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La moindre gravité possible des actes de terrorisme

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 80-83)

L A VALEUR JURIDIQUE COMMUNE AUX DEUX INCRIMINATIONS : LA PERSONNE HUMAINE

B. La moindre gravité possible des actes de terrorisme

88. Les actes graves constitutifs de terrorisme — L’incrimination terroriste vise

également des atteintes graves à l’intégrité de la personne. Il s’agit des blessures graves 300. Sur ce point, l’article 7-1a de la Convention de 1979 sur la protection

294 Jugement Akayesu, § 597. Tel que nous pourrons le constater plus loin, cette stratégie est amplement

utilisée par les terroristes, mais à des fins bien différentes de celle de nettoyage ethnique réservé au seul crime contre l’humanité.

295 Nous rejoignons sur ce point le Conseil de sécurité de l’ONU lorsqu’il soutient que « la violence

sexuelle [est] utilisée comme arme de guerre pour […] disperser ou réinstaller de force les membres civils d’une communauté ou d’un groupe ethnique » (S/RES/1820 (2008), 19 juin 2008).

296 L’expression nettoyage ethnique, traduction littérale des termes serbo-croates etnicko ciscenje

(Encyclopédie universalis), a été très fréquemment utilisée dans les années 1990 afin de décrire le traitement brutal dont furent victimes divers groupes de civils lors des conflits qui accompagnèrent la désintégration de la république fédérale de Yougoslavie. Cependant, l’apparition des concepts liés à la purification fut bien antérieure à ce conflit (pour aller plus loin, voir sur ce point ROSIÈRE

Stéphane. Le nettoyage ethnique : terreur et peuplement. Paris, Ellipses, 2006, p. 29 et suiv.). Le conflit bosniaque a tout simplement eu pour effet de cristalliser cette formule. D’aucuns utilisent les expressions purification ethnique ou épuration ethnique comme lui étant synonymes.

297 Sur ce point, l’arrêt Akayesu (1er juin 2001) peut être considéré comme le plus « révolutionnaire »

dans l’histoire de la jurisprudence internationale en termes de violences sexuelles car, pour la première fois, le viol a été explicitement reconnu par les juges comme un instrument de génocide.

298 La différence entre les deux notions réside dans le fait que, « si le génocide a pour finalité un peuple,

le nettoyage ethnique a pour finalité un territoire. Le « nettoyage » se distingue du génocide parce que l’extermination d’un groupe est un moyen éventuel, mais pas le but de ce processus. L’objectif ultime d’un « nettoyage » ethnique est la transformation du peuplement d’un territoire […] pas d’éradiquer un groupe en tant que tel » (ROSIÈRE Stéphane. Le nettoyage ethnique : terreur et peuplement,

op. cit., p. 6).

299 L’article 7-2f du Statut de la CPI les définit comme : « la détention illégale d’une femme mise

enceinte de force, dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres violations graves du droit international. ». Il est à noter que c’est la seule violence sexuelle définie par le Statut.

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physique des matières nucléaires « incrimine le fait de commettre intentionnellement […] le recel, la détention, l’utilisation, la cession, l’altération, l’aliénation ou la dispersion des matières nucléaires […] et entrainant ou pouvant entraîner […] des blessures graves pour autrui ». De même, l’article II-1 du Protocole de 1988 à la Convention internationale de 1971 ajoute à l’article 1er de la Convention le nouveau paragraphe 1 bis qui dispose : « commet une infraction pénale toute personne qui, illicitement et intentionnellement […] accomplit à l’encontre d’une personne, dans un aéroport servant à l’aviation civile internationale, un acte de violence qui cause ou est de nature à causer des blessures graves ». Dans la même optique, l’article 2-1b de la Convention internationale de 1999 pour la répression du financement du terrorisme dispose : « commet une infraction […] toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre […] tout acte destiné à […] blesser grièvement un civil ou tout autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé ». L’article 1-2a de la Convention de 2010 sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale va dans le même sens en incriminant « un acte de violence qui cause ou est de nature à causer des blessures graves ».

Par ailleurs, l’incrimination terroriste vise des dommages corporels graves 301. Sur ce

point, l’article 2-1a de la Convention de 1997 dispose : « commet une infraction pénale […] toute personne qui illicitement et intentionnellement livre, pose, ou fait exploser ou détonner un engin explosif ou autre engin meurtrier […] dans l’intention de provoquer […] des dommages corporels graves ». Dans le même sens, l’article 2-1a i) de la Convention internationale de 2005 dispose : « 1. commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui, illicitement et intentionnellement : a) détient des matières radioactives, fabrique ou détient un engin : i) dans l’intention de […] causer des

dommages corporels graves [à une personne] ». L’article 2-1b i) de la même Convention

incrimine le fait d’« [employer] de quelque manière que ce soit des matières ou engins radioactifs, ou [d’utiliser] ou [d’endommager] une installation nucléaire de façon à libérer ou risquer de libérer des matières radioactives i) dans l’intention de causer des dommages

corporels graves [à une personne] ». Les articles 1-1f, 1-1g, 1-1h, 1-1h (i) 1 de la Convention

de 2010 sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale saisissent également les dommages corporels graves.

Les graves préjudices physiques sont également visés par l’incrimination terroriste. À titre d’illustration, l’article 1-1b de la Convention de Shanghai du 15 juin 2001 considère

comme acte de terrorisme tout autre acte destiné à porter un grave préjudice physique à un civil.

S’il est certain que les dommages corporels graves et les graves préjudices physiques ne constituent que des atteintes à l’intégrité physique de la personne humaine, un doute subsiste quant à la volonté des États-parties de faire rentrer les atteintes à l’intégrité mentale de ladite personne dans des blessures graves. Une telle volonté existe sans doute ; les blessures renvoyant, d’une part, à des lésions produites en un point quelconque du corps par un choc, un coup, une arme ou un corps dur quelconque — atteintes à l’intégrité physique —, et d’autre part, à des atteintes mentales profondes et douloureuses — atteintes à l’intégrité mentale — 302. Toutefois, l’absence de définition

de ces actes de terrorisme par les textes d’incrimination ne nous permet pas de lever entièrement le doute. Par ailleurs, en marge des expressions « particulière gravité », « cruels et perfides » très souvent accolées aux actes de terrorisme, certains textes incriminant les actes de terrorisme ne font aucune référence expresse à la gravité des comportements incriminés.

89. L’omission volontaire du mot grave dans certains textes de définition — Eu

égard au fait que « tout acte de terrorisme international constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales » 303, le droit international a organisé la lutte contre le

terrorisme autour de la répression de la violence terroriste dans ses manifestations les plus odieuses. Cependant, l’incrimination terroriste, telle qu’appréhendée par certains droits régionaux et internes, outre les atteintes graves à l’intégrité physique et/ou mentale, recouvre également des actes de gravité moindre. Contrairement aux textes de définition évoqués précédemment et visant expressément les atteintes graves, ceux visant d’autres atteintes omettent volontairement le mot grave ou son équivalent.

En droit régional, l’on pourrait faire la distinction selon que l’acte porte atteinte à l’intégrité de la personne 304, ou qu’il porte atteinte à l’intégrité physique de la

personne 305. Dans la première hypothèse, il n’est pas fait mention de la nature de

l’intégrité protégée. L’incrimination pourrait ainsi recouvrir, soit l’atteinte à l’intégrité

302 Source : Larousse en ligne.

303 S/RES/731 (1992) du 21 janvier 1992 ; S/RES/1373 (2001) du 28 septembre 2001. Le terrorisme

est même qualifié de « l’une des plus graves menaces contre la paix et la sécurité » internationales depuis la résolution 1535 (2004) du 26 mars 2004 portant création de la Direction du Comité contre le terrorisme.

304 L’article 1 de la Convention de l’OEA de 1971 vise les attentats contre l’intégrité des personnes. 305 L’article 1-3a de la Convention de l’OUA du 14 juillet 1999 considère comme acte de terrorisme

tout acte ou menace d’acte susceptible de mettre en danger l’intégrité physique ; l’article 1-2a de la Convention du 7 février 2005 entre les États membres du Comité des chefs de police de l’Afrique centrale incrimine tout acte ou menace susceptible de mettre en danger l’intégrité physique.

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physique, soit celle à l’intégrité mentale, voire les deux. Dans la seconde hypothèse, l’incrimination exclut explicitement l’atteinte à l’intégrité mentale.

En droit français, il y a une politique criminelle actuelle qui tend à élargir le champ de l’incrimination terroriste aux actes de moindre gravité. Faisant référence à cet état de choses, la doctrine parle de « l’élargissement vertical de l’action terroriste » 306.

Soulignons à la suite de nos prédécesseurs que, dorénavant, ce sont toutes les atteintes à l’intégrité physique des personnes, incriminées par le livre II du Code pénal français qui sont susceptibles de qualification terroriste, qu’elles soient simples ou aggravées, et quelle que soit leur gravité. L’illustration topique d’un tel élargissement est celle du délit d’embuscade 307 qui constitue une infraction terroriste potentielle. Celui-ci est

consommé par l’acte d’« attendre » une personne dépositaire de l’autorité publique dans le but de commettre à son encontre des violences avec usage ou menace d’une arme.

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 80-83)

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