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Un moyen caractéristique du crime contre l ’humanité : la réduction en esclavage

Dans le document Crime contre l'humanité et terrorisme (Page 93-96)

Conclusion de la section

347 F RANCE M INISTÈRE DE L ’I NTÉRIEUR D IRECTION GÉNÉRALE DE LA P OLICE NATIONALE

A. Un moyen caractéristique du crime contre l ’humanité : la réduction en esclavage

113. De la prohibition générale… — D’une simple condamnation morale, l’esclavage

fit progressivement l’objet d’une prohibition réelle et efficace, avant d’être incriminé en

348 ASSOCIATION HENRI CAPITANT. Vocabulaire juridique. 9e édition. Paris : Puf, 2011, p. 718.

349 Ibid, p. 636. Il convient de souligner que, mise à part l’incrimination terroriste, l’auteur de la prise

d’otage pourrait également se servir de l’otage « soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité de l’auteur ou du complice d’un crime ou d’un délit » (article 224-4 du Code pénal français).

350 Voir infra B du § II de la section II du chapitre II du titre II de la seconde partie.

351 L’on pourrait en effet distinguer « trois groupes de prises d’otages, politiques [en font partie ceux

commis par les terroristes], de temps de guerre et de droit commun » (INSTITUT DE CRIMINOLOGIE DE PARIS(journées d’études). Aspects sociologiques de la délinquance avec prise d’otages, op. cit., p. 11 du

chapitre 1er). La prise d’otage de droit commun, à l’instar de bons nombre d’enlèvements, a un

mobile lucratif. Il est constitué par le kidnapping ou par le rapt.

352 À la suite de MONTREUIL Jean (La prise d’otages : conférence. Saint-Cyr-au-Mont-d’Or : École Nationale

Supérieure de Police, 1973, p. 9), nous distinguons la prise d’otages préméditée de celle incidente. La prise d’otages politique ou à mobile politique fait partie de la première catégorie.

droit international. Au-delà de simples décisions nationales unilatérales, l’interdit de l’esclavage fut consacré par un nombre important de conventions internationales 353.

Étant alors reconnu comme une transgression internationale, l’idée d’une condamnation pénale s’imposa.

114. …À la condamnation pénale — En 1945, c’est parce que l’esclavage était

totalement interdit et que sa gravité était incontestable, que le Statut du TMI de Nuremberg considéra la réduction en esclavage comme un acte inhumain constitutif de crime contre l’humanité. L’incrimination de la réduction en esclavage par tous les textes qui définissent 354 la notion traduit sa présence systématique dans les politiques mises en

place par les criminels contre l’humanité. Dans la même visée répressive, certains droit internes ont récemment reconnu cette pratique déshumanisante comme un crime contre l’humanité 355. En effet, « l’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel

s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux » 356. Il consiste

donc à « soumettre, ou à maintenir, une personne à l’état d’esclave, de servitude, au travail forcé » 357.

115. La manifestation la plus courante : le travail forcé — Dans la pratique,

l’esclavage peut prendre plusieurs formes 358. Mais le travail forcé reste la forme sous

laquelle il est effectivement condamné 359. Cependant, toutes les formes de travail forcé

353 79 instruments internationaux traitèrent de l’esclavage, de son commerce et de ses pratiques. 354 Article 6c du Statut du TMI de Nuremberg, 5c du Statut de Tokyo, 5c du Statut du TPIY, 3c du

Statut du TPIR, 7-1c du Statut de la CPI.

355 Voir notamment la loi n°2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de

l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, JORF n° 0119 du 23 mai 2001, p. 8175.

356 Article 1-1 de la Convention relative à l’esclavage, 25 septembre 1926. Disponible sur :

http://www2.ohchr.org/french/law/esclavage.htm. Malgré l’existence de quelques traités plus

anciens, la première définition de l’esclavage contenue dans un accord international est celle figurant dans cette Convention. Celle-ci fut développée par la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage, 7 septembre 1956. La première condamnation de cette pratique quant à elle eut lieu dans la déclaration relative à l’abolition universelle de la traite des esclaves, 8 février 1815. Soulignons que cette convention fit l’objet d’un protocole approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 794(VIII) du 23 octobre 1953 (entrée en vigueur le 7 décembre 1953). Disponible sur :

http://www2.ohchr.org/french/law/esclavage_prot.htm (consulté le 17 février 2014).

357 JUROVICS Yann. Réflexions sur la spécificité du crime contre l’humanité, op. cit., p. 53.

358 Servage, servitude pour dette ou travail servile, la traite des êtres humains, la prostitution forcée,

l’esclavage sexuel, le mariage forcé et vente de femmes en vue du mariage, etc. Il s’agit là des formes d’esclavage et des pratiques analogues à l’esclavage énumérées et définies par le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dans ses publications thématiques : « Abolir l’esclavage et ses formes contemporaines ». HR/PUB/02/4, New York et Genève 2002. Disponible sur :

http://www.ohchr.org/documents/publications/slaveryfr.pdf (consulté le 17 février 2014).

359 Au cours de la seconde guerre mondiale, le travail forcé a été imposé dans tous les pays occupés

sous diverses formes. Ainsi, le jugement de Nuremberg consacra un chapitre spécifique à la politique nazie esclavagiste de travaux forcés (voir l’URL

http://avalon.law.yale.edu/imt/judwarcr.asp#slave). Mais l’incrimination n’y fut fondée que sur

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ne sont pas constitutives de réduction en esclavage constitutive elle-même de crime contre l’humanité, car elles ne poursuivent pas systématiquement la déshumanisation des victimes.

116. L’extension aux autres manifestations — Au-delà de l’extension déjà acquise au

travail forcé dans les conditions inhumaines, le droit international poursuit cette tendance d’extension de la notion pour incriminer toutes les pratiques ressemblant à la réduction en esclavage. Ainsi, le rapport du Comité préparatoire pour la création de la CPI révèle que certaines délégations souhaitaient que l’incrimination soit expressément étendue et cite « les pratiques assimilables à l’esclavage et le travail forcé, ou la soumission de personnes à un régime d’esclavage, de servitude ou de travail forcé ou leur maintien dans un tel régime » 360. Un tel souhait a été pris en compte dans la

rédaction finale du Statut de la Cour qui a étendu l’incrimination à la traite des êtres humains. Cet acte n’ayant pas été expressément défini par le Statut, il reviendra à la jurisprudence de le caractériser.

117. Des conséquences au-delà de la privation de liberté physique — La réduction

en esclavage, loin d’aboutir à la seule privation de liberté physique, est une négation de la dignité des victimes voire de leur existence si les conditions de l’esclavage sont physiquement rudes. Alors que l’esclavagiste considère les esclaves comme sa propriété dont il faut préserver la valeur marchande, les Juifs dans les camps nazis constituaient une communauté avilie par leurs bourreaux et vouée à l’extermination. La volonté de tuer après déshumanisation précède ainsi la réduction en esclavage, la privation de liberté n’étant qu’un moyen en vue d’une fin précise. Dans ce genre de crime, le bourreau cherche dans un premier temps à s’approprier sa victime qui, à ses yeux, n’apparaît plus que comme un objet appropriable ; il cherche ensuite à lui ôter ce qui fait de lui un homme ; et enfin il cherche à l’éliminer de la communauté humaine du fait même de son appartenance à un groupe visé. Une telle logique, différente de celle dont procède le terroriste, ne peut que s’inscrire dans une politique ayant pour finalité de nier la condition humaine à certaines personnes.

360 Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une Cour criminelle internationale, vol. 1, in

« Travaux du Comité préparatoire en mars-avril et août 1996, Assemblée générale, Documents officiels de la 51e session, Supplément n° 22, A/51/22, § 94. Cité dans JUROVICS Yann. Réflexions sur

la spécificité du crime contre l’humanité, op. cit., p. 56, note 128. De la même manière, la rédaction

provisoire du Statut de la CPI prévoyait « La réduction en esclavage [, y compris les pratiques d’asservissement et le travail forcé] ; [la réduction ou le maintien d’autrui en état d’esclavage, de servitude ou en situation de travail forcé] » (Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une Cour criminelle internationale, vol. II (Compilation des propositions), Documents officiels de la 51e session, Supplément n° 22 A (A/51/22), p. 69), New York, 1996). Cité par le même auteur.

B. Une technique du terrorisme : le détournement de certains

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