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UNE PRÉSENTATION DE L’ÉTAT DU DROIT

Paragraphe 1 : Les concepts de peuples autochtones et de minorités

A. Le concept de minorités en droit international public

1. Les rapports et documents officiels

Quatre rapports, une recommandation régionale et une décision de justice ont de l’importance pour définir le concept de minorités. Il s’agit d’un rapport de Trygve Lie, premier Secrétaire général des Nations Unies, de la proposition de Jules Deschênes, de celle de Francisco Capotorti et du récent rapport de A. Eide et de E. I. Daes. En outre, une décision de la Cour permanente de justice internationale sera aussi utile. De plus, la recommandation 1201 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe définit le concept de minorité nationale. Celle-ci développe cinq critères, que sont la résidence ou la citoyenneté dans un État, l’entretien de liens anciens, solides et durables avec celui-ci, l’existence de caractéristiques spécifiques, la représentativité du groupe et son infériorité numérique et, enfin, la volonté du groupe de préserver son identité238. Enfin, précisons qu’aucun autre document officiel portant sur le droit des minorités, tel que la Déclaration des droits

des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques239, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques240 ou la

Convention-cadre pour la protection des minorités nationales241, ne précise ce que signifie ce concept.

238 Recommandation 1201 relative à un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme sur les droits des minorités nationales, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 1993, en ligne :

http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta93/FREC1201.htm (consulté le 14 mai 2010).

239 Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, préc., note 6.

240 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, préc., note 38. 241 Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, préc., note 38.

En 1950, le Secrétaire général des Nations Unies, Trygve Lie se réfère à deux éléments importants de la définition, qui sont la notion de communauté, que la Cour Permanente de Justice Internationale avait déjà définie dans l’avis consultatif sur la

question des communautés Gréco-Bulgares242, ainsi que la différence vis-à-vis du groupe dominant243.

Le second document traitant de cette question date de 1985. À cette époque, Jules Deschênes élabore une définition pour la sous-Commission de lutte contre les discriminations et la protection des minorités. Selon lui, une minorité est

« a group of citizens of a State, constituting a numerical minority and in a

non-dominant position in that State, endowed with ethnic, religious or linguistic characteristics which differ from those of the majority of the population, having a sense of solidarity with one another, motivated, if only implicitly, by a collective will to survive and whose aim is to achieve equality with the majority in fact and in law »244.

Les critères qui résultent de cette définition sont la citoyenneté des membres de la minorité, l’infériorité numérique, la situation de non-domination du groupe, l’existence de caractéristiques propres, la volonté collective de survie, le sentiment de solidarité et la recherche d’égalité avec la majorité.

De plus, en 1991, le rapporteur spécial à la sous-Commission de lutte contre les discriminations et la protection des minorités, Francesco Capotorti, élabore une définition, qui pour certains, semble encore valable :

242 « D’après la tradition qui a une force si particulière dans les pays d’Orient, la « communauté » apparaît comme une collectivité de personnes vivant dans un pays ou une localité donnés, ayant une race, une religion, une langue et des traditions qui leur sont propres, et unies par l’identité de cette race, de cette religion, de cette langue et de ces traditions dans un sentiment de solidarité, à l’effet de conserver leurs traditions, de maintenir leur culte, d’assurer l’instruction et l’éducation de leurs enfants conformément au génie de leur race et de s’assister mutuellement », Question des « communautés » Gréco-Bulgares, C.P.J.I. Recueil (série B), no 17, Avis consultatif, (31 juillet 1930), p. 21, en ligne : http://www.icj-cij.org/pcij/serie_B/B_17/01_Communautes_greco-bulgares_Avis_consultatif.pdf (consulté le 22 septembre 2008).

243 « Frequently used at present in a more restricted sense ; it has come to refer mainly to a particular kind of community, and especially to a national or similar community, which differs from the predominant group in the State », Trygve H. LIE, Secrétaire général des Nations Unies, Definition and Classification of Minorities, UN Doc E/CN.4/Sub.2/85, 27 décembre 1949, § 39. Voir aussi sur ce point, P. THORNBERRY, International Law and the Rights of Minorities, préc., note 28, p. 164. 244 Jules DESCHÊNES, Proposal concerning a Definition of the term « Minority », UN Doc E/CN.4/Sub.2/1985/31, 1985, § 181.

« Un groupe numériquement inférieur au reste de la population d'un État, en position non dominante, dont les membres - ressortissants de l'État - possèdent du point de vue ethnique, religieux ou linguistique des caractéristiques qui diffèrent de celles du reste de la population et manifestent même de façon implicite un sentiment de solidarité, à l'effet de préserver leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue »245.

Cinq critères sont mis en exergue : l’infériorité numérique ; la position non- dominante ; la nationalité des membres du groupe ; l’existence de caractéristiques culturelles, religieuses ou linguistiques distinctes et le sentiment de solidarité.

Si ces documents n’ont pas permis la formation d’un consensus international sur ce concept, certains auteurs, récemment, se sont positionnés en faveur de deux critères, apparaissant comme suffisants à la qualification. Il s’agit de la taille du groupe et de son caractère distinct246. En outre, un scepticisme, qui paraît justifié,

est apparu à l’égard de deux autres critères, que sont la nationalité ou la citoyenneté et l’infériorité numérique247. Avant de nous étendre sur les définitions proposées en doctrine, arrêtons-nous sur celle qui est développée dans un quatrième document officiel.

Deux rapporteurs des Nations Unies ont établi les modèles idéaux d’une minorité et d’un peuple autochtone, sans toutefois parvenir à susciter un consensus international. Ils soulignent que le concept de minorités met en évidence le contexte de discrimination vécu par le groupe, alors que celui de peuples autochtones insiste davantage sur le rapport au territoire. Ainsi, les rapporteurs confirment l’existence de deux statuts différents entre ces différents groupes, tout en rappelant leur possible convergence et leur fluidité248. Les documents officiels ayant été présentés,

245 Francesco CAPOTORTI, Étude des droits des personnes appartenant aux minorités ethniques, religieuses et linguistiques, Genève, publication des Nations Unies, 1991, § 568.

246 A. EIDE, E/CN.4/Sub.2/1993/34, § 29. Pour une critique de cette définition, voir P. THORNBERRY, International Law and the Rights of Minorities, préc., note 28, p. 6-13.

247 Voir infra, p. 109 et 110, sur le concept de minorité dans la doctrine internationale, les positions de Patrick Thornberry et de Ingride Roy.

248 « 48. Compte tenu du problème conceptuel qui se pose, je propose de dire que le type idéal de "peuple autochtone" est un groupe aborigène (autochtone) qui, sur le territoire sur lequel il réside aujourd'hui, choisit de perpétuer une identité culturelle distincte et une organisation politique et sociale collective distincte à l'intérieur dudit territoire. Le type idéal d'une "minorité" est un groupe qui a été victime d'exclusion ou de discrimination de la part de l'État ou de ses citoyens en raison de ses caractéristiques ou de son ascendance ethniques, nationales, raciales, religieuses ou linguistiques. 49. Ainsi, dans une perspective téléologique, le type idéal de "minorité" met l'accent sur l'expérience par le groupe de la discrimination parce que l'objectif des normes internationales existantes est de

demandons-nous maintenant comment se positionne la doctrine vis-à-vis du concept de minorités.

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