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Situer les AAPP par rapport à d’autres dispositifs de formation

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MISE AU POINT D’UN MODELE D’ANALYSE

I. UNE PREMIERE OBSERVATION DU DISPOSITIF DE FORMATION La première année de recueil des données est consacrée à une première observation du

1. Situer les AAPP par rapport à d’autres dispositifs de formation

Pour concevoir ce scénario, les formateurs se sont, bien sûr, appuyés sur leur expérience mais aussi, même si cela n’est pas formulé, sur divers travaux de recherche. Comment ces formateurs, concepteurs du scénario, pensent implicitement la formation des pratiques ? A quels cadres théoriques font-ils implicitement référence ?

1.1. Les AAPP, un dispositif visant la formation des pratiques

Examinons, tout d’abord comment se situent les AAPP par rapport à d’autres stratégies de formation.

Kuzniak (1994) présente plusieurs stratégies de formation utilisées en IUFM : monstration, homologie, transposition11. Des conclusions de cette recherche et celle de Houdement (1995) se dégage l'idée qu'une formation efficace résiderait dans une stratégie alliant ces trois types de stratégies.

Lorsque Masselot (2000) étudie les effets de la formation initiale de didactique des mathématiques sur les pratiques effectives de professeurs des écoles en première nomination, elle met en évidence les difficultés d’enseignants au moment de la mise en actes de leur projet. Cette recherche montre que ces effets varient selon la composante

11 Les stratégies de monstration se basent sur la présentation et la description de situations d’enseignement. Dans les stratégies

d’homologie, le formateur transmet sa propre conception de l’enseignement des mathématiques, en la mettant en œuvre dans la formation : il met en scène, avec ses étudiants sur des connaissances mathématiques et/ou professionnelles, la méthodologie d’enseignement qu'il conseille à ses étudiants pour les mathématiques avec leurs élèves.

Dans les stratégies de transposition, le formateur explicite un savoir de référence sur l’enseignement et tente de maîtriser le phénomène d’adaptation opéré par les étudiants, en leur proposant des occasions de le faire fonctionner (sur des productions d’élèves, des études de manuels, etc.).

considérée12 et selon les enseignants observés. Certaines phases de l’activité échappent en partie à l’influence de la formation, sortes de « points aveugles » par rapport à la formation et laissent l’enseignant démuni au moment de prendre des décisions.

Au cours de ces AAPP, il s’agit non pas de faire acquérir des connaissances exclusivement mathématiques et/ou exclusivement pédagogiques, mais de travailler sur et avec les pratiques effectives, d’articuler en formation les apports du terrain et les apports plus théoriques, à la fois comme moyen de formation et comme objectif de formation. Les AAPP constituent un dispositif visant à travailler les pratiques et pas seulement des connaissances sur les pratiques.

Nous avons recueilli les diapositives préparées par les formateurs (cf. Annexe A.1) servant de support à la présentation du dispositif faite aux stagiaires en début d’année. Ce diaporama nous permet de voir les aspects mis en avant par les formateurs, concepteurs des AAPP : l’organisation, les différents types de séances, les contraintes, les thèmes abordés par les maîtres formateurs, les gestes professionnels travaillés...

La présentation souligne, notamment, que les AAPP sont organisés sur deux lieux en alternance : l’IUFM et les classes des maîtres formateurs. Deux catégories de formateurs interviennent conjointement : des professeurs d’IUFM et des maîtres formateurs, au niveau de la préparation des projets, au niveau des séances à l'IUFM (travail sur un thème, travail autour des gestes professionnels). Deux types de séances sont prévus : des séances d’analyse réflexive et des séances visant un apport d'informations. Les interventions des formateurs se complètent.

Les concepteurs des AAPP ont eu manifestement la volonté de tisser des liens entre le terrain et le centre de formation. Cette organisation révèle d’une première hypothèse des concepteurs : “Les AAPP favorisent le lien entre la théorie et la pratique pour une plus forte cohésion des savoirs ”

1.2. Les AAPP et le modèle du praticien réflexif

Les AAPP visent la formation de pratiques professionnelles. Apprendre, dans le domaine du travail, ce n’est pas seulement acquérir des savoirs, mais aussi les mettre en œuvre pour l’exécution des tâches. Que sait-on à propos de la façon dont les enseignants apprennent de leur pratique ? Comment les AAPP se situent par rapport aux cadres théoriques qui se sont développés autour de la notion de praticien réflexif ?

Le tournant réflexif... est une sorte de révolution. Le problème d'élaborer une épistémologie de l’agir professionnel est pris à rebours. À la question « qu'est-ce que les praticiens ont besoin de savoir ? », ma réponse préférée consiste à attirer l'attention sur le savoir dont ils font montre dans l'agir professionnel [...]

Le souci principal du narrateur est non seulement de découvrir, mais d'aider les praticiens à découvrir ce qu'ils savent déjà et la manière dont ils utilisent ce savoir. »

(Schön, 1992, p.24)

12 Ces cinq composantes sont : le choix de la situation pour l’enseignant, la fiche de préparation, la consigne, les moments de recherche réservés aux élèves, les phases de mise en commun.

Les travaux de Schön mettent en cause la logique applicationiste : le professionnel n’est pas un applicateur de principes théoriques. L’impact des travaux de Schön sont considérables dans la conception de scénario de formation et on est passé d’un paradigme à l’autre : de l’applicationisme au praticien réflexif. À partir des mises en œuvre spécifiques propres à chaque auteur, apparaît une liste importante d’expressions relatives à ce concept que ce soit en langue anglaise ou française : « reflexion-in-action », « réflexion dans l'action

», « reflexion sur l'action », « reflective action », « réflexivité », « pratique réflexive »,

«habitus réflexif», «praxéologie », « pratique réfléchie », « entretien d'explicitation », « inconscient pratique », « cadre interprétatif personnel »… (Recherche et Formation n°36) La multiplicité des interprétations du modèle du praticien réflexif pose question. La pratique permet d’apprendre oui mais comment ? Les hypothèses sont très diverses. Il est nécessaire de cerner les hypothèses sur lesquelles est basé le dispositif de formation que nous avons choisi d’étudier par rapport à d’autres dispositifs centrés sur l’analyse des pratiques professionnelles par des enseignants en formation.

1.2.1. Analyse de pratiques : de quoi parle-t-on ?

L’analyse de pratiques est une expression polysémique. Certes les chercheurs « analysent les pratiques » afin de mieux comprendre les phénomènes d’enseignement et d’apprentissages mais, l’expression “analyse de pratiques” désigne aussi des modalités spécifiques dans le cadre de la formation des enseignants. Quels types d’Analyses de Pratiques Professionnelles sont conduits au cours de ces Ateliers ? A quel type d’“analyse de pratiques”, les concepteurs font-ils référence ?

Certains IUFM, dès le début des années 1990, ont cherché à développer les compétences professionnelles par l’introduction de modules de formation s’appuyant sur les premières expériences des professeurs stagiaires vécues à l’occasion de leurs stages à l’école, au collège ou au lycée. Des groupes d’analyse de pratiques ont été mis en place afin de répondre aux demandes des professeurs stagiaires en rapprochant les cours théoriques de la pratique et des stages. Le terme d’analyse des pratiques recouvre des méthodologies bien différentes. La multiplicité des modèles de référence pour construire des dispositifs d’analyse des pratiques professionnelles est telle qu’il est difficile d’établir une typologie.

On peut néanmoins citer la référence des groupes Balint dont le principe est de « réunir un nombre restreint de praticiens, ne dépassant pas généralement quatorze personnes, dans le dessein de discuter de problèmes et de difficultés rencontrés dans l'exercice de leur profession. Chaque participant est laissé libre d'évoquer les événements qui le préoccupent ou de se mêler à la discussion, selon ses propres modalités». (Sillamy, 1980)

Blanchard-Laville et Fablet définissent l’analyse des pratiques professionnelles comme « les activités qui, sous cette appellation ou une appellation similaire, sont organisées dans un cadre institué de formation professionnelle, initiale ou continue, concernent notamment les professionnels qui exercent des métiers (formateurs, enseignants, travailleurs sociaux, psychologues, thérapeutes, médecins, responsables de ressources humaines…) ou des fonctions comportant des dimensions relationnelles importantes dans des champs diversifiés (de l'éducation, du social, de l'entreprise...) ». (Blanchard-Laville & Fablet, 1996, p. 262-263)

La plupart des dispositifs d’Analyse de Pratiques ont en commun un déroulement en plusieurs phases13 :

1. L'exposé d'une situation éducative par un membre du groupe (l'exposant) 2. Le questionnement par le groupe, uniquement sur les faits (l'exposant écoute)

3. Formulation par le groupe d'hypothèses interprétatives sur ce qui s'est joué (l'exposant écoute)

4. Réactions de l'exposant aux hypothèses interprétatives (le groupe écoute) 5. Méta-analyse du fonctionnement (tout le monde)

Quels sont les points communs entre les AAPP et les autres dispositifs d’analyse de pratiques ? En quoi les AAPP s’en distinguent-ils ?

1.2.2. Les AAPP et les autres dispositifs d’analyse de pratiques

Ce que vise un groupe d'analyse des pratiques professionnelles, c'est de permettre à ses participants de développer une posture réflexive sur ce qu'ils font, devenir “analyste de sa pratique ”, se demander : “En quoi suis-je pour quelque chose dans ce qui s’est passé ?”

En cela, les AAPP constituent un dispositif d’“analyse de pratiques”. Ainsi, ils prévoient des « séances d'observation et d'analyse " à chaud " de pratiques professionnelles effectives de professeurs d'école stagiaires » et « des analyses différées de pratiques effectives ». La priorité est donnée à la parole du professeurs-stagiaires : le prestataire doit parler le premier, puis les co-prestataires, les observateurs puis les formateurs (maître-formateur et professeur d’IUFM).

Les principes et les modalités des AAPP se distinguent nettement de la plupart des dispositifs d’analyse de pratiques fondées sur une approche psychologique dont l'objectif est, grâce au langage, par le biais d'un récit suivi de questions-réponses, d'évocations, d'hypothèses, de faire prendre conscience des processus inconscients en jeu. (Blanchard-Laville, 2001) Ici, le but est de permettre aux professeurs-stagiaires d’acquérir des gestes professionnels adaptés et efficaces. Ces acquisitions s’appuient sur plusieurs types d’analyses : auto-analyse du stagiaire ayant effectuée la séance, suivie d’une analyse collective avec les pairs du stagiaire et d’une analyse croisée des formateurs (professeur d’IUFM et maître-formateur).

Deux types d’entretiens sont prévus par les concepteurs. Sont organisées « des séances d'observation et d'analyse " à chaud " et des séances d’analyses différées de pratiques effectives ».

Au cours de l’entretien « à chaud », il est recommandé de donner priorité, au cours de ces entretiens, à la parole des professeurs-stagiaires (le prestataire doit parler le premier, puis les observateurs et enfin les formateurs).

En ce qui concerne l’entretien en différé, il s’agit davantage de faire partager à l’ensemble du groupe les conclusions des entretiens « à chaud » et d’engager une discussion autour

13 D’après les textes sur le GEASE de l'Université de Montpellier III

des extraits vidéo plutôt que de s’exercer ensemble à l’analyse (comme c’est le cas pour les Groupe d’Entraînement à l’Analyse de Situation Educative)

Par conséquent, ce que visent les concepteurs, c'est de permettre aux stagiaires de développer une posture réflexive sur ce qu'ils font. Se référant au modèle du praticien réflexif développé par Schön (1992), ils estiment que “les entretiens « à chaud » puis en différé avec l'utilisation de la vidéo aident les professeurs-stagiaires à adopter une posture de « praticien réflexif ».”

1.3. Un dispositif inspiré du micro-enseignement

Les Ateliers de pratiques professionnelles s'inscrivent également dans un courant plus ancien : celui de la formation par le micro enseignement. A l’origine, le micro-enseignement « consistait en un entrainement modélisant à une série hiérarchisée très circonscrites ».

(Paquay & Wagner, 1996, p.171) Il s’agissait de faire acquérir des aptitudes pédagogiques bien définies et non l’acte pédagogique dans toutes ses dimensions. (Altet & Britten, 1983). D’où l’existence de listes d’habiletés à acquérir, correspondant à la décomposition de l’acte pédagogique en savoir-faire élémentaires auxquels il s’agit de s’entraîner comme, par exemple, faire varier les stimuli, sensibiliser au problème à traiter, récapituler et intégrer les connaissances, recourir au silence et aux indications non-verbales, renforcer la motivation et la participation, savoir enchaîner les questions, contrôler la compréhension, savoir poser des questions complexes, être sensible aux réactions des élèves, recourir aux images et aux exemples. (Allen et Ryan, 1972). Ce type d’activité de formation s'est développé dans les "Laboratoires d'Essais Pédagogiques" des Écoles normales sous l'impulsion de Mottet (1984). On peut toutefois s’interroger sur l’efficacité de ces dispositifs et considérer que certains savoirs professionnels ne peuvent s’acquérir que dans le contexte spécifique d’une situation envisagée dans toute sa complexité.

Ainsi, les concepteurs des AAPP font le choix de placer les stagiaires dans une situation d'enseignement protégée mais toutefois proche de la réalité scolaire. Ils reprennent l'idée de la résolution de problèmes professionnels restreints adaptés aux questions de formation initiale. Les professeurs stagiaires doivent assurer des séances d'enseignement dans des classes qui leur sont prêtées par des maîtres formateurs. Il s'agit de dégager le professeur stagiaire de certaines charges mais aussi de le plonger dans la réalité quotidienne d’une classe. Le professeur stagiaire gère la totalité des élèves. Le temps consacré à la séance doit rester proche de la durée « standard ».

En plaçant les professeurs-stagiaires dans des classes de maîtres formateurs, en les aidant à élaborer et à mettre en œuvre des séquences d’enseignement, les concepteurs du scénario semblent faire l’hypothèse suivante : “placer les professeurs-stagiaires dans le contexte "protégé" des classes des maîtres formateurs facilite notamment l'acquisition de gestes professionnels adaptés”. Pour chaque série d’Ateliers, certains gestes professionnels à acquérir sont ciblés comme, par exemple, le moment de passation de la consigne, l'observation précise d'élèves, les moments de mise en commun, de synthèse, ou d’institutionnalisation, la gestion de l'espace, du tableau, du matériel…etc.…

(cf. Annexe A.1) La tâche de l’enseignant est, donc, décomposée en savoir-faire élémentaires auxquels il s’agit de s’entraîner.

1.4. Un dispositif de formation basé sur la mise en commun de pratiques

En organisant un dispositif au cours duquel des professeurs stagiaires, vont ensemble élaborer un projet de séquence puis s’observer mutuellement pour mettre en commun les conclusions de leurs analyses, les concepteurs favorisent une mise en commun des pratiques. Ce choix fait écho à l’hypothèse sur laquelle se base la théorie des communautés de pratique développée par Wenger (1998) : « l'engagement dans une pratique sociale est le processus fondamental par lequel on apprend et on évolue en tant qu'être humain. »

Ainsi, les AAPP s’appuient de manière implicite sur certains cadres théoriques. L’étude des modalités du scénario met en évidence certains des effets attendus a priori par ses concepteurs. Ces attentes se fondent sur des hypothèses déduites de travaux de recherche que les formateurs valident implicitement à travers la conception et la mise en œuvre du dispositif de formation.

Connaître les attentes des concepteurs du dispositif nous permettra de mieux étudier l’activité des professeurs-stagiaires. En effet, de ces attentes se déduisent les contraintes qui pèsent sur les stagiaires en formation et prendre en compte ces contraintes nous permet de mieux évaluer les effets du dispositif sur les pratiques, de cerner les pratiques qui résistent à la formation, celles qui s’enrichissent, celles qui se stabilisent.

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