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Le moment de la commission du crime contre l’humanité — La Loi n° 10 du

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 38-40)

B. L E CRIME CONTRE L ’ HUMANITÉ

34. Le moment de la commission du crime contre l’humanité — La Loi n° 10 du

Conseil de contrôle allié donnera son autonomie au crime contre l’humanité en le détachant du contexte de guerre. Autrement dit, cette loi supprime le lien de connexité exigé à Nuremberg entre le crime contre l’humanité et les crimes de guerre et ceux contre la paix. Le projet de Code de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de 1954 ira dans le même sens. La Convention sur le génocide de 1948 ne contenait plus non plus le lien à l’état de belligérance. La Convention sur l’apartheid entérinera la

Nuremberg a enrichi la notion de crime contre l’humanité en introduisant l’emprisonnement, la torture et le viol parmi ses éléments constitutifs.

140 « Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid », adoptée par la

résolution 3068 (XXVIII) de l’Assemblée générale de l’ONU, 30 novembre 1973.

141 Le Statut du TPIY créé par la résolution S/RES/827 (1993) du 25 mai 1994, dans son article 5,

élargit l’élément matériel du crime contre l’humanité en y incluant l’expulsion. Par ailleurs, le Statut du TPIY écarte visiblement la condition discriminatoire de l’incrimination lorsqu’il exige sans autre précision que les actes soient « dirigés contre une population civile quelle qu’elle soit » (c’est nous qui soulignons).

L’article 3 du Statut du TPIR créé par la résolution S/RES/955 (1994) du 8 novembre 1994 reprend à la lettre l’élément matériel du crime contre l’humanité tel que défini à l’article 5 du Statut du TPIY. Mais contrairement à ce dernier, l’article 3 du Statut du TPIR accorde au crime contre l’humanité

toute son autonomie par rapport aux crimes de guerre (voir le § suivant). En outre, il vient rappeler que

le crime contre l’humanité est par définition discriminatoire, lorsqu’il exige que l’élément matériel du crime s’inscrive dans le contexte d’une « attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou

religieuse » (c’est nous qui soulignons).

142 L’inclusion des disparitions forcées de personnes et du crime d’apartheid constituent des

innovations apportées par cet article.

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volonté de la communauté internationale d’accorder son autonomie au crime contre l’humanité. Pourtant, le Statut du TPIY maintient contre toute attente le lien de connexité entre le crime contre l’humanité et le crime de guerre lorsqu’il exige que les crimes qu’il définit soient « commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne » 144. Les statuts du TPIR et de la CPI, quant à eux,

réaffirmeront l’autonomie du crime contre l’humanité. Une autre interrogation qui participe de l’opacité de la notion de crime contre l’humanité est celle relative au sens à donner au mot "humanité".

35. Le sens du mot "humanité" dans la notion de crime contre l’humanité — Les

approches de la notion varient du fait même du terme d’« humanité ». Aussi, certaines analyses s’attachent-elles au sens collectif de la notion, en considérant que, si le crime contre l’humanité passe nécessairement par l’atteinte à un individu, sa prohibition a plus vocation à protéger le genre humain, la collectivité entière 145, en ses valeurs 146, son

unicité ou son intégrité. Ce dernier aspect ressort de manière proéminente dans le génocide. L’Assemblée générale de l’ONU, dans ce sens, a affirmé, qu’au travers du génocide, l’intégrité de l’humanité est remise en cause parce qu’il « inflige de grandes pertes à l’humanité, qui se trouve ainsi privée des apports culturels ou autres de ses groupes » 147.

D’autres interprétations se veulent plus subjectives. C’est ainsi que certains voient dans le crime contre l’humanité une négation de l’humanité de la victime 148, de sa

dignité d’être humain 149. Cette conception recouvre le crime d’apartheid, crime qui tend

à atteindre la dignité humaine, à nier la qualité d’être humain à un groupe d’individus, en leur refusant les droits inhérents à toute personne. Bien d’autres voient dans le crime

144 Article 5 du Statut.

145 Notons que c’est cette interprétation qui prédominait à Nuremberg, lorsque le procureur général

Jackson affirme : « The real complaining party at your bar is Civilization » « la principale plaignante à votre barre c’est la civilisation ». Voir Nuremberg Trial Proceedings, Volume 2, second day, Wednesday, 21 November 1945, p. 154. Disponible sur :

http://www.yale.edu/lawweb/avalon/imt/proc/11-21-45.htm (consulté le 17 février 2014).

146 ACDI, 1989, vol. II, 2e partie, p. 64, § 151 : « les crimes contre l’humanité étaient donc des crimes

dirigés contre le genre humain dans son ensemble, et qui mettaient en cause les valeurs essentielles de la

civilisation humaine ». ACDI, 1989, vol. II, 2e partie, § 152 et 153 : « dans l’expression "crimes contre

l’humanité", le mot "humanité" ne [signifie] ni philanthropie, ni humanisme en tant qu’expression d’une forme de culture, mais [désigne] plutôt des valeurs et des principes de civilisation. Dans ce sens, l’expression "crimes contre l’humanité"[vise] la protection de l’humanité contre la barbarie ».

147 96 (I). « Le crime de génocide », 11 décembre 1946, p. 189.

148 FROSSARD André affirme dans ce sens : « il y a crime contre l’humanité quand l’humanité de la

victime est niée, en clair et sans appel » (Le crime contre l’humanité. Paris : R. Laffont, 1987, p. 98).

149 Dans cette optique, ARONEANU Eugène (Le crime contre l’humanité, op. cit., p. 49, note 1) avait annoncé

sa préférence pour la notion de crimes contre la personne humaine, pour souligner l’aspect individuel du crime. Il s’agit là d’une interprétation subjective de la notion d’humanité.

contre l’humanité « une cruauté envers l’existence », cruauté qui viendrait rompre le lien entre l’individu et le genre humain. Cette analyse qui fait de la notion un instrument de protection de l’individu est celle qui sous-tend les tentatives récentes d’extension de la notion à toutes les violations massives des droits de l’homme, y compris aux actes de terrorisme.

Toutes ces approches peuvent ne pas s’exclure, parce que le crime contre l’humanité cause indéniablement un préjudice aussi bien à l’individu qu’à l’humanité toute entière. La spécificité de la notion dont le génocide constitue une des manifestations pour certains et un crime à part entière pour d’autres réside dans le préjudice unique qu’elle recouvre, la négation, à une catégorie de personnes, de l’égale appartenance à la famille humaine.

36. Le génocide, une forme de crime contre l’humanité ou un crime

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