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La personne étatique, une priorité en voie d’extinction ?

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 145-147)

Conclusion de la section

L A SPÉCIFICITÉ DU TERRORISME

B. Les comportements visant la sécurité

1. La personne étatique, une priorité en voie d’extinction ?

215. Le domaine aérien — Nonobstant une répétition des actes de violence à

motivation politique touchant l’aviation civile depuis la fin des années cinquante, la communauté internationale s’est toujours refusée à lier ces actes à la notion de terrorisme, notamment en raison de l’impossibilité à parvenir à toute forme de consensus dans la définition de ce type de violence. La sûreté aérienne a donc reposé durant les cinquante dernières années sur des conventions internationales 582 qui ne

mentionnaient pas expressément la notion de terrorisme 583. Toutefois, il est un acquis

aujourd’hui que lesdites conventions s’appliquent aux actes de terrorisme aérien 584. « La

première intention du droit de Chicago était de faire en sorte que les espaces aériens soient conservés souverains, en ce qui concerne tant leur accessibilité que leur usage. Cette perspective s’explique par la crainte représentée par l’aviation pour la sûreté de

580 Pour approfondir l’étude de la Convention internationale de 2005, lire LABORDE Jean-Paul. « Une

nouvelle convention internationale contre le terrorisme : la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire texte intégral en français, anglais et espagnol introduction des éléments principaux de la convention ». RDIP, 2005/3-4, vol. 76, p. 447-452.

581 Le Groupe de travail de la CTITF (équipe spéciale de lutte antiterroriste créée par le Secrétaire

général en 2005) sur la prévention des attentats au moyen d’armes de destruction massive et la réaction en cas d’attentat a été créé pour assurer entre les entités de l’ONU et les organisations internationales concernées un meilleur échange d’informations et de connaissances relatives à la réponse à prévoir aux attentats terroristes utilisant des armes de destruction massive.

582 Celles-ci ont été élaborées sous l’égide de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Créée par la Convention relative à l’aviation civile internationale du 7 décembre 1944 dite Convention de Chicago, l’OACI devient en 1947 une agence spécialisée des Nations unies. Ce n’est qu’à partir de 1963 que celle-ci servira de cadre à l’élaboration de conventions pénales visant à harmoniser la coopération judiciaire dans la répression des actes illicites commis à l’encontre de l’activité aérienne.

583 Pas plus que celles qui l’ont précédée, la Convention de 2010 sur la répression des actes illicites

dirigés contre l’aviation civile internationale n’évoque de manière expresse la notion de terrorisme.

584 Voir notamment les articles 1-b de la Convention internationale de 1963 ; 1-1b, 1-1c, 1-1d et 1-1e de

l’État » 585. La sûreté des États parties, au détriment de la sécurité de la personne

humaine en tant que telle, constitue dans ces conditions la priorité première des conventions, y compris celles relatives au domaine maritime.

216. Le secteur maritime — Dans la même optique qu’en matière de terrorisme aérien,

la sûreté des États parties constituent la ratio legis des textes internationaux qui s’appliquent actuellement aux actes de terrorisme maritime 586. L’acte de terrorisme

maritime, forme de violence dans le domaine maritime, à côté de la piraterie 587, vise

l’ordre établi. Tout comme l’acte de terrorisme aérien, son but est politique. Si les organisations terroristes actives ayant annoncé, préparé ou exécuté des actes de terrorisme maritime sont relativement peu nombreuses, il n’en demeure pas moins que cette manifestation du terrorisme recèle quelques précédents historiques 588, d’où son

incrimination au même titre que le terrorisme aérien.

217. Les incriminations — Sur le plan aérien, la Convention internationale de 1963

relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs s’applique, entre autres, aux actes de nature à affecter la sécurité pendant les vols. La Convention internationale de 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile érige en infraction le fait de placer un dispositif explosif dans un avion. En matière maritime, la Convention internationale de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime érige en infraction le fait de placer un dispositif de destruction ou une substance à bord d’un navire et autres actes contre la sécurité des navires. Le terrorisme maritime s’exerce aussi bien contre les navires et les infrastructures portuaires, touristiques ou industrielles que les bâtiments de

585 GRARD Loïc. « Le droit et l’exercice de la souveraineté dans l’espace aérien ». Penser les Ailes

françaises, juin 2006, n° 10, p. 26. Disponible sur :

http://www.cesa.air.defense.gouv.fr/IMG/pdf/PLAF_No10_M._Grard.pdf (consulté le 17 février 2014).

586 Lire les articles 3-1c, 3-1d, 3-1e et 3-1f de la Convention internationale de 1988 signée le 10 mars

1988 à Rome.

587 Aux termes de l’article 101-a i) de la Convention des Nations unies du 10 décembre 1982 sur le

droit de la mer dite Convention de Montego Bay, ce comportement est constitué par « tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l’équipage ou des passagers d’un navire ou d’un aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer ». L’acte de terrorisme maritime et l’acte de piraterie constituent ainsi deux infractions distinctes, bien que commises à un endroit qui leur est commun, la haute mer. Pour aller plus loin, lire SARTRE Patrice. « La piraterie en mer ». Études 3/2009 (tome 410), p. 295-304. Disponible sur : www.cairn.info/revue-etudes-2009-3- page-295.htm (consulté le 17 février 2014).

588 Citons à titre d’illustration l’attaque contre le destroyer américain USS Cole le 12 octobre 2000 à

Aden, au Yémen, attaque au canot piégé qui avait tué 17 membres d’équipage du navire de guerre américain. Abd al Rahim al Nachiri, ressortissant saoudien d’origine yéménite, est accusé d’avoir été le cerveau de cet acte, mais aussi d’une attaque similaire contre le pétrolier français Limburg le 6 octobre 2002, au large des côtes yéménites, qui avait fait un mort.

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guerre auxquels leur puissance de feu et leur statut juridique confèrent le caractère de cibles emblématiques.

218. De cibles potentielles à des armes par destination — Il ressort de ce qui précède

que les infrastructures étaient appréhendées par les conventions internationales comme des cibles éventuelles d’actes de terrorisme. Cependant, la donne a changé au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ; du statut de cibles, les moyens de transport sont passés à celui d’instruments pouvant être utilisées pour perpétrer des attentats terroristes. Après la catastrophe aérienne terroriste la plus grave que le monde ait jamais connu, l’avion est passé du statut de cible en tant que moyen de transport, à celui d’arme par destination, il est ainsi désormais utilisé pour causer des dommages dévastateurs, à l’instar de ceux subis par les États-Unis d’Amérique. Il se pose alors la question de la remise en cause du principe de protection des aéronefs civils 589. L’usage des navires à

des fins de destruction massive pourrait susciter la même interrogation. Bien que l’on n’ait pas encore eu à faire face à un attentat du même type que celui du 11 septembre 2001 en matière maritime, un scénario du même genre est à redouter dans ce domaine. De nombreux responsables et experts en sécurité redoutent, à juste titre, que des terroristes liés à Al-Qaïda tentent de couler, incendier ou faire exploser un pétrolier géant chargé de matériaux inflammables en un endroit important pour la navigation internationale, ou de remplir un navire d’explosifs, de l’amener dans le port d’une grande ville et de commettre un attentat entraînant un maximum de terreur, de pertes et de dégâts.

219. Priorité des conventions internationales quant à sa sécurité, l’État semble passer

progressivement le flambeau à la personne humaine dont la sécurité en tant qu’individu occupe une place de plus en plus importante sur la scène internationale, bien que cette évolution conceptuelle n’ait pas encore entraîné une réelle transformation normative.

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 145-147)

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