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La négation institutionnalisée de l’égalité des citoyens

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 115-117)

Conclusion de la section

L A SPÉCIFICITÉ DU CRIME CONTRE L ’ HUMANITÉ

B. L ’égale appartenance à la famille humaine : l’interdit des persécutions

1. La négation institutionnalisée de l’égalité des citoyens

150. Contenu — Dans les politiques de persécutions, en vue d’écarter certains individus

de la communauté citoyenne en raison de leur appartenance à un groupe visé, les autorités étatiques de fait ou de droit, adoptent de prime abord une législation discriminatoire à leur encontre. Les moyens utilisés dans ces cas-là, étant issus du plus haut niveau de l’État, ont ainsi une apparence de légalité. Par une telle législation, les personnes visées perdent généralement leur citoyenneté. Le terrorisme international, ne procède pas d’une telle logique, d’autant que les groupes d’individus ou des individus isolés qui commettent des actes de terrorisme, ne sont généralement pas détenteurs du pouvoir qu’ils cherchent plutôt à déstabiliser. Ils ne sauraient donc pas, au travers d’une législation discriminatoire, bafouer le principe d’égalité des citoyens. Une telle rupture juridique de l’égalité des citoyens reste caractéristique des seules politiques de persécutions constitutives de crimes contre l’humanité. Le dispositif juridique renferme la plupart du temps des mesures draconiennes et des sanctions odieuses, tels qu’en témoignent les exemples tristement célèbres de persécutions juridiques dont recèle notre histoire.

151. Le Code noir — L’esclavage, notamment celui des Noirs 453, reconnu aujourd’hui

comme un crime contre l’humanité, aussi bien en droit international qu’en droit interne, constitue un exemple de système de persécutions à l’encontre d’une catégorie de personnes à l’égard desquelles des mesures discriminatoires sont appliquées en raison de la couleur de leur peau. C’est ainsi qu’en France par exemple, le « Code noir » 454 qui

officialisait l’esclavage règlementait le régime auquel étaient soumis les seuls esclaves quant à leur union, inhumation, circulation, habillement, nutrition. Contrairement aux autres citoyens, les esclaves étaient frappés d’une incapacité juridique générale. En revanche, leur responsabilité pouvait être engagée en cas de délit de fuite par exemple 455. Ils étaient également passibles de sanction corporelle par leur maître en cas

453 Hormis les populations africaines et malgaches, les populations amérindiennes et indiennes ont

également été victimes de l’esclavage dans les Amériques, aux Caraïbes, dans l’Océan indien et en Europe, à partir du XVe.

454 Disponible sur les liens http://rebellyon.info/Le-Code-noir.html, http://www.haiti-

reference.com/histoire/documents/code_noir.html.. Il est à noter qu’il existe deux versions du Code noir. La première préparée par le ministre du roi et puissant contrôleur général, Jean- Baptiste Colbert, fut promulguée en mars 1685 par Louis XIV ; la seconde fut promulguée par son successeur Louis XV au mois de mars 1724. Les articles que nous citerons sont ceux issus de la première version.

de transgression des règles 456. De telles mesures déshumanisantes furent également

pratiquées à l’encontre des Juifs dans l’Allemagne nazie, mais sous une tout autre forme.

152. Les lois de Nuremberg — Ces lois marquent la codification de l’antisémitisme dès

1935. Bien avant ces dernières, les Juifs étaient déjà soumis à plusieurs restrictions dans l’Allemagne nazie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, celles-ci s’étendirent dans tous les territoires occupés par l’Allemagne nazie 457. Les restrictions portaient notamment

sur des fonctions et professions que les Juifs pouvaient exercer, sur leur vie privée, sur leurs droits de citoyens. Les Juifs furent obligés de changer de prénom, il leur était interdit d’utiliser les transports en commun. Des ghettos furent créés pour mettre à l’écart ces citoyens en raison de leur croyance 458. Le principe de l’égalité des citoyens fut

bafoué par les nazis à telle enseigne que les Juifs furent obligés de porter l’étoile de David comme signe distinctif. Un tel système de discrimination n’est pas loin de celui que l’on a pu connaître en Afrique du sud.

153. La politique d’apartheid — Jusqu’à la fin de l’apartheid en Afrique du sud comme

aux États-Unis jusque dans les années 1960, le système juridique organisait une discrimination raciale et soumettait certains citoyens à des droits différents en raison de la couleur de leur peau. Fort de ce constat, les États parties à la Convention sur l’apartheid, ont expressément considéré cet acte odieux comme « un crime contre l’humanité » 459. Caractérisé par son aspect institutionnel, le régime d’apartheid constitue

une incitation permanente à la haine et à la discrimination raciales. Haïr, soumettre certains citoyens à des traitements différents constitue la règle dans un tel régime. Ces discriminations officielles qui vont à l’encontre du principe d’égalité des citoyens, et par extension, à celui d’égalité des membres de la famille humaine, tendent à exclure complètement une catégorie de citoyens de la vie sociale.

456 Articles 15, 16, 18, 37 du Code noir.

457 Notamment en France où furent adoptées les lois de Vichy. Pour approfondir ce point, lire

RÉMY Dominique. Les lois de Vichy : actes dits "lois" de l’autorité de fait se prétendant "gouvernement de l’État

français". Paris : Romillat, 1992, p. 87 et suiv. Lire également TAL Bruttmann. Au bureau des Affaires

juives : L’administration française et l’application de la législation antisémite (1940-1944). Paris : La

Découverte, 2006.

458 Il s’agit entre autres, des actes que le jugement de Nuremberg a pris en considération dans ses

conclusions sur la persécution. Dans l’affaire Tadic (jugement du 7 mai 1997, § 704), les juges s’appuyèrent sur cette jurisprudence. Les juges précisent par ailleurs qu’« en tant que précédent historique le plus proche [du Tribunal au sein duquel ils siègent], les conclusions du Tribunal de Nuremberg sur la persécution ont valeur informative et exposent succinctement l’essence de la norme de la persécution » (§ 705).

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