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Premières analyses, premiers constats

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MISE AU POINT D’UN MODELE D’ANALYSE

I. UNE PREMIERE OBSERVATION DU DISPOSITIF DE FORMATION La première année de recueil des données est consacrée à une première observation du

2. Premières analyses, premiers constats

Au delà de l’analyse des hypothèses sur lesquelles reposent le scénario conçu, cette pré-observation fournit des renseignements quant au scénario effectif.

Au cours de cette première année de recueil des données, nous avons, en effet, recueilli une quinzaine d’enregistrements de séances et d’entretiens. L’ensemble de ces données ne figure pas en annexe et n’a pas fait l’objet d’une analyse systématique. L’objet de ce paragraphe est d’exposer certains constats issus de cette pré-observation qui confortent et précisent nos choix quant à la méthodologie à prévoir pour appréhender la cohérence qui s’installe dans les pratiques enseignantes. Plus précisément, nous nous interrogeons à propos de la possibilité d’utiliser certains des observables issus des séances pour repérer et caractériser la cohérence des pratiques.

2.1. Les contraintes liées au dispositif

Le premier constat que nous faisons est que les injonctions des formateurs pèsent de façon non négligeable sur l’élaboration, la préparation et la mise en œuvre des projets d’enseignement. En effet, la plupart des séquences ont été bâties à partir d’une situation d’enseignement présentée par le professeur d’IUFM en cours de mathématiques. La séance observée est le fruit du projet, certes mis en œuvre par les professeurs-stagiaires mais construit à partir d’une situation proposée par le formateur. Il parait difficile de déduire, à partir du seul protocole de la séance, ce qui constitue une réponse personnelle du professeur-stagiaire aux contraintes qui pèsent sur lui. Ainsi, cette première

observation du dispositif nous encourage à considérer que l’analyse didactique de la séance ne peut suffire à rendre compte des choix personnels de l’enseignant novice et par conséquent, ne peut nous donner les moyens d’approcher la cohérence de ses pratiques.

2.2. Les difficultés des enseignants débutants

Le deuxième constat est que certaines des difficultés rencontrées par les enseignants débutants au moment de la mise en œuvre trouvent leur origine dans la façon dont ils se sont appropriés (ou non) le projet proposé par les formateurs, l’ont adapté, transformé, modifié.

Pour illustrer notre propos, citons l’exemple de deux professeurs P1 et P2. Nous avons analysé pour chacun d’eux l’une des séances menées au cours des AAPP (cf. Annexe A.3).

Les conclusions de ces analyses se rejoignent. P1 et P2 sont confrontés au même type de difficulté : concevoir, prévoir et mettre en œuvre les gestes professionnels susceptibles de permettre l’exécution de la tâche prescrite par les formateurs.

2.2.1. La séance de P1

P1 est chargé de mener une séance au cours de laquelle il devra organiser une situation de communication dans une classe de Petite / Moyenne section14. Cette séance fait suite à des activités de tri. Les enfants travaillent par groupe. Il s’agit pour les enfants de décrire et identifier un objet à partir de deux critères : sa forme et sa couleur. Chaque groupe a une boîte en carton sur laquelle est collée une étiquette représentant différents animaux coloriés de différentes couleurs (un chien bleu, une vache orange …). Chaque groupe doit remplir sa boîte en respectant les indications données par l’étiquette. Pour cela, les enfants jouent successivement deux rôles. Tout d’abord, ils sont « clients » et remplissent des bons de commande puis, ils se mettent au service d’autres clients, deviennent « vendeurs » et vont chercher les objets commandés.

La tâche attendue de l’élève, lorsqu’il est client, est de compléter le bon de commande : il doit identifier deux caractéristiques distinctes (forme et couleur) à partir de l’image collée sur la boîte, choisir les étiquettes correspondant à ces deux critères et les coller. (Codage : par exemple, si l’objet à commander est un chien bleu, les enfants doivent coller sur le bon de commande une silhouette de chien et une gommette bleue).

La tâche attendue de l’élève, lorsqu’il est vendeur, est d’identifier à partir du bon de commande l’objet correspondant : il doit interpréter les étiquettes collées sur le bon de commande comme les deux caractéristiques de l’animal désiré et choisir parmi les animaux en plastique celui qui possède ces deux caractéristiques. (Décodage : une silhouette de chien et une gommette bleue pour un chien bleu)

P1 prescrit la tâche mais précise peu les conditions de réalisation de la tâche. Or, les enfants doivent jouer les deux rôles dans un espace très restreint. Certains enfants n’échangent pas les bons de commande et vont se servir tout seul. D’autres jouent le rôle de vendeur pour un autre groupe mais ne demandent pas le bon de commande, ils préfèrent regarder les dessins figurant sur la boîte et vont chercher l’animal correspondant. Par conséquent, ils ne choisissent pas l’animal en fonction du codage mais

14 Première et deuxième année du cycle I, cycle des Apprentissages Premiers, enfants de 3 à 4 ans et de 4 à 5 ans.

directement à partir du dessin figurant sur la boîte. Dans les deux cas, la tâche effective revient à choisir l’animal correspondant au dessin. Le codage est inutilisé, l’activité de décodage n’a pas lieu. P1 a voulu confier aux élèves des rôles différents mais celui-ci n’a pas perçu ce que cela impliquait au niveau de l’organisation spatiale et matérielle.

2.2.2. La séance de P2

P2 effectue son stage dans une classe de CE 1. Il propose plusieurs situations au cours desquelles les élèves vont être amenés à utiliser différentes procédures pour résoudre mentalement puis par écrit des problèmes additifs.

« Vous imaginez un bus qui part de M. et qui va à V. Au départ, le bus est vide. « 35 personnes montent à M., et 25 personnes descendent à V. Combien il y a-t-il de personnes à V. ? »

Un élève donne la réponse mais ne propose aucune procédure. Certains ont posé l’opération, d’autres l’ont écrite en ligne. P2 pose l’opération au tableau. L’analyse des différentes phases de validation des réponses met en évidence une régularité : P2 explicite lui-même la procédure à utiliser et ne cite qu’une seule procédure possible.

2.2.3. En conclusion

P1 et P2 semblent avoir en commun le fait de ne pas percevoir, dans le cadre de ces deux séances, ce qui justifie les tâches qui leur sont prescrites : leur incidence sur l’apprentissage des élèves et par conséquent, ils ne parviennent pas à mettre en œuvre les gestes professionnels susceptibles de garantir les conditions indispensables à la réalisation de la tâche attendue des enfants.

Dans la séance conduite par P1, faire jouer différents rôles aux enfants est justifié par le fait que pour apprendre à coder et décoder, les enfants doivent être dans une vraie situation de communication avec un émetteur et un récepteur. Par conséquent, pour permettre cet apprentissage, les gestes à mettre en œuvre devaient garantir le bon fonctionnement de cette situation de communication. Par exemple, un enfant ne peut à la fois être émetteur et récepteur. Sans une certaine “distance”, le message perd sa raison d’être.

Dans la séance menée par P2, faire expliciter les procédures se justifie par le fait que pour apprendre à calculer les enfants doivent pouvoir choisir entre différents types de procédures. C’est à l’enfant d’expliciter sa procédure. Le maître doit donner son avis sur la validité, voire l’efficacité des procédures. (Il n’y a pas, ici, de connaissance mathématique, de technique opératoire à privilégier donc toutes les procédures sont acceptables, même si certaines sont plus rapides que d’autres.)

Ce que nous retenons pour notre travail : Les conclusions de l’analyse didactique de ces séances tendent à montrer que les professeurs-stagiaires ne savent pas “comment faire” car ils n’ont pas pris conscience du “pour quoi le faire”.

Cela confirme notre choix de ne pas isoler, dans notre analyse de l’activité du maître, l’enseignant-système de traitement de la tâche et l’enseignant-générateur de la finalité de la tâche, contrairement à ce que suggère Leplat. L’observation des premières séances

recueillies semble montrer que c’est justement dans ces interactions entre la maîtrise de la tâche et la finalité au niveau de l’apprentissage que se situe une part importante des difficultés rencontrées par les enseignants débutants.

Ainsi, nous retenons la nécessité de bâtir une méthodologie d’analyse de l’activité du maître qui nous permette de prendre en compte les interactions entre la façon dont celui-ci s’est représentée la tâche prescrite par le formateur, la façon dont il l’a redéfinie par rapport à ses propres finalités et la façon dont il a, finalement, réalisée cette tâche. C’est, à travers, ces liens que nous pourrons mieux appréhender le parcours de chacun des enseignants de la préparation du projet jusqu’à sa mise en œuvre et ainsi analyser comment celui-ci l’a transformé pour mieux se l’approprier.

2.3.L’évolution des pratiques

Poursuivant cette pré-observation du dispositif, nous nous interrogeons sur l’évolution des pratiques au cours de l’année de formation. L’analyse didactique des séances observées a permis de déceler, dans le paragraphe précédent, certaines des difficultés rencontrées par les stagiaires. La formation permet-elle aux professeurs-stagiaires de dépasser, au cours de l’année, ces difficultés et de réduire cet écart entre la tâche attendue du stagiaire par les formateurs et la tâche réalisée par le stagiaire ?

Nous avons repéré des professeurs-stagiaires pour lesquels les entretiens “à chaud” et en différé semblent avoir eu un impact sur leurs pratiques.

P3 doit, comme P1, mettre en œuvre une situation dans laquelle les élèves vont devoir jouer des rôles différents. Cette stagiaire est accueillie dans une classe de Grande Section de maternelle et elle est chargée de mener une première séance construite à partir de la situation des voyageurs. Lors de la première séance, P3 avait l’intention de confier des rôles différents aux enfants mais elle ne se donne pas les moyens d’y parvenir, ne dévolue pas la tâche, se décourage et renonce. Lors de la deuxième séance, même si elle n’a pas su mettre en place des moyens de contrôle de l’activité des élèves, elle a tout de même réussi à organiser la situation, à dévoluer la tâche. P3 va au-delà des conseils donnés par le formateur durant l’entretien, elle semble s’approprier les gestes professionnels dont il est question et atteindre une certaine stabilité.

Pour d’autres professeurs-stagiaires, les séances et les entretiens semblent avoir moins d’effets sur leurs pratiques.

C’est le cas de P1 qui effectue la deuxième série d’Ateliers dans une classe de CE115. A l’issue de la séance précédente, le formateur avait insisté, au cours de l’entretien, sur la nécessité de circuler d’un groupe à l’autre pour contrôler l’activité des élèves et pour éventuellement la relancer. Lors de la séance suivante, P1 reste dans un premier temps, très statique devant le tableau puis elle circule de tables en tables mais sans vraiment contrôler ce que font les enfants. Elle semble circuler pour être conforme à ce qui est prescrit par les formateurs mais sans être “convaincue”.

15 Cours Elémentaire première année, troisième année du cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux, enfants de 7 à 8 ans.

Une partie de l’entretien « à chaud » concernant la séance menée par un autre professeur-stagiaire portait sur les conditions de la mise en œuvre d’une situation de communication.

Or, P1 semble peu convaincue par l’intérêt de mettre en œuvre une situation de ce type.

Elle revient à un enseignement qu’on pourrait qualifier de transmissif.

Ce phénomène de “résistance” par rapport à la formation est présent également dans l’attitude de P2 et semble même se renforcer au fil des séances. En effet, au cours des autres séries d’Ateliers, on repère les mêmes régularités dans la gestion des phases de bilans et d’institutionnalisation. Il semble même que l’écart entre la tâche attendue par le formateur et la tâche réalisée par P2 soit de plus en plus important car celui-ci se sent de plus en plus à l’aise et prend plus d’autonomie par rapport aux injonctions du formateur.

Certains de ces entretiens ont probablement permis une meilleure maîtrise de l’exécution de la tâche et/ou une clarification de la finalité de la tâche.

Cela tend à confirmer, encore davantage, qu’il est difficile dans le cadre de tâches complexes comme celles de l’enseignant de différencier l’enseignant-système de traitement de la tâche et l’enseignant-générateur de finalités c'est-à-dire de distinguer ce qui dépend de la maîtrise de gestes professionnels de ce qui provient de choix personnels du maître.

Ce que nous retenons pour notre travail : Cette première observation du dispositif, conforte notre choix de renoncer à approcher la cohérence des pratiques à partir des seuls observables issus de la mise en œuvre de la séance. Il faut savoir comment “on en est arrivé là ”, tenir compte du rapport que chacun des professeurs-stagiaires entretient avec la formation, l’idée qu’il se fait de ses capacités à exécuter la tâche prescrite, de ses représentations sur les mathématiques et leur enseignement. Et pour cela, il nous faut mettre en évidence les liens entre ce que le maître pense qu’on attend de lui, ses propres finalités par rapport à la tâche et la façon dont il exécute la tâche et ses propres finalités par rapport à la tâche.

Nous retenons donc la nécessité d’étudier les écarts entre le projet initial et la séance en tenant compte des injonctions des formateurs, des liens entre enseignement et apprentissage, des savoirs mobilisés. Notre intention est donc, à présent, de mettre au point un modèle d’analyse qui nous permet de décrire l’activité du maître du moment de l’élaboration du projet jusqu’à sa mise en œuvre, de rendre compte du processus de modifications grâce auquel le maître s’approprie le projet d’enseignement proposé par les formateurs.

II. MISE AU POINT DE LA METHODOLOGIE DE TRAITEMENT DES

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