit.

D’autre part, le désengagement graduel de l’État dans la prestation de services d’assurance associés à l’État-providence entraîne l’ouverture de nouveaux marchés et la naissance de nouveaux besoins dans la population. L’assurance-chômage voit son budget amputé (au profit de qui, crieront les opposants de Paul Martin), l’apparition d’un système de santé à deux vitesses est de plus en plus visible et, dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le secteur de l’assurance soit en forte croissance ce qui pourrait signifier de nouvelles opportunités pour les mutuelles malgré toutes les réserves que nous avons contre la « rentabilité sociale » d’un tel désengagement de la part de l’État.

Au Québec, les mutuelles sont présentes depuis près de deux siècles et sont actives dans divers secteurs reliés à la prestation de services d’assurance. Des services d’assurance-santé, d’assurance- logement, d’assurances-auto, d’assurance dentaire ou d’assurance-vie sont souvent offerts par les grandes mutuelles. On a assisté, ici au Québec, au cours des trois dernières années, à la démutualisation de deux mutuelles passablement importantes.

En 1999, Manuvie emboîtait le pas et cette société mutuelle d'assurance-vie amorça sa transformation en une société par actions. Un an plus tard, en 2000, ce fut au tour de l’Industrielle-Alliance de s’engager dans ce processus. Il semble bien que les titulaires de contrat avec ces deux mutuelles n’aient pu s’empêcher de « capitaliser » sur les profits à court terme permis par la vente de leurs nouveaux titres sur le marché boursier.

Il ne faut pas croire cependant que l’ensemble des mutuelles soit attiré par cette voie. Le Groupe financier SSQ (chiffre d’affaires annuel de 500 millions de dollars), le Groupe Promutuel (34 mutuelles rassemblant plus de 450 000 polices d’assurance), tout comme la mutuelle des fonctionnaires du Québec, mieux connue par l’entreprise de sa filiale La Capitale, ont, depuis lors, renouvelé leur engagement envers la formule mutualiste. D’autres mutuelles, plus petites, sont également actives sur le territoire québécois. Parmi celles-ci nous retrouvons la Mutuelle Union-Vie, La Survivance et L’Entraide. Un court portrait de chacune de ces mutuelles est inclus dans l’annexe I de ce document.

De plus, nos recherches nous ont conduits à constater que de nouvelles initiatives de type mutualiste se mettent également en place comme le relève un article paru dans le Magazine Circuit industriel. On y note :

Un vent de sollicitation encourage les employeurs de PME à revoir leurs priorités pour la gestion de la santé et la sécurité du travail. Aujourd'hui, c'est 161 projets de mutuelle qui ont vu le jour afin de répondre à des besoins diversifiés de regroupement. Ces projets de mutuelle sont constitués afin de bénéficier de "recalculs" de taux avantageux par la CSST pour se voir consentir une baisse sur les primes annuelles à verser. Le tout préservant une même couverture d'assurance. La mutuelle de prévention est ce jeune produit de la CSST qui fait réagir le monde du travail depuis ses débuts en 1998.

MCI, juin 2002, 1

Ce constat permet de tracer un portrait un peu plus optimiste de la condition des mutuelles dans la nouvelle économie. De plus, bien que nous ne le souhaitions pas, l’explosion des frais associés au nouveau régime d’assurance-médicaments mis en place récemment par le gouvernement du Québec, risque, à plus ou moins long terme, de faire « sauter la banque » et inciter le gouvernement à repenser son implication dans ce secteur. Cela pourrait donc ouvrir la porte à la mise sur pied de nouvelles mutuelles dans ce secteur particulier comme cela existe déjà en France et en Allemagne.

Voilà donc pour la brève description des enjeux et trajectoires des mutuelles d’assurance ici au Québec. Cette petite parenthèse en ce qui concerne la question de l’assurance-médicaments (qui est en quelque sorte une assurance-santé complémentaire aux régimes de l’assurance-maladie) nous conduit à présenter un article de Ingo Bode, parue dans la revue RECMA, et intitulé « De la solidarité au marché ». Dans cet article, l’auteur discute de la situation des régimes d’assurance collective en France et en Allemagne :

Dans les deux pays étudiés, l’assurance maladie relève en partie du champ de l’économie sociale, qu’il s’agisse du système complémentaire en France ou du régime de base en Allemagne. Ces organismes à but non lucratif, qui disposent d’une relative autonomie face à l’État social, sont aujourd’hui confrontés aux mécanismes de marché tout en restant liés à une mission d’utilité sociale (...). Au niveau des activités, une dynamique de marchandisation va de pair avec des initiatives visant à préserver la vocation solidariste. Mais le degré d’institutionnalisation du système se révèle déterminant pour l’égalité d’accès au soin. L’avenir de la mission solidariste dépend finalement des acteurs des caisses car c’est à eux qu’il appartient aujourd’hui de trouver des nouvelles pistes pour mieux encadrer la compétition économique.

Bode note également l’apparition d’une compétition plus féroce sur le marché de l’assurance en Europe :

Depuis que les assureurs privés et les institutions de prévoyance sont entrés massivement sur le marché de l’assurance maladie complémentaire, les mutuelles vivent une explosion de la concurrence.

RECMA, octobre 2000, 72

Dans ce contexte, comme le note Bode, les mutuelles doivent travailler ardemment afin d’éviter la « dérive assurancielle », voire la démutualisation. D’autres voies sont possibles. Par exemple, la Fédération des mutuelles de France a lancé une campagne de sensibilisation avec un slogan accrocheur : « Votre santé n’est pas un commerce » et cherche à mobiliser la population, tout comme les mutuelles elles-mêmes, sur la nécessité d’éviter cette dérive. D’autres mutuelles ont innové et cherchent des façons de réduire leurs coûts sans avoir à restreindre l’accès à leur police à des populations plus fragiles. Cette démarche a notamment porté fruit quant à l’augmentation de l’utilisation de produits génériques ce qui permet de réduire les coûts de façon globale et non simplement en évitant d’assurer certaines populations à risque.

Sans entrer dans tous les détails du portrait dressé par Bode, soulignons, en conclusion, les principales réflexions de l’auteur. Tout d’abord, celui-ci constate que le monde des assureurs à but non lucratif bouge énormément. Une dynamique de marchandisation est enclenchée :

Il faut le dire, en France, on parle beaucoup des exclus de la santé, du fait notamment, de la difficulté d’accès aux mutuelles, rencontrée par les milieux défavorisés.

RECMA, Octobre 2000, 77

La seconde conclusion de Bode concerne la question de l’institutionnalisation plus ou moins grande du système d’assurance-maladie ou de son complément. Plus l’institutionnalisation est faible, plus les risques d’accroissement des inégalités relatives à la santé sont grands. Le cadre de droit social est indispensable pour garantir l’accès à la santé. Dernière conclusion :

Il n’empêche que ce cadre ne va pas de soi. Il faut que les acteurs eux-mêmes se battent pour maintenir ou consolider les principes sur lesquels est bâti le modèle solidariste de l’assurance-maladie. Ils doivent affronter les nouveaux défis, à savoir une pression économique considérable sur les systèmes existants, la mise en cause

de leur fonctionnement bureaucratique et, qui plus est, le fait que la mission propre des assureurs à but non lucratif-la défense collective de la santé de leurs adhérents dans un souci de solidarité morale, a souvent été perdue de vue. C’est à ce niveau que les nouveaux engagements des mutuelles ont le plus d’importance. Ils montrent que l’on peut sortir de la crise autrement que par la privatisation rampante du système.

Cela complète donc le portrait sommaire des enjeux et trajectoires en ce qui concerne le rôle et la place des mutuelles dans le nouvel environnement économique. Il s’agit d’un portrait sommaire de la situation et nous invitons le lecteur à consulter la bibliographie à la fin de ce texte pour de plus amples informations.

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