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Les recherches en ergonomie

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 38-44)

III. CADRES THEORIQUES

2. Pour approcher la cohérence à travers les choix de l’enseignant

2.2. Les recherches en ergonomie

2.2. Les recherches en ergonomie

2.2.1. Etudier les écarts entre le travail prescrit et le travail réel

Etudier les écarts entre le travail prescrit et le travail réel est un sujet d’étude classique de l’ergonomie. À la suite de Ombredane et Faverge (1955), l’analyse du travail opère, notamment, une distinction fondamentale entre tâche et activité, c'est-à-dire entre « ce qu’il y a à faire » et « ce que l’on fait ». Le concept d’activité est né du constat d’un écart toujours irréductible entre la façon dont on a pensé que le travail devait être réalisé et le travail tel qu’il est effectivement réalisé.

Cet écart existe, y compris dans les situations où le travail est présenté comme une

“simple” exécution et où la prescription (fiche technique, procédure, instructions...) prétend rendre compte de la totalité de “ce qui est à faire”. Même lorsque des opérateurs suivent des procédures, ce suivi donne lieu à des activités de perception, d'interprétation et d'action qui ne peuvent être décrites par ces procédures. Le « travail réel » ne correspond jamais exactement à ce que la prescription prévoit.

Leplat n'en reste pas à l'opposition frontale entre travail prescrit et travail réel. Nous reprendrons, à notre compte, la façon dont il envisage ses écarts.

« Le point de vue de la tâche conduit à confronter l'activité à la tâche prescrite et à vérifier finalement si celle-ci en constitue un modèle acceptable. Si les écarts ne sont jugés que par rapport à la tâche prescrite ils le sont de manière négative, comme des infractions aux prescriptions (manques, insuffisances, altérations) : l'agent n'a pas fait ce qu'il devait faire. Mais ces écarts peuvent être aussi conçus dans une autre perspective, à partir de l'idée que l'agent réalise une autre tâche que celle qui lui était proposée et que ces écarts sont à lire dans la logique de cette nouvelle tâche.10 » (Leplat, 1997, p 16)

Ces écarts témoignent de la contribution que chaque opérateur doit apporter pour effectuer une action à partir de ce qui était prescrit. La tâche n’est, ainsi jamais

« exécutée » mais toujours repensée, réorganisée, transformée en fonction de chaque sujet dont la formation, l’expérience et les savoirs sont singuliers.

« Dire alors qu'on prend le point de vue de la tâche pour analyser l'activité ne sera donc pas accorder le primat à l'extrinsèque, mais considérer l'activité comme l'élaboration par le sujet de sa propre tâche. » (ibid., p. 16)

Ce que nous retenons pour notre travail : Nous reprenons à notre compte ce point de vue et envisageons l’analyse de l’activité du maître comme l’élaboration par celui-ci de sa

10 C’est nous qui soulignons.

propre tâche à partir de la tâche prescrite par les formateurs. Là encore, ce qui nous intéresse c’est moins l’écart entre le prescrit et le réel que la façon dont le maître repense, réorganise, transforme en fonction de ses savoirs, de ses représentations, de ses propres finalités, de son expérience professionnelle.

2.2.2. Etudier l’activité du point de vue de la tâche

Observons comment Leplat décrit l’activité de l’agent du point de vue de la tâche qui lui est confiée. Dans le schéma suivant, l'activité de l'agent –considérée comme l’élaboration par le sujet de sa propre tâche - est présentée comme une succession de tâches. Nous utiliserons ce schéma pour bâtir notre méthodologie d’analyse de l’activité du maître et y repérer la manifestation d’une cohérence à travers ses choix, du moment de la séance de préparation jusqu’à la mise en œuvre du projet dans la classe du maître-formateur.

Figure 3 : de la tâche à réaliser à l’activité décrite en termes de tâche. Lire a b comme « b dépend de a ».

Les flèches en retour illustrant les interactions entre certaines des tâches n’ont pas été mentionnées pour ne pas surcharger la figure.

Voici comment Leplat décrit l’activité de l’agent à partir de ce schéma.

(ibid., p. 17)

En amont de l’activité : la tâche à réaliser et la tâche prescrite

A amont de l’activité de l’agent, figure la tâche à réaliser et la tâche prescrite par l’organisateur prescripteur.

La tâche à réaliser est une notion hypothétique : c'est ce que celui qui a conçu ou qui gère la tâche attend de celui qui va la réaliser. Cette tâche est à distinguer de la tâche prescrite qui en est une formulation à l'intention de celui qui doit l'exécuter. (ibid., p. 18)

Leplat explique que ces deux tâches ne coïncident pas nécessairement. Celui qui a défini la tâche prescrite peut s'apercevoir, lors de son exécution, qu'elle ne correspond pas à ses attentes. La tâche prescrite dépend de la représentation que se fait l’organisateur prescripteur de l’agent qui va l'exécuter. Elle contient une part d’implicite.

Le degré d'explicitation dépend aussi de la nature de la tâche. Quand la tâche est simple, répétitive, la procédure peut-être finement décrite. [. . .] À mesure que la tâche devient plus complexe, elle devient aussi plus difficile à procéduraliser. Le cas extrême de tâche discrétionnaire est celui où la tâche est définie par son but (on parle parfois de mission, dans ce cas) ou par des caractéristiques de ce but. (ibid., p. 21)

Il appartient donc à l'agent de découvrir la procédure susceptible de lui permettre d'atteindre le but, c'est-à-dire d’exécuter la tâche attendue par le prescripteur.

L’activité de l’agent

Leplat présente ainsi l’activité et son analyse :

L'activité qui est l'objet de l'analyse psychologique du travail est celle qui vise à l'exécution de la tâche prescrite : c'est à dire que la connaissance de cette tâche est une des clés de la connaissance de l'activité. Aborder la genèse de l'activité à partir de la tâche prescrite consiste à se demander comment l'agent répond à cette tâche, comment il la transforme, éventuellement, en fonction de ses caractéristiques et de ses propres finalités. (ibid., p. 23)

Ainsi, l’activité est vue comme l’exécution même de la tâche et des représentations qui l'accompagnent et qui la guident, c'est-à-dire comme un ensemble qui participe à l'interaction entre l'agent et la tâche prescrite.

o De la tâche prescrite à la tâche prescrite représentée pour l’agent

Selon Leplat, la représentation que se fait l’agent de la tâche prescrite correspond à la question : "Qu'est-ce que vous croyez qu'on attend de vous ?" Cette représentation est liée, bien entendu, à la tâche prescrite, à la manière dont elle est formulée, mais aussi aux caractéristiques de l'opérateur.

Parmi ces caractéristiques, Leplat cite le niveau d'expertise de l’opérateur, sa connaissance du contexte de travail et son histoire personnelle. Ces caractéristiques sont, en effet, susceptibles d’intervenir d’autant plus que la tâche est prescrite de façon sommaire et qu’elle contient une part d’implicite importante. Lorsque l’agent aborde son travail avec une certaine expérience voire expertise acquise au cours de travaux antérieurs, cela peut l’amener à supposer ce que l’organisation attend du travail, même quand ce n’est pas explicité.

o De la tâche prescrite représentée à la tâche redéfinie L’agent est amené à préciser la tâche prescrite.

La tâche prescrite ne constitue pour l’agent qu’un modèle imparfait, plus ou moins incomplet. Il y a toujours de l’implicite dans la tâche prescrite : on ne va pas expliciter des conditions d’exécution qui sont bien connues pour l’agent, étant donné sa qualification. (ibid., p. 27)

Ainsi, la redéfinition de la tâche est une spécification de la tâche prescrite.

La redéfinition s'imposera d'autant plus et sera plus difficile quand la tâche et l’agent seront moins adaptés l’un à l’autre. Ce couplage entre la tâche et l’agent est interprétable comme le degré de compatibilité entre eux. Il marque la nécessité d'envisager les caractéristiques de l'agent par rapport à la tâche et réciproquement.

Quand le couplage est bien conçu, la redéfinition de la tâche est facile et les écarts avec la tâche prescrite ont tendance à être plus faibles. (ibid., p. 27)

D’autre part, comme l’explique Leplat, l’agent ne peut être conçu comme un simple exécutant de la tâche prescrite.

Cette tâche s’inscrit pour lui dans son histoire. Il ne fait pas que réaliser la tâche prescrite, mais il vise aussi par sa réalisation, des buts personnels : des promotions, sa carrière, son intégration dans un groupe, sa santé physique et mentale, etc.… (ibid., p. 28)

La tâche redéfinie apparaît comme le résultat d’un compromis entre deux finalités. L’agent définit sa propre tâche à partir de la tâche prescrite mais aussi à partir de ses propres caractéristiques. Leplat cite plusieurs exemples de caractéristiques de la tâche et de l’agent qui amènent à une redéfinition. (ibid., p. 30)

- La compétence de l'agent

Une source importante des décalages entre la tâche prescrite et la tâche redéfinie est liée à l'adaptation des compétences à la tâche prescrite : l'agent ne voit pas bien "ce qu'il faut faire"

(Il n'est pas en mesure de combler les vides laissées par l'implicite) ou bien il ne sait pas faire ce qu'on lui demande (compétence insuffisante).

- L'adhésion à la conception de la tâche

Les modifications que l'agent introduit dans ce qu'il suppose être la tâche prescrite dépendent pour une part importante de l'adhésion qu'il apporte aux buts et conditions qui lui sont proposés.

- La limitation de la charge de travail

Des modifications de la tâche prescrite peuvent être liées à un souci d'économie. L'agent veut ménager sa santé par exemple.

- Les projets personnels

La tâche prescrite sera souvent modulée en fonction des projets de l’agent. Le souhait de promotion rapide pourra ainsi l’amener à en faire plus qu’on ne lui en demande ». La crainte du chômage conduit parfois à « en rajouter » aux exigences officielles.

o De la tâche redéfinie à la réalisation de la tâche par l'agent

Enfin, au cours du travail, la tâche redéfinie s'actualisera (tâche actualisée) pour coller au plus près du contexte. Elle deviendra tâche réalisée à la fin de l'activité, soit tâche réalisée pour l'agent ou bien pour l'analyste, si un observateur extérieur est présent.

Soulignons enfin le caractère hypothétique de ces tâches intermédiaires :

Alors que l’exécution de la tâche est observable (même si elle comporte une facette inobservable), ces tâches intermédiaires ont un caractère hypothétique et il revient à l’analyste de les faire expliciter, de les identifier à partir d’une méthodologie appropriée. Elles constituent des représentations issues de la tâche prescrite ; leur intérêt a souvent été négligé. (ibid., p.24)

2.2.3. Etudier l’activité du point de vue de l’agent

Nous avons, jusqu’ici, fait référence à l’analyse que fait Leplat de l’activité du point de vue de la tâche. Or, celui-ci envisage un autre point de vue : celui de l’agent.

L’agent intervient de deux manières dans l’activité :

« comme système de traitement de la tâche avec ses propriétés caractéristiques, personnalité, ressources, engagement, etc. »

« comme visant ses propres fins. Par son activité, l’agent ne cherche pas seulement à répondre à la tâche prescrite mais en même temps à se réaliser, à se valoriser, à acquérir un certains statut, à être reconnu par ses pairs, etc.… » (ibid., p. 35)

Selon Leplat, il y a intérêt à distinguer ses deux aspects même s’il estime qu’ils peuvent n'être pas totalement indépendants.

« Les deux aspects de l'agent, système de traitement et générateur de finalité, ne sont pas sans interaction possible. Les finalités que se donne l'agent sont fonction de ses possibilités de traitement de la tâche.

Inversement, les modes de traitement mis en œuvre dépendent des finalités que l'agent adopte et de son degré d'investissement. » (ibid., p. 56)

Dans le cas de l’exécution de tâches d’enseignements, qui sont des tâches complexes, les deux aspects de l’analyse de l’activité de l’agent apparaissent comme étroitement imbriquées et il semble très difficile de pouvoir les distinguer. Il ne nous semble pas possible d’isoler l’enseignant-système de traitement de la tâche et l’enseignant-générateur de la finalité de la tâche.

Ce que nous retenons pour notre travail : Nous retenons de ces cadres théoriques des résultats et des notions. Nous avons à notre disposition des moyens susceptibles de décrire l’activité d’un maître enseignant les mathématiques mais nous aurons besoin de préciser ultérieurement comment nous envisageons de les utiliser à travers la mise au point d’une méthodologie d’analyse des données.

Chapitre 2

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