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L’individu, une primauté en essor ?

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 147-162)

Conclusion de la section

L A SPÉCIFICITÉ DU TERRORISME

B. Les comportements visant la sécurité

2. L’individu, une primauté en essor ?

220. Justification — Force est de constater que, dans certains textes d’incrimination des

actes de terrorisme, la sécurité humaine n’est pas protégée en tant que valeur autonome. Une telle protection est souvent conditionnée par l’existence d’un lien de connexité entre l’infraction portant atteinte à l’individu et celle portant atteinte à un bien,

589 Il est à noter que les conventions internationales susmentionnées ont été adoptées pour protéger la

sécurité des aéronefs civils, le but final étant celui de protéger la sécurité aérienne des États. Face à cette nouvelle forme d’agression, le principe de protection des aéronefs civils ne peut rester absolu. Pour approfondir ce point, lire DE LUCA Anne. « L’emploi de la force aérienne contre les aéronefs

civils : du terrorisme aérien à la défense légitime ». Libre pensée, p. 14-24. Disponible sur :

http://www.cesa.air.defense.gouv.fr/IMG/pdf/PLAF_No15_Cne_de_Luca.pdf (consulté le 17 février 2014).

notamment un aéronef ou une plate-forme 590. Mise à part la justification apportée à cet

état de choses dans les développements consacrés à l’atteinte à la vie 591, ajoutons, pour

ce qui est de la sécurité, que ces conventions ont été adoptées à une époque où seul l’État était considéré comme objet et sujet de la sécurité 592. La sécurité de ses citoyens

était ainsi liée à la sienne. La sécurité des individus était assurée exclusivement par l’État auquel ils appartiennent. Il ne semblait donc pas utile aux États parties aux conventions de protéger directement la personne humaine, notamment sa sécurité en tant que telle, mais plutôt l’État par lequel passait la protection de ses citoyens. Cependant, avec la naissance du concept de sécurité humaine, la sécurité de l’individu devient un sujet de préoccupation majeur.

221. La naissance du concept de sécurité humaine — Jusqu’au début des années

quatre vingt dix, les approches basées sur la sécurité nationale privilégiaient l’État, reléguant l’individu au second plan. Les conventions sur les actes de terrorisme ne dérogent pas à ce postulat, tel que nous avons pu le constater. Toutefois, sous la houlette du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), un nouveau concept a progressivement émergé, celui de la « sécurité humaine » 593. Promu pour la

première fois dans le Rapport mondial sur le développement humain du PNUD publié en

590 Voir notamment l’article 1-1a de la Convention internationale de 1971 qui considère comme

infraction pénale le fait pour toute personne, illicitement et intentionnellement, d’accomplir un acte de violence à l’encontre d’une personne se trouvant à bord d’un aéronef en vol, encore faut-il, précise l’alinéa in fine, que « cet acte [soit] de nature à compromettre la sécurité de cet aéronef ; l’article II-1 du Protocole de 1988 à la Convention internationale de 1971 qui incrimine comme infraction pénale le fait illicitement et intentionnellement d’accomplir un acte de violence qui cause ou est de nature à causer des blessures graves ou la mort, à condition que cet acte « compromet[te] ou [soit] de nature à compromettre la sécurité dans cet aéroport » ; l’article 3-1b de la Convention internationale de 1988 qui dispose : « commet une infraction pénale toute personne qui illicitement et intentionnellement […] accomplit un acte de violence à l’encontre d’une personne se trouvant à bord d’un navire, si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire » ; l’article 2-1e du Protocole de 1988 à la Convention internationale de 1988 sur la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental qui considère comme infraction pénale le fait de blesser ou de tuer toute personne lorsque ces faits présentent un lien de connexité avec l’une des infractions visant les atteintes aux biens ; l’article 2-1b du Protocole de 1988 à la Convention internationale de 1988 qui incrimine en tant qu’infraction pénale le fait d’accomplir un acte de violence à l’encontre d’une personne se trouvant à bord d’une plate-forme fixe, à condition, précise l’article in fine, que « cet acte [soit] de nature à compromettre la sécurité de la plate-forme ».

591 À savoir que ces conventions n’ont pas été adoptées pour protéger les valeurs inhérentes à la vie de

la personne humaine (confère A du § 1 de la section I du chapitre I).

592 Le paradigme de la sécurité humaine est réellement né au début des années quatre vingt dix, or la

plupart des Conventions susmentionnées ont été adoptées avant cette période.

593 Notons qu’il a même été crée une « Commission sur la sécurité humaine » en janvier 2001, à

l’initiative du gouvernement japonais et en 2003 une unité du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires de l’ONU.

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1994 594, ce concept se propose d’élargir considérablement le concept de sécurité, aussi

bien dans son contenu que dans sa portée 595. L’apparition du concept de « sécurité

humaine » est « directement liée au bouleversement des règles du jeu de la scène internationale » 596. « La doctrine de la sécurité humaine insiste pour dire que le nouvel

objet doit être constitué par les populations civiles et les individus vivants. Ce sont eux qui doivent être protégés : ce qui est sacré, ce n’est plus la souveraineté de l’État, mais […] l’individu » 597. Si les textes adoptés avant l’émergence de ce concept humanisant

sont restés immobiles, leur application a évolué. Les dramatiques événements du 11 septembre 2001 ont provoqué en la matière une évolution sans équivalent. Concept en pleine construction 598, la sécurité humaine prône la prépondérance de l’individu,

sujet vivant et vulnérable.

Conclusion de la section II

222. La mise en péril des infrastructures et de la sécurité, deux biens distincts des États, ne

passe pas par les mêmes modes opératoires. Si l’atteinte aux infrastructures passe par le cyberterrorisme et par l’usage des armes de destruction massive, il n’en est pas de même de l’atteinte à la sécurité. Avec les nouvelles menaces, les comportements attentatoires à cette dernière ont épousé de nouvelles formes. D’où la naissance du concept de sécurité humaine. Cependant, « si la sécurité humaine a fait de sérieuses avancées au sein de la pensée sécuritaire classique, il lui reste du chemin à parcourir avant qu’elle puisse bénéficier de la même attention de la part des puissances dominantes que celle accordée à la sécurité nationale » 599.

594 Pour aller plus loin sur le principe de sécurité humaine, lire les pages 23 et suiv. du rapport.

http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr_1994_fr_complet_nostats.pdf (consulté le 17 février 2014).

595 Pour aller plus loin, lire BADIE Bertrand. « Les grands débats théoriques de la décennie ». Revue

internationale et stratégique 1/2001 (n° 41), p. 47-54. Disponible sur : www.cairn.info/revue- internationale-et-strategique-2001-1-page-47.htm (consulté le 17 février 2014). Voir aussi KALDOR

Mary et MARCOUX Sonia. « La sécurité humaine : un concept pertinent ? ». Politique étrangère 4/2006 (Hiver), p. 901-914.

Disponible sur : www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2006-4-page-901.htm.

596 BASTY Florence. « La sécurité humaine : un renversement conceptuel pour les relations

internationales », op. cit., p. 2 (numérotation numérique). « Les paradigmes utilisés jusqu’au début des années 1990 pour comprendre et analyser les relations internationales se retrouvent caduques face à des menaces et des réalités nouvelles », poursuit l’auteure.

597 Ibid., p. 3 (numérotation numérique).

598 Il est à noter que non seulement le concept reste flou, mais aussi, la sécurité nationale n’a pas perdu

de sa prééminence. Sur le premier aspect, lire ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA

FRANCOPHONIE. « Sécurité humaine : Clarification du concept et approches par les organisations internationales. Quelques repères ». Document d’information, janvier 2006. Disponible sur :

http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/Securite_humaine__20_janv.__.pdf (consulté le 17 février 2014).

599 BASTY Florence. « La sécurité humaine : un renversement conceptuel pour les relations

C

ONCLUSION DU CHAPITRE

II

223. Incrimination essentiellement protectrice de la personne humaine, le crime contre

l’humanité persiste dans la protection de cette dernière, c’est ainsi qu’il saisit sa dignité et son égale appartenance à l’humanité, par l’intermédiaire, respectivement, de l’incrimination des « autres actes inhumains » et de celle des persécutions. La personne humaine étant la seule et unique priorité de l’incrimination de crime contre l’humanité, les propositions de la CDI tendant à inclure la protection du patrimoine de l’humanité dans la notion n’ont pas été retenues. En revanche, l’atteinte à certains biens, au service d’une politique discriminatoire, pourrait être constitutive de crime contre l’humanité. L’incrimination des actes de terrorisme, quant à elle, outre les valeurs afférentes à l’homme, vise également à la protection des biens de l’humanité et ceux des États. C’est ainsi que la valeur environnement, composante du patrimoine commun de l’humanité en fait désormais partie, au travers, notamment, du droit français et de certains droits régionaux. La protection des biens des États, quant à elle, passe essentiellement par la condamnation des comportements attentatoires à leurs infrastructures et à leur sécurité.

— 150 —

C

ONCLUSION DU TITRE

I

224. Tel que nous avons pu le souligner, les valeurs protégées par l’incrimination de crime

contre l’humanité et celle des actes de terrorisme sont de plusieurs ordres. La personne humaine, valeur commune aux deux incriminations, est sujette à plusieurs atteintes qui mettent en péril sa vie et son intégrité physique ou mentale, d’une part et, d’autre part, sa liberté physique. Nous avons pu noter que, si l’incrimination de crimes contre l’humanité ne vise essentiellement que des atteintes graves, celle des actes de terrorisme était susceptible d’englober, outre des atteintes graves, celles de gravité moindre.

225. Nous avons également relevé que, les atteintes directes ou indirectes à la liberté

physique de l’homme passaient par des modes opératoires qui sont, la plupart du temps, spécifiques à chaque incrimination. Pour ce qui est des atteintes directes, nous avons étudié la déportation, l’expulsion, le transfert forcé, l’emprisonnement, les disparitions forcées comme étant spécifiques à l’incrimination de crime contre l’humanité ; la prise d’otages, l’enlèvement et la séquestration étant, quant à eux, propres à l’incrimination terroriste. En ce qui concerne les atteintes indirectes à la liberté physique, nous nous sommes penchés sur la réduction en esclave qui est une technique à laquelle ont recours les seuls criminels contre l’humanité ; le détournement des moyens de transport, notamment des aéronefs et des navires ont, quant à eux, été étudiés comme étant le domaine exclusif des seuls terroristes.

226. Par ailleurs, nous avons noté, qu’outre les valeurs de la personne humaine protégées

communément par les deux incriminations, l’incrimination de crime contre l’humanité protégeait aussi d’autres valeurs qui sont inhérentes à l’homme et qui sont constitutives de l’essence même de la notion. Aussi, le chef « autres actes inhumains » nous a semblé viser essentiellement la protection de la dignité humaine ; du moins, la majorité de la doctrine et la jurisprudence — dans une moindre mesure — ont tendance à ramener l’incrimination à la protection de cette valeur inhérente à tous les membres de la famille humaine. Une telle protection passe par la condamnation de l’acte déshumanisant. Cet acte nous a amené à nous interroger sur la finalité de l’acte inhumain, à savoir l’atteinte à l’irréductible humain. L’« inhumain », notion difficile à cerner et donc à délimiter, voit son champ s’élargir avec les progrès incessants de la science. En outre, l’incrimination des persécutions, autres modes opératoires utilisés par les seuls criminels contre l’humanité, nous a semblé se ramener à la protection de l’égale appartenance à l’humanité. Moyens courants des politiques mises sur pied par les criminels contre l’humanité, les persécutions ont notamment été appréhendées par deux de leurs manifestations, à savoir une législation criminelle niant l’égalité des citoyens et une exclusion totale de la vie sociale.

227. Nous avons également souligné que, l’incrimination des actes de terrorisme, mis à

part l’homme et toutes les valeurs y afférentes, protégeait aussi d’autres valeurs qui lui sont étrangères. Il s’est agi, entre autres, de la protection du patrimoine commun de l’humanité, notamment de la valeur environnement. Si l’atteinte à l’environnement fait, avec certitude, partie de l’élément matériel de l’acte de terrorisme en droit français, les droits régionaux et le droit international hésitent quant à l’élément constitutif de l’infraction auquel il faut rattacher ce comportement. Ces droits le considèrent alors tantôt comme un acte matériel, tantôt comme un dol spécial. Par ailleurs, l’incrimination terroriste vise aussi la protection des biens des États, notamment celle de leurs infrastructures et celle de leur sécurité. L’atteinte aux infrastructures a été appréhendée par l’intermédiaire de l’étude du cyberterrorisme et de celle de l’emploi des armes de destruction massive par les terroristes. Quant à la sécurité, nous avons noté que la protection des États, alors prioritaire, était en voie d’être supplantée par celle de l’individu, bien qu’il ne s’agisse pour le moment que d’une évolution conceptuelle.

228. La violence, aussi bien sous sa forme matérielle que sous sa forme immatérielle, est la

caractéristique commune des crimes contre l’humanité et des actes de terrorisme. Toutefois, si nous partons du postulat qui veut que les crimes soient, de manière générale, des actes de violence par essence, il se pose alors la question des caractères de la violence qui sous-tend les deux criminalités qui nous intéressent. C’est de cette question que nous nous proposons de traiter dans les développements qui vont suivre.

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TITRE II.

229. La criminalité terroriste et celle relative au crime contre l’humanité ont ceci en

commun qu’elles revêtent toutes deux un caractère collectif. Ce sont des comportements commis par une pluralité de personnes. D’aucuns considèrent que « l’infraction collective [traduit] le passage de la criminalité du stade artisanal au stade industriel » 600. La difficulté dans ce genre d’infraction est de déterminer la part de la

responsabilité de chaque participant. Il s’agit en effet d’une infraction dans laquelle, d’une part, l’imputation du résultat collectif à chaque participant est dénaturée et, d’autre part, les critères individuels de la participation punissable sont transformés. Criminalités intrinsèquement collective, le crime contre l’humanité et le terrorisme soulèvent la question des actes individuels susceptibles de tomber sous les qualifications (Chapitre I).

230. Au-delà du caractère collectif qui leur est commun, la violence liée au crime contre

l’humanité diffère de la violence terroriste en ce sens qu’après la perpétration de l’acte, le criminel contre l’humanité cherche à en effacer les traces, tandis que le terroriste cherche à afficher ses forfaits. Volonté de dissimuler d’un côté, volonté d’afficher de l’autre, les deux criminalités divergent nettement de ce point de vue (Chapitre II).

600 DUPEYRON Christian. « L’infraction collective ». RSC, n° 2, 1973, p. 357. Soulignons que l’infraction

commise collectivement (où la participation de plusieurs délinquants est facultative) se distingue de l’infraction collective à proprement parlé (où la participation de plusieurs délinquants est nécessaire). Pour aller plus loin sur ce dernier point, lire ALLIX Dominique. Essai sur la coaction. LGDJ, 1976, p. 3 et suiv.

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CHAPITRE I.

231. Le crime contre l’humanité et le terrorisme ont ceci en commun qu’il s’agit de deux

criminalités collectives, c’est-à-dire qu’ils sont perpétrées par plusieurs individus. En effet, pour ce qui est de la criminalité relative au crime contre l’humanité, tout comme le TMI de Nuremberg, les juridictions ultérieures « ont été conduites, en une démarche presque instinctive, à affirmer la nature collective du comportement constitutif [de crime contre l’humanité] » 601. Il n’y a pas de doute que le crime contre l’humanité requiert

plusieurs participations pour sa commission. C’est sur cette lancée que, lors du procès Papon par exemple, un des avocats de parties civiles, face à la Cour, expliqua « le caractère collectif du crime contre l’humanité qui requiert la participation de chacun pour être accompli » 602. Selon le TPIY, « c’est […] le désir d’exclure les actes isolés ou

fortuits de la notion de crime contre l’humanité qui a conduit à inclure la condition que les actes doivent être dirigés contre une « population civile » 603. « Désigner comme cible

une population civile aurait donc pour but de cristalliser la nature collective du crime contre l’humanité » 604.

Pour ce qui est de la criminalité terroriste, elle est, en général, issu d’une démarche collective 605. En effet, « l’expérience enseigne que […] les opérations terroristes

s’inscrivent le plus souvent dans une stratégie collective » 606. « La finalité politique d’une

stratégie de la violence ne prend son sens véritablement politique que dans le cadre d’une action collective qui emprunte généralement le même schéma : des individus se regroupent, s’organisent et prétendent lutter au nom d’un groupe référence souvent mythifié (une classe, une ethnie, un groupe religieux, un État, etc.) qu’ils estiment exploité ou opprimé par l’ordre social ou international en vigueur » 607. Une telle

reconnaissance trouve sa consécration en droit.

En droit interne, citons à titre d’illustration, le Code pénal français qui retient la qualification d’actes de terrorisme pour des comportements qui, entre autres, sont « en

601 MAISON Raphaëlle.La responsabilité individuelle pour crime d’État en droit international public,op. cit., p. 85. 602 ZAOUI Michel, HERRENSCHMIDT Noëlle et GARAPON Antoine. Mémoires de justice : les procès Barbie,

Touvier, Papon. Paris : Seuil, 2009, p. 13.

603 Affaire n° IT-94-1, Tadic, jugement du 7 mai 1997, § 648.

604 ALIX Julie. Terrorisme et droit pénal : Étude critique des incriminations terroristes, op. cit., p. 521-522.

605 Le nouveau Larousse encyclopédie définit le terrorisme comme l’« ensemble d’actes de violence

(attentats, etc.) commis par une organisation » (T. 2, 2002, « Terrorisme »). Nous soulignons.

606 CARTIER Marie-Élisabeth. « Le terrorisme dans le nouveau code pénal français ». RSC, 1995, n° 2,

p. 234.

607 REGIMBALD Patrice. « Qu’est-ce que le terrorisme ? ». Disponible sur :

http://www.cvm.qc.ca/encephi/Syllabus/Histoire/Articles/Terrorisme.htm (consulté le 17 février 2014).

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relation avec une entreprise […] collective » 608. L’entreprise peut en effet revêtir deux

conceptions différentes renvoyant aux réalités antinomiques : « une conception subjective de l’entreprise — l’entreprise dessein —, l’entreprise-projet — et une conception objective de l’entreprise — l’entreprise organisation, l’entreprise structure » 609. La notion d’entreprise collective, telle que nous l’entendrons dans ce

chapitre, dans la même optique que la jurisprudence française, renverra à la seconde conception. En effet, l’assimilation de l’entreprise terroriste à une association de terroristes par les juridictions françaises, et par là même, l’assimilation de la relation terroriste à une participation à un groupement, révèle la volonté de ces dernières de considérer la criminalité terroriste comme étant essentiellement collective 610. Une telle

conception implique alors que l’infraction constatée ait été commise dans un cadre plus général, dans un cadre collectif.

En droit international, la Convention arabe pour la lutte contre le terrorisme du 22 avril 1998 considère comme acte de terrorisme « tout acte de violence ou menace de violence […] commis pour mettre en œuvre un projet criminel […] collectif » 611. Sur la

même lancée, la Convention de l’Organisation de la Conférence islamique du 1er juillet 1999 pour combattre le terrorisme incrimine tout « acte de violence ou de menace de violence [commis] pour exécuter […] collectivement un plan criminel » 612. Ces deux

définitions font référence à la nature collective de la criminalité terroriste.

232. Cependant, il n’existe pas, du moins, il n’existe plus en droit pénal de responsabilité

collective. Le principe en droit pénal est celui de la responsabilité individuelle. Une problématique propre aux criminalités collectives est celle du grand nombre de participants dont il est difficile de déterminer si elles sont auteurs, coauteurs ou complices de l’infraction. En effet, l’application des règles classiques conduirait à dire que seuls les « hommes de main » sont auteurs et que les organisateurs, les « cerveaux » ne sont que des complices. C’est pourquoi il est préférable de partir de la notion générique de « participant ».

608 Article 421-1 du CP français. Nous soulignons. Notons que la notion d’entreprise est utilisée dans

des domaines autres que le terrorisme. L’article 405 de l’ACP relatif à l’escroquerie employait déjà l’expression « fausses entreprises ». L’article 413-4 du CP réprime « le fait de participer à une entreprise de démoralisation de l’armée en vue de nuire à la défense nationale ». Cette infraction suppose l’existence d’une organisation poursuivant un plan concerté et un acte de participation consciente à l’entreprise ainsi définie (Crim., 25 février 1958, Bull. crim., n° 194).

609 ALIX Julie. Terrorisme et droit pénal : Étude critique des incriminations terroristes, op. cit., p. 230.

610 Pour aller plus loin sur ce dernier point, lire Alix Julie. Terrorisme et droit pénal : Étude critique des

incriminations terroristes, op. cit., p. 243 et suiv.

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 147-162)

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