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Le suivi de la Conférence de Pékin

JOHANNESBURG – LE PROTOCOLE DE KYOTO

2. Pékin 1995 – Conférence des Nations Unies sur les femmes 1 La Conférence de Pékin

2.3. Le suivi de la Conférence de Pékin

Différentes mesures ont été prises en Suisse depuis l’adoption de la plate-forme d’action de Pékin. Sur le plan du droit, l’égalité entre femmes et hommes a d’abord fait l’objet d’une loi en 1996, pour finalement être clairement mentionnée également dans la nouvelle Constitution fédérale entrée en vigueur en l’an 2000:

Article 8

1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.

2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

3 L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. (CST, RS 101)

Voyons à présent quelques jalons importants dans la promotion de l’égalité entre les sexes en Suisse.

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La loi sur l’assurance-maternité (LAMat), adoptée en décembre 1998 par les Chambres fédérales, fut été rejetée par le biais d’un référendum populaire le 13 juin 1999. Il a fallu attendre la votation populaire du 26 septembre 2004 pour que soit acceptée la modification du 3 octobre 2003 de la loi sur les allocations pour perte de gain (en cas de service ou de maternité), accordant un congé-maternité de quatorze semaines aux mères exerçant une activité lucrative et leur allouant une indemnité de base correspondant à 80% du revenu obtenu avant la fin de cette activité.

a) La loi sur l’égalité

La loi sur l’égalité (LEg) est entrée en vigueur le 1er juillet 1996. Afin de promouvoir l’égalité dans les faits entre les femmes et les hommes (LEg Art.1), elle s’applique à tous les domaines de la vie professionnelle, de l’embauche au licenciement en passant par la rémunération, la promotion, le harcèlement sexuel au travail ou encore la formation continue (LEg Art.3).

Les dispositions de la LEg prévoient notamment un allégement du fardeau de la preuve (LEg Art.6), une protection contre les congés de rétorsion (LEg Art.10), ou encore la gratuité des procédures en cas de litige relatif à une discrimination basée sur le sexe (LEg Art.13).

Il appartient aux cantons de désigner les offices de conciliation auxquels les parties en conflit peuvent s’adresser en cas de violation de la LEg (LEg Art11). (LEg, RS 151.1) Disposant désormais de cette base légale interne, la Suisse put alors en 1997 ratifier la Convention de l’ONU sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’encontre des femmes, dont nous avons parlé plus haut.

b) Le Plan d’action de la Suisse

En 1999 fut publié le Plan d’action de la Suisse, élaboré par un groupe de travail interdépartemental (composé de pas moins de quinze services fédéraux) placé sous la direction du Bureau fédéral pour l’égalité entre femmes et hommes17, et ensuite discuté avec les ONG intéressées. Le Plan d’action de la Suisse est structuré comme le Programme d’action de Pékin: les mesures sont divisées suivant les mêmes douze domaines thématiques que sont la pauvreté, la formation, la santé, la violence, les conflits armés, l’économie, la prise de décisions, les mécanismes institutionnels, les droits humains, les médias, l’environnement, et la fillette. S’y ajoute un domaine supplémentaire traitant des finances et structures.

Le Plan d'action n'est pas contraignant, mais seulement incitatif. Il constitue toutefois un devoir moral pour les Etats qui l'ont signé à Pékin, ce qui est le cas de la Suisse. Les administrations fédérales, les offices cantonaux, les communes et autres institutions chargées d'appliquer les décisions prises sont nommément citées et les délais pour la mise en œuvre sont également indiqués.

On en survolera ici les quinze principes posés comme prioritaires:

- élaborer un cadre conceptuel et une méthodologie “permettant une approche intégrée de l’égalité entre femmes et hommes”;

- poursuivre les efforts entrepris pour la reconnaissance et l’application des droits fondamentaux des femmes inscrits dans la Constitution suisse et dans les instruments internationaux;

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Le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes fut institué en 1988 par le Conseil fédéral. Il est aujourd’hui un office du Département fédéral de l’intérieur (http://www.equality-office.ch)

- promouvoir l’égalité d’accès et la pleine participation des femmes à tous les niveaux de pouvoir et de décision;

- réaliser l’égalité professionnelle entre femmes et hommes (égalité salariale, aménagement des politiques sociales et familiales);

- développer des programmes de prévention et d’intervention contre la violence à l’égard des femmes;

- faire l’analyse de statistiques quantitatives et qualitatives différenciées selon les genres;

- créer et soutenir des organismes chargés de promouvoir l’égalité;

- assurer une égalité des chances dans l’éducation et la formation des filles et garçons (faire attention aux discriminations indirectes);

- poser l’égalité des chances comme un objectif essentiel des changements en cours dans le domaine de la formation;

- instituer et développer des études genre («gender studies»); - développer la formation continue en matière d’égalité;

- “encourager les médias à diffuser une représentation non stéréotypée et égalitaire des femmes et des hommes”;

- “développer l’information et la formation en matière de droits de la personne et de résolution pacifique des conflits”;

- veiller à un respect de l’égalité entre hommes et femmes également dans l’allocation des dépenses publiques;

- “intégrer une perspective de genre à toutes les activités bilatérales et multilatérales de la Suisse et soutenir les efforts des pays et organisations internationales en faveur de la réalisation de l’égalité entre femmes et hommes” (Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, 1999, pp. 14-15).

S’ensuit tout un catalogue de mesures, sur chacun des douze thèmes précités, mesures à prendre sur le plan national ou international et assorties chacune d’un destinataire (l’office ou département fédéral compétent en la matière, les cantons, les communes, ONG, ou autres groupes concernés), d’un degré d’intensité (selon qu’il s’agit d’une nouvelle tâche, d’une mesure à intensifier, ou d’efforts en cours à poursuivre), ainsi que d’un calendrier (court, moyen ou long terme).

Il ne faudrait pas se méprendre et juger que le Plan d’action de la Suisse n’est qu’un document de plus, une salve de revendications féminines: c’est au contraire un programme qui doit être utilisé comme instrument de travail dans la politique de tous les jours, sur le plan fédéral, cantonal, communal, et dans la coopération de la Suisse avec les pays bénéficiaires de son aide. Dans cette optique, les ONG ont un rôle essentiel à jouer.

c) Les rapports sur la mise en oeuvre de la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)

En ratifiant la CEDAW en 1997, la Suisse a pris l’engagement international de rendre compte régulièrement des progrès réalisés en Suisse, devant le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

En principe, un tel rapport devrait être présenté pour la première fois une année après la ratification, et ensuite tous les quatre ans.

Comme le premier rapport a été l’occasion de très larges consultations (questionnaire détaillé adressé aux cantons18, prise de position des partis politiques, des ONG, des organisations économiques), son élaboration a pris du retard, ce qui explique que ce n’est qu’en 2001 que la Suisse présente à la fois… son premier et son deuxième rapport sur la mise en oeuvre de la CEDAW.

Ce double rapport est l’occasion de passer en revue les bases juridiques de l’égalité entre hommes et femmes, bases que nous avons précédemment citées. Nous allons en considérer trois aspects étroitement liés aux activités économiques.

Sur l’interdiction de discriminer faite aux autorités étatiques, on y parcourt les mesures prises par la Confédération, de la prise en compte de la dissociation des revenus pour la révision de l’imposition, au contrôle de la non discrimination lors de l’attribution de marchés publics, en passant par l’étude de l’incidence sexospécifique éventuelle des lois et projets de lois.

Quant aux cantons, certains d’entre eux ont adopté des textes de loi allant dans le même sens que les réglementations fédérales. Le Canton de Fribourg, pour ne citer qu’un exemple, s’est doté en 1998 d’un règlement permettant de contrôler dans quelles conditions l’égalité de traitement entre femmes et hommes est garantie dans les entreprises soumissionnaires.

Concernant la politique internationale de la Suisse en faveur de l’égalité, le rapport revient sur le Plan d’action adopté en 1999 par le Conseil fédéral et les mesures concrètes qu’il propose aux grandes organisations compétentes en la matière. Il souligne que dès 1993 la Direction du développement et de la coopération a fondé sa politique de développement précisément sur l’égalité entre hommes et femmes.

Par ailleurs, au sein de l’OCDE, la Suisse participe au groupe de travail sur l’égalité entre les sexes du Comité d’aide au développement (CAD) (Bureau fédéral de l’égalité entre hommes et femmes, 2001, pp. 20-22).

Pour ce qui est des questions relatives à la rémunération, même si les disparités salariales entre femmes et hommes se sont amenuisées quelque peu au cours des années 1990, on observe encore en Suisse d’importants écarts de rémunération entre les sexes. “Selon les statistiques, les salaires des femmes dans le secteur privé sont en moyenne inférieurs de

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21,5% à ceux des hommes. Dans le secteur public, les différences de rémunération sont nettement moins importantes que dans le secteur privé : elles sont tombées de 13% en 1994 à 10% en 1998” (id, p. 91).

Même lorsqu’elles occupent des postes à niveau d’exigence égal, les femmes sont moins rémunérées, et cet écart tend à progresser avec le niveau d’exigence des postes: les femmes au bénéfice d’un apprentissage ou d’une formation professionnelle supérieure gagnent en moyenne 16% de moins que leurs collègues masculins, et les femmes diplômées des universités et hautes écoles 22% de moins en moyenne (id.).

Que peut faire Confédération? Pour appliquer le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale, il est nécessaire de comparer les emplois pour déterminer s’ils sont ou non de valeur égale. Il faut donc mettre au point des méthodes permettant une évaluation du travail neutre par rapport au sexe, pour aboutir ensuite à des systèmes de rémunération non discriminatoires. A cet égard, le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes a publié en 1996 des instruments d’évaluation du travail non discriminatoire.

L’administration fédérale et certaines administrations cantonales ont entrepris ou prévoient d’entreprendre, dans le cadre de leur réforme du système de rémunération ou de classification des postes, une révision de l’évaluation des postes sur la base de critères neutres à l’égard des sexes.

La jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l’égalité salariale énonce “qu’une différence de salaire entre femmes et hommes est fondée objectivement, et donc non discriminatoire, si elle repose sur des critères objectifs et si elle n’est pas motivée par des raisons liées au sexe. Il peut s’agir de motifs se rapportant au travail et à son exécution (formation, qualification, expérience). À cela s’ajoutent des motifs d’ordre individuel, comme la performance, l’âge, l’ancienneté. Enfin, le Tribunal fédéral évoque aussi des motifs à caractère social, comme les obligations familiales” (id., p.93). Des arguments de type économique, comme une conjoncture particulière ou la situation du marché du travail, ne constituent par contre des motifs admissibles que de manière très limitée.

Enfin, un point important abordé par le rapport est celui de la coopération au

développement. Les programmes d’aide au développement soutenus par la Suisse ont

entre autres comme objectif de donner aux femmes des chances professionnelles qui soient aussi proches que possible de celles des hommes. Pour cela, femmes et filles sont à définir comme un groupe cible à part, et la moitié sinon plus des nouveaux projets de formation professionnelle s’adressent à elles, étant donné que les lacunes en ce domaine sont particulièrement importantes.

La pauvreté touchant davantage les femmes, cette dimension est également à prendre en compte, comme dans notre pays, en analysant les incidences sur les femmes des dépenses publiques. Pour cela, les mêmes analyses menées dans notre pays seront une base d’expérience non négligeable.

Les femmes responsables de PME dans les pays en développement comptent parmi les acteurs à soutenir prioritairement, pionnières qu’elles sont dans le mouvement d’accroissement de l’autonomie des femmes (id, p. 108, 129).

En conclusion de ce survol partiel de la condition de la femme au début du troisième millénaire, il n’est peut-être pas si inutile de rappeler, même si cela peut désormais paraître un lieu commun, qu’il est impensable de concevoir le développement durable si celui-ci ne permet qu’à une moitié de la population de voir ses possibilités de vie s’améliorer, tandis que l’autre moitié, les femmes, voit sa situation en faire les frais ou, au mieux, stagner en comparaison.

On a vu que les instruments d’action existent, encore faut-il les mettre en oeuvre et passer d’une égalité de papier à une égalité vécue.

3. Istanbul 1996 – Conférence des Nations Unies sur les Etablissements Humains

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