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Le système juridique onusien de protection des droits de l’homme

Paragraphe 2 : Méthodes d’analyse pertinentes

C. Le système juridique onusien de protection des droits de l’homme

Le système juridique onusien est aussi pertinent dans le cadre de cette étude. Les communications d’une de ses quasi-juridictions seront examinées, il s’agit de celles du Comité des droits de l’homme (Par la suite, le Comité ou C.D.H.), un organe du Conseil économique et social des Nations Unies composé d’experts indépendants. Il vérifie la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits

civils et politiques par les États parties et plus particulièrement de l’article 27 de ce

Pacte sur le droit à sa culture propre. À ce titre et en vertu du premier protocole facultatif se rapportant au Pacte, il dispose notamment d’une compétence quasi- juridictionnelle en matière de règlement des différends, entre les États partis ayant reconnu sa juridiction et des justiciables, sur la violation d’une disposition du Pacte48. Les communications du Comité des droits de l’homme des Nations Unies sont complémentaires aux documents internationaux adoptés par cette organisation et ses institutions spécialisées, relatifs au droit des peuples autochtones et au droit des minorités, tels que la Convention no169 relative aux peuples indigènes et tribaux, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques49 ainsi que diverses résolutions traitant de droit aux territoires et aux ressources, de changements climatiques et de droits humains.

Pour les fins de cette étude, les contentieux asiatiques et africains des droits de l’homme ne seront pas abordés. Plusieurs raisons justifient ce choix. D’abord, aucun

48 Sur la création et les compétences du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, voir le site du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en ligne : http://www2.ohchr.org/french/bodies/hrc/index.htm (consulté le 12 janvier 2010).

Voir aussi le premier protocole facultatif se rapportant au Pacte relatif aux droits civils et politiques, en ligne : http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr-one.htm, (consulté le 12 janvier 2010). Voir enfin Siân LEWIS-ANTHONY et Martin SCHEININ, « Treaty-Based Procedures for Making Human Rights Complaints Within the UN System », dans Hurst HANNUM, Guide to International Human Rights Practice, préc., note 41, p. 43-53.

49 Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, préc., note 6. Sur la Déclaration voir, Helen O’NIONS, Minority Rights Protection in International Law. The Roma of Europe, Aldergate, Ashgate, 2007, p. 201-203.

système de protection des droits de l’homme ni aucun organe de contrôle supranational de la mise en œuvre de ces normes par les États n’existe en contexte asiatique. Ensuite, en ce qui concerne l’Afrique, bien que la Cour et la Commission africaine des droits de l’homme aient vu le jour au sein de l’Union africaine, les sources jurisprudentielles liées au droit des minorités ou des peuples autochtones restent insuffisantes.

Ces sources seront utiles au développement d’un point de vue interne sur le droit. Enfin, la méthode comparative permettra l’évaluation des diverses solutions apportées par les juridictions. En ce sens, elle pourrait contribuer à l’identification d’interprétations plus convaincantes que d’autres.

II. L’interdisciplinarité

En procédant à une distanciation face à l’état du droit, l’interdisciplinarité permet d’évaluer la consécration juridique d’une protection à l’égard des modes de vie minoritaires ou autochtones et d’apprécier ses apports d’un point de vue externe50.

L’anthropologie juridique est la discipline qui nous servira d’accessoire méthodologique principal. Grace à elle, la compréhension du concept de mode de vie sera facilitée. Elle permettra aussi d’en proposer la meilleure interprétation possible et d’évaluer si l’emprunt qui en est fait par le droit est approprié. Par ailleurs, l’anthropologie aura une grande utilité en matière de compréhension des références ainsi que des identités autochtones et roms.

Cette discipline sera exploitée en utilisant des travaux scientifiques déjà existants51. L’anthropologie politique, sociale et culturelle sera employée afin de

50 Sur l’intérêt du recours à l’interdisciplinarité voir notamment Pierre NOREAU (dir.), Dans le regard de l’autre, Montréal, Les Éditions Thémis, 2007, 199 p. ; Jean-François GAUDREAULT-DESBIENS et Diane LABRÈCHE, Le contexte social du droit dans le Québec contemporain. L’intelligence culturelle dans la pratique des juristes, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, 299 p. Sur « le point de vue externe modéré », voir François OST et Michel VAN DE KERCHOVE, Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les voies du droit », 1988, 254 p. et François OST, « Pour une théorie ludique du droit », (1992) 20/21 Droit et société, p. 93-103. 51 Sur ces travaux, voir infra, Partie II, Titre 1.

s’extraire du regard interne sur la société, et ce pour analyser des modèles et des codes socioculturels52.

Paragraphe 3 : Épistémologie

Une épistémologie constructiviste inspirera le regard que nous poserons sur notre objet d’étude. En tant qu’acteur ou qu’auteur, notre esprit construit, déconstruit et reconstruit les réalités sociales et politiques. Il en va de même des concepts ou normes juridiques.

Dans le cadre de cette recherche, le moyen principal d’accéder à la connaissance de la norme juridique sera l’interprétation de décisions de justice. En pareille matière, l’atteinte d’une objectivité pure est impossible53. De plus, la présente

étude ne peut faire table rase de tous les postulats, présupposés et préjugés sur lesquels elle se fonde, d’autant plus que certains demeurent inconscients. De ce fait, plutôt que de tenir pour acquis l’objectivité, elle privilégiera l’accès à la connaissance par un processus d’objectivation qui suppose et reconnaît une part de subjectivité.

L’épistémologie privilégiée par cette analyse est aussi anti-déterministe. L’application de la méthode comparative démontre que le droit tel qu’il est consacré par les diverses juridictions n’est pas un résultat « inévitable » issu d’une logique mécanique provenant de la nature des choses. Il demeure un objet en mouvement, soumis à des aléas et adopté pour des raisons politiques, morales, économiques, culturelles et sociales. D’une part, ceci nous conduit à nuancer le postulat selon lequel le droit était nécessairement un outil de domination et de marginalisation. D’autre part, le droit n’est pas une sphère autonome, puisque celui-ci est un outil stratégique employé par les requérants minoritaires et autochtones, mais aussi par les États et les

52 Selon l’UNESCO « la culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société, un groupe social ou un individu. Subordonnée à la nature, elle englobe, outre l’environnement, les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions, les croyances et les sciences », UNESCO, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet - 6 août 1982, en ligne : http://portal.unesco.org/culture/fr/files/12762/11295422481mexico_fr.pdf/mexico_fr.pdf (consultée le 22 septembre 2008).

53 Vittorio VILLA, « La science juridique entre descriptivisme et constructivisme », dans Paul AMSELEK, Théorie du droit et science, Paris, P.U.F., 1994, p. 288.

juges. Il est un instrument modelé afin de faire prévaloir des intérêts. Il est, en ce sens, un phénomène construit, révélateur d’un rapport de force entre des acteurs aux intérêts divergents, différents ou convergents.

Enfin, l’épistémologie choisie est critique ou émancipatoire. En effet, le droit en général et la protection des modes de vie minoritaires et autochtones en particulier doivent être remis en cause si l’on veut vérifier leur pertinence. Il ne s’agit pas de rejeter en bloc le droit tel qu’il existe, puisqu’il peut être satisfaisant à certains égards54. Toutefois, la reconnaissance de la pluralité socioculturelle et identitaire est un travail en processus. C’est en cela qu’une perspective critique nous est utile, car elle permet de questionner et d’améliorer l’existant. Elle est nécessaire au regard des objectifs de cette recherche, qui ne sont pas seulement de décrire, mais aussi d’expliquer et de comprendre, voire de proposer des pistes de transformation.

Trois instruments agissent en garde-fous et permettent de ne pas laisser place à une subjectivité totale. D’abord, la mise en contexte et l’interdisciplinarité assurent une vision globale, décloisonnée, intégrant le particulier au général. Elle permet de prendre acte de la complexité des phénomènes sociaux55. En outre, la recherche d’objectivation s’accompagne nécessairement de la nuance. L’accès à la connaissance n’est pas linéaire ; il ressort au contraire de la complexité et nécessite la confrontation d’antagonismes. Ceux-ci seront traités selon les principes dialogique et « hologrammatique », c'est-à-dire en conciliant les divergences ou en ne les occultant pas56.

54 La formulation expresse ou implicite de la reconnaissance d’un droit au respect des modes de vie minoritaires ou autochtones est un élément majeur à elle seule. Il s’agit d’une première étape dans ce long processus de basculement des conceptions majoritaires et dans le processus de reconnaissance. 55 Edgard MORIN, « Pour une réforme de la pensée », en ligne : http://college- heraclite.ifrance.com/documents/r_actuels/em_reforme.htm.

56 « Il faut, d'une part, complémenter la pensée qui sépare par une pensée qui relie. Complexus signifie «ce qui est tissé ensemble». La pensée complexe est une pensée qui cherche à la fois à distinguer - mais sans disjoindre - et à relier. D'autre part, il faut traiter l'incertitude. Le dogme d'un déterminisme universel s'est effondré. L'univers n'est pas soumis à la souveraineté absolue de l'ordre, il est le jeu et l'enjeu d'une dialogique (relation à la fois antagoniste, concurrente et complémentaire) entre l'ordre, le désordre et l'organisation. Ainsi le propos de la complexité est-il, d'une part, de relier (contextualiser et globaliser) et, d'autre part, de relever le défi de l'incertitude », E. MORIN, « Pour une réforme de la pensée », prec, note 55 ; Jean-François GAUDREAULT-DESBIENS, « Identitarisation du droit et perspectivisme épistémologique. Quelques jalons pour une saisie juridique complexe de l’identité », (2000) XIII (1) Canadian Journal of Law and Jurisprudence.

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