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D ES ACTES DE VIOLENCE CARACTÉRISÉS

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 51-56)

54. Le mot « violence » vient du latin vis, qui désigne d’abord la force et plus encore

l’abus de cette force sans égard à la légitimité de son usage. C’est la force déréglée qui porte atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychologique, à la liberté, à la dignité de l’homme, à son égale appartenance à l’humanité ou aux biens. La violence est ainsi souvent opposée à la force, celle-ci faisant un usage contrôlé, légitime et mesuré de celle-là, qui ne connaît pas de limites et tend vers la destruction totale. La violence est l’élément le plus constant et le plus récurrent de toutes les définitions du terrorisme et du crime contre l’humanité, ce qui ne saurait évidemment surprendre. L’acte de terrorisme est en effet une violence dirigée contre autrui — personnes, collectivités — ou les biens — biens publics, privés ou symboliques — et qui peut être d’ordre physique ou psychologique. Si la violence liée au crime contre l’humanité peut revêtir, tout comme la violence terroriste, une dimension physique ou psychologique, il n’en demeure pas moins que la première, contrairement à la seconde, vise surtout et avant tout des individus. La violence, telle qu’elle se manifeste dans les deux criminalités, présente des caractères qui méritent une attention particulière.

55. Le crime contre l’humanité et le terrorisme se rapprochent en ce sens qu’ils

constituent tous deux une violence collective, c’est-à-dire que plusieurs personnes et des comportements divers et variés participent à la perpétration de l’acte. Hormis le caractère collectif commun aux deux criminalités, celles-ci diffèrent, car après la perpétration de l’acte, le criminel contre l’humanité cherche à effacer les traces de ses monstruosités, tandis que le terroriste se sert pleinement des moyens de communication pour faire connaître ses forfaits et, par la-même, faire entendre sa voix. La violence liée au crime contre l’humanité apparaît ainsi comme étant dissimulée, contrairement à la violence terroriste qui est théâtralisée.

56. Phénomène récurrent dans le crime contre l’humanité et dans le terrorisme, la

violence relative aux deux criminalités porte atteinte à des intérêts juridiques protégés (Titre I). Cette violence revêt par ailleurs certains caractères (Titre II).

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TITRE I.

57. Le flou du droit pénal quant à la formulation positive de l’intérêt juridique —

Les crimes peuvent être exprimés non seulement en forme d’interdits (meurtre, assassinat, extermination, torture, viol, déportation, expulsion, transfert forcé, emprisonnement, disparitions forcées, prise d’otages, enlèvement, séquestration, détournement des moyens de transport, atteinte à la dignité, persécutions, atteintes à l’environnement, cyberterrorisme, usage des armes de destruction massive, atteintes à la sécurité, etc.) ; mais encore en forme positive de valeurs à respecter dont l’énumération est fournie par les textes se rapportant aux droits de l’homme (vie, intégrité physique et mentale, liberté physique, dignité, égale appartenance à l’humanité, environnement, sécurité, etc.). Chaque incrimination a ainsi pour fonction la protection d’un intérêt juridique, d’une valeur juridique, d’un bien juridique — les trois mots étant synonymes à notre sens 189— ; et c’est en ces termes que le législateur raisonne pour choisir ses

incriminations. Toutefois, cette expression positive de l’intérêt juridique protégé par l’interdit n’est pas claire en droit pénal, aussi bien pour l’incrimination terroriste que pour celle de crime contre l’humanité.

Le droit pénal international, dans le plan des statuts et conventions, et le droit pénal interne, dans le plan du Code pénal ou dans certaines qualifications, utilisent en effet des mots qui donnent une première idée de l’intérêt juridique protégé, mais cela demeure vague. Dans les textes de définition, le droit pénal n’exprime pas explicitement la valeur sous-jacente à l’interdit sous sa forme positive. C’est pourtant ce que nous essayerons de lui faire dire en nous posant à chaque fois la question de savoir quelle est la valeur juridique que le législateur a entendu protéger au travers de l’interdit et en y apportant une réponse dans la mesure du possible.

58. Le droit pénal, au travers de l’incrimination terroriste et celle de crime contre

l’humanité, entend protéger, c’est-à-dire encadrer juridiquement, la personne humaine dans sa vie, dans son intégrité physique ou mentale, dans sa liberté de déplacement. Mais l’incrimination de crime contre l’humanité va au-delà de cette première approche de la personne humaine et entend protéger spécifiquement sa dignité et son égale appartenance à l’humanité. Par ailleurs, outre la personne humaine, les biens, sont aussi des intérêts juridiques protégés par les deux incriminations, même si cela reste marginal pour le crime contre l’humanité. L’incrimination terroriste entend protéger, au même titre que la personne humaine, les biens de l’humanité et ceux des États. À l’opposé,

189 Soulignons que certains auteurs comme LACAZE Marion (Réflexions sur le concept de bien juridique protégé

par le droit pénal. Paris : LGDJ, 2010) distinguent le bien juridique de la valeur juridique lorsqu’elle

soutient : « le bien juridique émane de la valeur » (p. 308). De la même manière l’auteure distingue le bien juridique de l’intérêt juridique (p. 309).

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l’incrimination de crime contre l’humanité ne protège les biens que de manière secondaire.

Les valeurs juridiques que le législateur entend protéger sont pour certaines communes à l’incrimination terroriste et à celle de crime contre l’humanité, il s’agit notamment de la personne humaine (Chapitre I) ; d’autres leur sont spécifiques (Chapitre II).

CHAPITRE I.

LA VALEUR JURIDIQUE COMMUNE AUX DEUX INCRIMINATIONS :

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