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Le soutien logistique

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 190-194)

Conclusion de la section

L ES ACTES DE PARTICIPATION

B. Une forme de participation en pleine expansion dans l ’incrimination terroriste

1. Le soutien logistique

Soutenir le terrorisme, c’est […] l’approvisionner, mais également détenir, conserver ou profiter de ses produits. 727

305. L’appréhension du soutien logistique au terrorisme par le droit international — Dès 1937, le droit international avait recommandé que certains actes

de soutien matériel au terrorisme soient incriminés. En effet, la Convention de Genève pour la prévention et la répression du terrorisme prévoyait, hormis la nécessité d’incriminer les actions terroristes perpétrées à l’encontre des personnalités officielles ou de leur famille, que soient également incriminés « le fait de fabriquer, de se procurer, de détenir ou de fournir des armes, munitions, produits explosifs ou substances nocives en vue de l’exécution, en quelques pays que ce soit, d’une infraction [terroriste] » 728, mais

aussi « toute aide donnée sciemment en vue de l’accomplissement d’un tel acte » 729. Par

725 Affaire n° ICTR-96-4, Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, § 536-537. 726 Affaire n° ICTR-97-23, Kambanda, jugement du 4 septembre 1998, § 39 vi et xi 727 Alix Julie. Terrorisme et droit pénal : Étude critique des incriminations terroristes, op. cit., p. 120.

728 Article 2-5° de la Convention pour la prévention et la répression du terrorisme, Genève,

16 novembre 1937.

729 Article 3-5° de la Convention pour la prévention et la répression du terrorisme. Cette disposition

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ailleurs, la même Convention imposait dans son article 14, la répression de la falsification ou altération de documents, de la détention, de la fourniture ou de l’introduction dans un pays, de faux documents, ainsi que de leur usage.

La question du soutien logistique au terrorisme n’a donc jamais été ignorée par le droit international. Cependant, après l’échec de la Convention de Genève, seule la Convention sur la protection physique des matières nucléaires 730 a prévu l’incrimination

de certains actes préparatoires au terrorisme nucléaire. Outre l’utilisation des matières nucléaires qui constitue une action terroriste, elle invite les États à incriminer tous les moyens de se procurer lesdites matières 731. Il s’agit notamment du recel 732, de la

détention, de la cession, du vol, du détournement de matières nucléaires, du fait d’exiger de telles matières par la menace, la force ou l’intimidation, ou encore la menace de voler ces matières dans le but de contraindre une personne physique ou morale, une organisation internationale ou un État, à agir ou à s’abstenir. La Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire poursuivra la même démarche 733. Toutefois, les conventions postérieures en matière de lutte contre le

terrorisme n’iront pas dans la même mouvance, se contentant, pour la majorité, d’imposer aux États l’incrimination des actes en eux-mêmes constitutifs d’une action terroriste.

306. Le droit de l’Union européenne — La Décision-cadre de l’Union européenne

relative à la lutte contre le terrorisme impose la répression de certaines « infractions liées aux activités terroristes » 734. Il s’agit notamment du vol aggravé, du chantage et de

l’établissement de faux documents administratifs en vue de réaliser l’un des comportements énumérés à la Décision-cadre. Cependant, la Décision-cadre n’impose pas aux États de qualifier de tels comportements de terroristes. Il est seulement fait

730 Vienne, 26 octobre 1979. Cette Convention fit l’objet d’un Amendement signé à Vienne le 8 juillet

2005.

731 Article 7-1 de la Convention.

732 L’article 421-1-5° du CP français érige en infraction « le recel du produit de l’une des infractions

prévues aux 1° à 4°». Le recel devient ainsi le dénominateur commun de tous les actes qui précèdent, du moment qu’il porte sur le ou les produits qui en sont résultés. Ceci a pour résultat de prolonger le caractère terroriste d’une action au-delà de ses manifestations immédiates. Les retombées de cette action se suivront jusque dans le comportement de ceux qui participent par assistance postérieure. Il faut toutefois que deux conditions d’ordre psychologiques soient remplies pour que l’infraction soit qualifiée d’acte de terrorisme. Non seulement, l’auteur du recel doit avoir pris connaissance de l’origine infractionnelle de l’objet recelé, mais encore il doit savoir que l’infraction commise constituait un acte de terrorisme, et qu’il en détenait le produit dans le but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Ce n’est que lorsque ces conditions d’ordre psychologique s’ajoutent à la matérialité du recel que celui-ci peut recevoir la qualification d’acte de terrorisme

733 Article 2 de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire,

New York, 13 avril 2005.

obligation aux États de souligner le lien entre ces comportements et les activités terroristes et de ne pas les laisser impunis. C’est donc le lien de connexité de ces comportements avec une infraction pénale qui fonde leur appréhension par le droit pénal. Il en va différemment en droit français.

307. Appréhension large en droit français — En droit français, la méthode

d’incrimination utilisée par le législateur dans le domaine du soutien logistique au terrorisme est celle de renvoi à des incriminations de droit commun, autrement dit, d’incrimination par dérivation. La répression du soutien logistique au terrorisme prend la forme de l’extension de la qualification terroriste à tout comportement de fourniture de moyens susceptible d’être employé dans le cadre d’une action terroriste. Un tel comportement peut se situer aussi bien dans la préparation de l’action terroriste que dans sa perpétration et, même postérieurement, quand il s’agit de tirer profit d’un acte quelconque de terrorisme ou bien, de protéger un individu des poursuites judiciaires par la fourniture d’un local ou de faux documents d’identité. Ce dernier comportement qui s’assimile à une sorte de recel de malfaiteurs est à mi-chemin entre le soutien logistique et le soutien humain au terrorisme. À notre avis, parce qu’il porte directement sur la personne humaine, il est davantage constitutif du soutien humain, c’est la raison pour laquelle nous l’avons évoqué précédemment 735.

308. Les innovations de la loi du 22 juillet 1996 — En 1992, l’article 421-1 du Code

pénal, dans sa rédaction finale, au titre de soutien logistique au terrorisme, s’est contenté d’incriminer les vols, les extorsions, ainsi que certains comportements liés à l’approvisionnement en armes. Tout en respectant les limites implicites que s’était fixé le législateur en 1992 — procéder par renvoi sur le fondement d’incrimination de droit commun —, la loi du 22 juillet 1996 a étendu la liste des incriminations du soutien logistique au terrorisme. Elle y a ajouté les faux 736 ; mais également « le recel du produit

de l’une des infractions prévues aux 1° à 4° ».

309. L’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger, un acte de soutien logistique au terrorisme ? — Dans un souci d’exhaustivité dans la

répression de l’approvisionnement logistique du terrorisme, le législateur avait même, en 1996, étendu la qualification terroriste à certains comportements d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France 737. Au travers de cette

735 Voir le B du § 1 de la présente section.

736 Articles 441-2 à 441-5 CP auxquels renvoie l’article 421-1, 3° CP. Sont exclus l’obtention indue de

documents administratifs (article 441-6) ; l’établissement ou l’usage d’attestations ou certificats inexacts (article 441-7).

737 Comportement incriminé par l’article 21 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative

aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France (actuel article L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ; ce dernier dispose : « toute personne qui aura,

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incrimination, le législateur avait pour but de combattre les racines du terrorisme transnational en le privant de sa logistique « locale », c’est-à-dire de l’assistance et de la prise en charge matérielle ou financière que les réseaux d’accueil pourraient assurer aux terroristes sur le territoire français. Cette incrimination, qui tendait somme toute à instaurer un « recel de terroristes étrangers » dématérialisé, fut censurée par le Conseil constitutionnel, comme résultant d’une appréciation évidemment disproportionnée de la nécessité d’une telle incrimination 738.

310. Les conséquences de l’incrimination par renvoi — La technique de

l’incrimination par renvoi utilisée par le législateur français a pour effet l’intégration immédiate, dans le champ de l’incrimination terroriste, de toute nouvelle incrimination rajoutée à l’une des parties du Code pénal visée par l’article 421-1. Le champ de l’incrimination terroriste, notamment de soutien au terrorisme, se trouve ainsi influencé par les modifications du Code pénal. Aussi, l’introduction dans le Code pénal d’infractions tendant à la prévention de la cybercriminalité, par les lois du 9 mars et du 21 juin 2004 739, a-t-elle eu pour effet l’intégration automatique desdites infractions dans

le domaine de l’incrimination terroriste. Ont ainsi enrichi le corpus des incriminations terroristes, les incriminations tendant à réprimer la diffusion de procédés de fabrication d’engins de destruction 740 ; ainsi que l’approvisionnement en équipements,

programmes, logiciels informatiques ou toute donnée susceptibles d’être utilisés aux fins du cyberterrorisme 741.

311. Si dans le cadre de la lutte contre le soutien logistique au terrorisme, le législateur

français s’est contenté d’étendre la qualification terroriste des moyens du terrorisme à des infractions de droit commun préexistantes, la lutte contre le financement du terrorisme qui est l’autre volet du soutien matériel au terrorisme a, quant à elle, donné lieu à d’autres innovations répressives.

par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 euros ».

738 Le Conseil a considéré que, « à la différence des infractions énumérées à l’article 421-1 du Code

pénal, l’article 21 incrimine non pas des actes matériels directement attentatoires à la sécurité des biens ou des personnes mais un simple comportement d’aide directe ou indirecte à des personnes en situation irrégulière ; que ce comportement n’est pas en relation immédiate avec la commission de l’acte terroriste ; qu’au demeurant lorsque cette relation apparaît, ce comportement peut entrer dans le champ de la répression de la complicité des actes de terrorisme, du recel de criminel et de la participation à une association de malfaiteurs prévue par ailleurs ». Cons. Const., n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, 8e considérant.

739 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité,

JORF n° 59 du 22 juin 2004, p. 4567 ; loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans

l’économie numérique, JORF n°0143 du 22 juin 2004, p. 11168.

740 Article 322-6-1, issu de la loi du 9 mars 2004, auquel renvoie l’article 421-1, 2° CP. 741 Article 323-3-1, issu de la loi du 21 juin 2004, auquel renvoie l’article 421-1, 2° CP.

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