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Quelle image se fait-on d’une ville durable 47 ?

DEVELOPPEMENT DURABLE EN MILIEU URBAIN

1. Quelle image se fait-on d’une ville durable 47 ?

Les modes de vie des pays riches et notamment de leurs zones urbaines ne sont-ils pas, en l’état, proprement insoutenables pour le bien-être de leurs habitants et pour leur environnement naturel? L’observation des villes, aujourd’hui, fait arriver au tableau suivant:

Les villes cristallisent les causes de la non-durabilité du développement actuel. Lieux de concentration des richesses matérielles, elles ponctionnent à bras raccourcis les ressources non renouvelables de la planète pour, après les avoir métabolisées, les rejeter sous forme de rebuts non dégradables et d’émanations polluantes – gaz à effet de serre en particulier – dans les écosystèmes. Fondée sur une extension urbaine sans fin qui détruit les restes de campagnes qui les entourent, leur dynamique ne cesse de faire empirer ces effets. Et pour quel résultat social? Une nouvelle forme d’apartheid, où la ségrégation sociale se conjugue avec une inégalité considérable de qualité de vie et d’accès à la nature (La Revue Durable, mai-juin 2003, p.11).

Une telle perception des villes n’est pas tenable, à plus forte raison si la proportion de population urbaine continue à croître. Un retour en arrière sur certains points ne serait-il pas souhaitable, ou pour le moins raisonnable? En envisageant la ville ou l’agglomération comme une entité “vivante” capable de réagir et de redéfinir son fonctionnement, quel comportement doit-elle adopter? En un mot, qu’est-ce qu’une “ville durable”? Une définition possible est la suivante:

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Par le “raccourci” “ville durable”, on entend ici parler d’une ville dont le mode de vie est en accord avec les objectifs du développement durable.

C'est une agglomération dont le fonctionnement social et biophysique, les projets et l'évolution, s'inscrivent dans les perspectives ouvertes par le développement durable. C'est donc une ville:

- dont les habitants disposent des moyens d'agir pour qu'elle soit organisée et fonctionne dans des conditions politiques, institutionnelles, sociales et culturelles satisfaisantes pour eux et équitables pour tous;

- dont le fonctionnement et la dynamique satisfont à des objectifs de sécurité des conditions biologiques de vie, de qualité des milieux et de limitation des consommations de ressources;

- qui ne compromet ni le renouvellement des ressources naturelles alentour, ni le fonctionnement, les relations et la dynamique des écosystèmes micro régionaux englobants, ni, enfin, les grands équilibres régionaux et planétaires indispensables au développement durable des autres communautés;

- et qui s'attache à préserver les capacités de vie et les potentialités de choix des générations futures

(CFDD 1996)

On voit qu’il s’agit avant tout de satisfaire à des objectifs, de préserver des potentiels et de ne pas compromettre toute une série d’équilibres qui doivent prévaloir comme intérêts supérieurs. C’est donc un cadre limitatif, voire restrictif, qui est à communiquer à une société qui a fait du “toujours plus” et pas forcément “toujours mieux” un leitmotiv de vie et de production durant les dernières décennies. Le sujet est suffisamment crucial, au niveau suisse, pour avoir fait l’objet de réflexion des Journées nationales du développement durables à Berne en novembre 2003, sous le titre: “Le développement durable au quotidien: le défi des villes et des agglomérations”.

Mais s’il y a aujourd’hui une certaine urgence à oeuvrer pour la durabilité des villes, il serait faux de penser que ce problème vient d’être découvert: en 1994 déjà s’est tenue à Aalborg, au Danemark, une première Conférence européenne sur les villes durables. Elle a abouti à l’élaboration de la Charte d’Aalborg, charte des villes urbaines pour la durabilité. En 2003, c’est plus de 2000 autorités locales et régionales d’une quarantaine de pays d’Europe qui ont signé cette charte (site SCIS), dans laquelle elles reconnaissent que le mode de vie urbain les rend “essentiellement responsables des nombreux problèmes environnementaux auxquels l’humanité est confrontée” (site ICLEI).

On y retrouve, sans surprise, les notions d’innovation et de négociation comme moyens de résolution des problèmes, ainsi que de responsabilisation à l’égard du changement climatique mondial.

Plus étonnant, on y voit les villes s’engager en vue de la version forte du développement durable: “Nous, villes, comprenons que le facteur limitant de notre développement économique est désormais notre capital naturel” (id.). Les villes s’engagent donc à investir dans la conservation du capital naturel, et dans la croissance de ce capital au

travers de la réduction de son exploitation. Par ailleurs, la création de nouvelles réserves de capital naturel (parcs, par exemple), est citée comme moyen d’alléger la pression sur les réserves naturelles existantes.

La Conférence des villes durables s’est ensuite réunie en 1996 à Lisbonne48, afin de passer “de la Charte à la pratique”, cela par la proposition de douze points de repère permettant de préparer les pouvoirs locaux aux processus d’Agenda 21 locaux (A21L). Il revient en effet aux autorités locales de s’impliquer dans leur ensemble afin d’être le moteur des A21L et d’élaborer systématiquement des plans d’actions permettant de passer de l’analyse à la pratique. Les douze points du “plan d’action” de Lisbonne frôlent parfois l’évidence, comme par exemple en affirmant “nous utiliserons des outils performants pour la gestion de la durabilité” ou en déclarant “nous intégrerons le développement de l’environnement au développement social et économique pour améliorer la santé publique et la qualité de vie de nos citoyens” (www.sustainable- cities.org). On se retrouve là face aux concepts de base du développement durable et on voit mal en quoi le texte élaboré à Lisbonne donne des outils pratiques pour passer à la réalisation d’un A21L.

En 1998-1999, l’ICLEI (International council for local environmental initiatives) organisa quatre conférences régionales des villes durables, à Turku (Europe du Nord), Sofia (Europe de l’Est), Séville (Europe du Sud) et La Haye (Europe de l’Ouest), chacune traitant des thèmes particuliers à chaque “région”. Toutefois, s’il est à espérer qu’aient été réalisés des progrès dans certains domaines comme les textes des déclarations l’affirment (www.sustainable-cities.org), il s’agit encore une fois d’affirmations et d’engagements théoriques ne pouvant que difficilement être assimilés à de véritables outils de travail. Cependant, on peut se réjouir de cette “régionalisation” pragmatique du traitement des problèmes, considérant l’absurdité théorique et culturelle qui serait de vouloir traiter du développement urbain durable de la même manière en Algarve ou sur les rives de la mer du Nord. Si les buts en eux-mêmes sont similaires, on sent bien que l’appellation d’Agenda 21 local prend tout son sens lorsqu’il s’agit de traiter un cas concret possédant ses caractéristiques et ses circonstances propres.

Enfin, en 2000, 250 maires européens ont contribué à l’Appel de Hanovre, qui s’adresse à la communauté internationale, aux institutions européennes (en particulier le Parlement, le Conseil et la Commission), aux gouvernements nationaux, aux maires des régions, aux autres groupes d’intérêts impliqués dans les A21L, et encore aux dirigeants et décideurs des milieux économiques et financiers. Ces maires déclarent que le développement local durable est de leur responsabilité particulière et est de la plus haute priorité politique. Le texte de l’Appel comprend toute une série d’exhortations à s’engager dans le développement local durable, à y participer, à le promouvoir, à en assumer la responsabilité, à l’incorporer réellement dans les décisions.

En annexe à l’Appel, on trouve une brève réflexion sur les défis. On peut y lire, il était temps, la position du problème en termes simples et clairs:

Les citoyens attendent de la municipalité qu’elle leur fournisse les conditions de vie essentielles et des services de base, tels qu’un environnement vivable, un air pur, l’approvisionnement en eau, la collecte et le traitement des déchets et des eaux usées, les transports publics régionaux, le logement, les services médicaux et l’éducation (site SCIS).

Des thèmes concrets sont enfin dégagés, qui touchent à la vie de tous les jours et donc aux soucis qu’affrontent continuellement les citoyens des villes.

Plus particulièrement intéressant encore, la suite de la réflexion concernant les défis prend, bien qu’encore timidement, une tournure qu’on pensait jusque là l’apanage des mouvements anti-globalisation:

… la globalisation de l’économie, qui rend le pouvoir financier plus important que le pouvoir politique, réduit l’influence que les citoyens peuvent exercer sur leurs conditions de vie par l’intermédiaire de parlements locaux…

… la population vieillissante, la pauvreté chronique et la hausse du chômage s’opposent à une société de plus en plus dominée par la consommation. Pareilles circonstances pourraient accroître les inégalités entre les possédants et les démunis, les éviter constituera un des formidables défis posés aux villes sur la voie du développement durable.

… Nous ne pouvons ignorer le fait que le niveau de vie en Europe repose en partie sur l’exploitation des défavorisés. L’exploitation d’une main-d’oeuvre bon marché et de la nature dans les pays en voie de développement doit être un thème central pour toutes les villes européennes qui doivent réduire leurs “empreintes écologiques”, c’est-à-dire leur demande de ressources provenant d’autres parties du monde49 (id.).

On se rend compte que si les gouvernements nationaux sont encore orientés vers la compétitivité globale, les milieux régionaux et locaux, eux, aux prises avec les réalités quotidiennes de leurs administrés, cherchent à limiter la part d’influence négative du

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L’empreinte écologique est ici définie de manière partielle: en effet, on doit entre autres ajouter à cette demande de ressources l’émission de substances polluantes (par exemple, le tourisme et le tourisme d’affaires des pays riches qui impliquent une utilisation immodérée des moyens de transports aériens).

“Empreinte écologique: mesure de la consommation de ressources exprimée en surface terrestre. Cet indicateur additionne les surfaces qu’une société donnée occupe pour ses infrastructures, celles qui sont nécessaires pour absorber par photosynthèse le dioxyde de carbone (CO2) qu’elle émet, celles qui sont nécessaires pour produire son alimentation, le papier et le bois qu’elle utilise et, enfin, l’équivalent en éthanol de l’énergie qu’elle consomme” (La Revue Durable, mai-juin 2003, p.11).

global sur le local. Il est clair dès lors qu’un mouvement d’A21L doit et ne peut que partir de la base, quitte à ne pas attendre de politique nationale ou internationale intégrée.

C’est d’ailleurs le cas en Suisse où, tandis que l’Office du développement territorial travaillait encore sur les chantiers de la politique des agglomérations et où un soutien concerté aux A21L fait encore défaut, nombreuses sont les communes et agglomérations qui ont pris les devants et n’ont pas attendu de l’extérieur un moteur financier ou de connaissances pour lancer leurs programmes.

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