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La simplification de l ’intention terroriste dans la législation française

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 177-181)

Conclusion de la section

L A RÉPRESSION DE LA PRISE CONSCIENTE DE RISQUE

A. La simplification de l ’intention terroriste dans la législation française

272. En considérant l’adhésion à un projet terroriste comme l’élément intentionnel de

l’association de terroristes (1), le législateur français a opéré une simplification de l’intention terroriste qui s’est étendue au financement dont l’élément intentionnel se réduit à la connaissance du projet terroriste (2).

1. L’adhésion à un projet terroriste : l’élément intentionnel de l’association

de terroristes

273. L’incrimination des actes préparatoires dans l’association de malfaiteurs — Le

législateur français s’est inspiré de l’élément intentionnel requis pour l’association de malfaiteurs pour simplifier l’élément intentionnel de l’association de terroristes. Nous nous attarderons alors un tant soi peu sur cette source d’inspiration. En effet, l’objectif de l’incrimination de l’association de malfaiteurs est d’incriminer de manière autonome, et comme infraction consommée, des actes préparatoires, sans attendre que l’auteur ait atteint la phase traditionnellement punissable de l’iter criminis, c’est-à-dire le commencement d’exécution en droit français. Pour atteindre un tel objectif, l’article 450-1 alinéa 1 entend par association de malfaiteurs « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ».

274. Les éléments constitutifs de l’infraction — Ainsi définie, l’infraction est

composée de trois principaux éléments. Primo, un acte de participation personnelle à un groupement. Secundo, le but du groupement de préparer une ou plusieurs infractions faisant encourir au minimum cinq ans d’emprisonnement 685. Tertio, une volonté de

participer à ce groupement en connaissance de cause. À l’instar de l’infraction terroriste « de droit commun », la qualification d’association de malfaiteurs repose alors, d’une

685 Contrairement à plusieurs infractions, le but poursuivi par l’association de malfaiteurs relève de la

part, sur la combinaison du but d’un groupement — but de préparer une infraction punie d’un minimum de cinq ans d’emprisonnement — et, d’autre part, d’un élément subjectif individuel — la volonté de participer au groupement avec conscience —.

275. La preuve de l’élément intentionnel — Notons de prime abord qu’en droit

français, ce n’est qu’en l’absence de dispositions contraires de la loi 686, que, comme tout

délit 687, l’infraction de participation à une association de malfaiteurs constitue une

infraction intentionnelle. En revanche, ce caractère de l’infraction pénale est expressément prévu dans les textes internationaux, notamment par l’article 5-1 de la Convention de Palerme qui incrimine la participation à un groupement criminel organisé et donc à une association de malfaiteurs. Cette convention exige que l’infraction soit commise « intentionnellement ». En principe, l’élément intentionnel de l’infraction ne peut pas être présumé, il doit être prouvé, la charge de la preuve incombant au ministère public. Dans le domaine de l’association de malfaiteurs, celle-ci peut être rapportée sur le fondement des constatations de pur fait, tel que l’autorise l’article 5-2 de la Convention de Palerme : « la connaissance, l’intention, le but, la motivation ou l’entente […] peuvent être déduits de circonstances factuelles objectives ». L’on n’est pas loin de la pratique jurisprudentielle française en matière d’association de terroristes.

276. L’association de terroristes — Par l’expression générique association de terroristes,

l’article 421-2-1 du Code pénal français entend « le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme » incriminés aux articles 421-1 ou 421-2 du même code. Cette incrimination, tout comme celle d’association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes contre l’humanité 688, s’est fortement inspirée de celle du délit

de participation à une association de malfaiteurs de droit commun.

277. L’élément intentionnel de l’association de terroristes — L’élément intentionnel

de l’association de terroristes, infraction-obstacle 689, s’est fortement inspiré de l’élément

686 Article 121-3 du Code pénal français.

687 Il est à noter que, jusqu’en 1981, l’association de malfaiteurs constituait un crime en droit français.

Actuellement, en vertu de l’article 450-1 du CP, la participation à une association de malfaiteurs est punie des peines caractérisant la commission d’un délit (au moins cinq ans d’emprisonnement) en application des articles 131-3 du Code pénal et 381 du Code de procédure pénale. Elle a donc été correctionnalisée.

688 L’article 212-3 du Code pénal incrimine « la participation à un groupement formé ou à une entente

établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels », de l’un des crimes contre l’humanité définis aux articles 212-1 et 212-2.

689 Il s’agit d’une infraction obstacle, car le législateur incrimine ici une attitude ou un comportement

dangereux sans portée dommageable immédiate et effective. En effet, « les infractions obstacles sont des comportements dangereux incriminés très en amont de l’iter criminis. Elles se résument à la création d’un péril. Ce sont des comportements qui sont incriminés pour faire obstacle à la commission d’une infraction matérielle » (PIN Xavier. Droit pénal général, op. cit., p. 129)

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intentionnel de l’infraction de participation à une association de malfaiteurs. La différence entre les deux incriminations porte uniquement sur le projet de l’association. Dans le premier cas, il consiste à participer à la préparation de n’importe lequel des actes de terrorisme incriminés aux articles 421-1 ou 421-2 du Code pénal. Dans le second cas, il consiste à préparer une infraction passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. En effet, le législateur français considère le terrorisme comme un phénomène criminel global, une criminalité collective. Une telle conception influe directement sur la forme de l’intention qui n’est pas une intention de commettre l’acte de soutien incriminé, mais une intention de s’associer à une activité criminelle, autrement dit, l’adhésion à un projet terroriste.

278. L’incidence de la nature collective sur la responsabilité : l’adhésion — La

nature collective de la criminalité permet de se satisfaire d’une adhésion à un projet qui dépasse le participant, c’est-à-dire d’une volonté de contribuer. Un tel élément intentionnel proche de celui requis en matière de crime contre l’humanité traduit une adaptation de l’intention à la nature collective de la criminalité. La répression de la simple volonté d’adhésion par le législateur français, en ce que cette dernière renforce le projet collectif et par voie de conséquence son potentiel de nuisance, se justifie par la vocation préventive de l’incrimination d’association de terroristes. Car, la dangerosité provient, non pas de l’intention individuelle, mais du projet collectif. Il en va de même dans le financement du terrorisme dont la simplification est fondée sur une technique différente.

2. La connaissance du projet terroriste : l’élément intentionnel du

financement du terrorisme

279. Une solution souple — Les actes de financement du terrorisme sont en effet

répréhensibles parce qu’ils constituent les actes de participation à une organisation criminelle formée en vue de préparer des actes de terrorisme 690. La répression trouve

son fondement dans le fait que ces actes constituent « un maillon d’une criminalité collective particulièrement redoutée » 691. Il en est de même de la forme de

l’infraction — infraction-obstacle — 692 qui trouve son fondement dans le même fait.

Tel que nous l’avons souligné précédemment, en matière d’association de terroristes, la

690 L’article 421-2-2 considère comme acte de terrorisme une série d’actes perpétrés « en vue de

commettre l’un quelconque des actes de terrorisme prévus au […] chapitre » 1er du titre II du livre

IV.

691 ALIX Julie. Terrorisme et droit pénal : Étude critique des incriminations terroristes, op. cit., p. 292.

692 Le législateur français incrimine l’acte de terrorisme « indépendamment de la survenance

éventuelle » de l’acte matériel. Pour aller plus loin sur la définition de l’infraction-obstacle, voir n° 277.

volonté porte sur la participation à un groupement terroriste dont la réalité doit être démontrée. En matière de financement du terrorisme, le législateur a opté pour une solution encore plus flexible.

280. Un dol général diminué — Conformément à l’article 421-2-2 du Code pénal

français qui constitue une transposition de l’article 2 de la Convention internationale de lutte contre le financement du terrorisme, l’acte de financement du terrorisme est « le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes de terrorisme […], indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte ». Une nouvelle forme de dol figure ainsi désormais dans le Code pénal français. L’élément intentionnel de l’infraction est désormais satisfait dès lors que, soit l’auteur de l’acte de financement a eu l’intention de voir les fonds, valeurs ou autres biens fournis, réunis ou gérés, utilisés pour la préparation ou la commission d’une infraction terroriste, soit il a agi en connaissance de la destination criminelle des biens. Dans la mesure où la connaissance et la volonté ne sont pas cumulatives, mais alternatives, on s’éloigne de la notion de dol général. « Non seulement, le seuil de la répression est abaissé, mais l’équilibre entre la matérialité et la volonté infractionnelle est bouleversé » 693.

281. Adaptation de l’élément intentionnel à la criminalité en droit français —

Nonobstant leurs différences, l’intention de participer à une association de terroristes et l’intention de financer une activité terroriste ont ceci en commun qu’ils intègrent dans leur structure le contexte terroriste dans lequel s’intègre le comportement prohibé. Ces deux criminalités ont également ceci en commun que, non seulement, sur le plan matériel, elles prennent la forme d’infractions-obstacles, mais aussi, la construction de leur intention par référence à un contexte terroriste traduit leur vocation à lutter contre une criminalité globale. Nous nous joignons à une partie de la doctrine 694 pour nous

demander, dès lors que cette forme d’élément intentionnel repose en partie sur une conception globale du terrorisme, si elle ne devrait pas s’étendre à toute infraction composant ce phénomène global. C’est en tout cas dans ce sens que la jurisprudence française interprète la condition de l’article 421-1 du Code pénal : « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

693 ALIX Julie. Terrorisme et droit pénal : Étude critique des incriminations terroristes, op. cit., p. 294. 694 À ALIX Julie notamment (ibid., p. 295).

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