• Aucun résultat trouvé

Une technique du terrorisme : le détournement de certains moyens de transport

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 96-101)

Conclusion de la section

347 F RANCE M INISTÈRE DE L ’I NTÉRIEUR D IRECTION GÉNÉRALE DE LA P OLICE NATIONALE

B. Une technique du terrorisme : le détournement de certains moyens de transport

118. Les textes d’incrimination et la qualification terroriste — En tant qu’infractions

pénales, les détournements des moyens de transport, notamment des aéronefs et des navires, sont prévus en droit interne 361 et international 362. L’infraction est consommée

par le fait, illicitement, intentionnellement et par la violence ou menace de violence, de s’emparer, c’est-à-dire de prendre violemment possession 363 d’un navire ou d’un

aéronef. La violence ou la menace de violence, caractéristique de l’infraction terroriste, occupe ainsi une place importante dans l’incrimination. Infraction de droit commun, pour recevoir la qualification d’acte de terrorisme, le détournement d’aéronefs ou de navires, à l’instar de tous les autres actes rentrant dans le champ de l’incrimination, doit s’inscrire dans le cadre d’une entreprise individuelle ou collective visant des finalités diverses, la plupart du temps politiques.

119. Une infraction différente des techniques directes de privation de liberté — À

la suite de la Cour de cassation française 364, notons que si le détournement d’un aéronef

ou d’un navire 365 entraîne inéluctablement la détention ou la séquestration des

personnes à bord de l’équipage — faits constitutifs d’une prise d’otages — il n’en demeure pas moins que la détention ou la séquestration, d’une part, et la prise d’otages, d’autre part, constituent des infractions dissemblables dont la nature et les éléments constitutifs sont distincts.

120. Les incidences sur la liberté physique — Le détournement d’aéronefs ou de

navires constitue ainsi des actes de terrorisme autonomes ayant un impact sur la liberté physique de l’homme. La volonté de priver les victimes de ce droit ne constitue pas la finalité première des terroristes, pas plus que leur but ultime. Fort de ce constat, les textes supranationaux qui incriminent ces comportements ne prohibent pas directement l’atteinte à la liberté physique de l’homme 366. Les incriminations ont plutôt pour but

361 Article 421-1 du CP français.

362 Article 1-a de la Convention de 1970 pour la répression de la capture illicite d’aéronefs : « Commet

une infraction pénale […] toute personne qui, à bord d’un aéronef en vol, (a) illicitement et par la violence ou menace de violence s’empare de cet aéronef ou en exerce le contrôle ou tente de commettre l’un de ces actes » ; article 3-1a de la Convention de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime : « Commet une infraction pénale toute personne qui illicitement et intentionnellement : (a) s’empare d’un navire ou en exerce le contrôle par violence ou par menace de violence », la tentative y est incriminée à l’article 3-2a.

363 http://www.le-dictionnaire.com/definition.php ?mot=emparer. 364 Crim., 22 novembre 1983 (Bull. crim., n° 308 p. 791).

365 La Cour limite son raisonnement, à juste titre, aux seuls faits pour lesquels elle est saisie

(détournement d’aéronefs) ; c’est nous qui l’étendons au détournement de navires.

366 La Convention internationale de 1963 n’y fait pas référence, pas plus que celles de 1970 ou celle de

— 96 —

premier de protéger la liberté de circulation dans l’espace aérien ou maritime national ou international.

Conclusion de la section II

121. Arme courante des plans criminels dans lesquels s’inscrivent séparément les crimes

contre l’humanité et les actes de terrorisme, la privation de la liberté de l’homme pourrait se faire directement, passant ainsi, pour ce qui est du crime contre l’humanité, par des moyens comme la déportation ou l’expulsion, l’emprisonnement ou les disparitions forcées, et pour ce qui est du terrorisme, par la prise d’otages, l’enlèvement ou la séquestration ; ou indirectement faisant recours, en ce qui concerne le crime contre l’humanité, à la réduction en esclavage, ou s’agissant du terrorisme, au détournement des moyens de transport comme les aéronefs et les navires.

C

ONCLUSION DU CHAPITRE

I

122. Valeurs protégées aussi bien par l’incrimination de crime contre l’humanité que par

celle d’actes de terrorisme, les atteintes à la vie et à l’intégrité physique ou mentale, d’une part, à la liberté d’aller et de venir, d’autre part, prennent des formes aussi diverses et variées que l’imagination des criminels. D’autres comportements étant quasiment exclusifs à chacune des deux infractions, ceux-ci sont saisis séparément par chacune des deux incriminations. Il en est de même des valeurs que ces dernières entendent protéger.

— 98 —

CHAPITRE II.

123. Ce qui est spécifique au crime contre l’humanité, c’est de protéger, au-delà de la vie,

de l’intégrité physique ou mentale, de la liberté de mouvement de la personne humaine, ce qui, au-delà de son corps physique, caractérise son humanité, à savoir sa dignité et son égale appartenance à la collectivité des hommes. La dignité de la personne humaine 367 et son égale appartenance à l’humanité se trouvent ainsi saisies par

l’incrimination, respectivement au travers des chefs d’autres actes inhumains et de persécutions. En effet, « les crimes contre l’humanité doivent être conçus comme des crimes contre la personne ou la condition humaine » 368. Cependant, s’il est vrai que

l’incrimination de crime contre l’humanité a essentiellement vocation à protéger l’individu, il se pose la question de son extension à l’atteinte aux biens qui pourrait, très exceptionnellement, être constitutive de crime contre l’humanité. L’incrimination terroriste, quant à elle, vise la protection de bien d’autres valeurs. C’est ainsi que l’incrimination s’étend aux biens de l’humanité, notamment à l’environnement, et à ceux des États, à l’instar des infrastructures et de la sécurité 369.

124. Si la spécificité de l’incrimination de crime contre l’humanité réside dans sa vocation

première à protéger la personne humaine (section I), la spécificité de l’incrimination terroriste réside, quant à elle, dans la protection des biens (section II).

367 Force est de constater que dans la quasi-totalité des ouvrages qui traitent du crime contre

l’humanité, la notion de dignité est très récurrente. À l’opposé, les ouvrages traitant du terrorisme n’y font quasiment pas référence ; on ne trouve sa trace que dans certains textes juridiques, à l’instar du préambule de la résolution 40/61 du 9 décembre 1985 dans lequel l’Assemblée générale fait état de sa profonde préoccupation par l’esplanade dans le monde entier, des actes de terrorisme, sous toutes ses formes qui […] portent gravement atteinte à la dignité des personnes » ; de la Convention de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime dans le préambule duquel les États parties se disent profondément préoccupés par « des actes de terrorisme qui […] portent gravement atteinte à la dignité des personnes ».

368 « Les crimes contre l’humanité ». RCADI, 1950-I, tome 76, p. 545. C’est l’auteur qui souligne. 369 Nous sommes du même avis que DELMAS-MARTY Mireille lorsqu’elle affirme que l’incrimination

terroriste n’est pas facile à cerner parce qu’elle « exprime tantôt une atteinte à la sûreté d’un État, voire de la planète, tantôt le respect de la vie […], tantôt celui de certains biens ». (Entretien Disponible sur :

http://www.college-de-france.fr/media/int_dro/UPL17566_J22INTDELMAS.pdf (consulté le 17 février 2014).

— 100 —

S

ECTION

I.

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 96-101)

Outline

Documents relatifs