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Situation juridique et institutionnelle

Situation 4 dite des langues séparées

4.3. Allemagne : la langue comme identificateur de la nation

4.3.3. Situation juridique et institutionnelle

Le répertoire des aménagements linguistiques de Jacques Leclerc range l’Allemagne dans la catégorie des pays adoptant une politique de non-intervention « qui consiste avant tout à choisir la voie du laisser-faire, à ignorer les problèmes lorsqu’ils se présentent et à laisser évoluer normalement le rapport des forces en présence109 ».

Comme le signale Jürgen Trabant, « toute activité politique en faveur de la langue “ nationale ”, voire une “ défense et illustration ” de la langue nationale comme en France est pratiquement impensable en Allemagne » (Trabant, 2007, p. 71). La honte inhérente à l’épisode ultranationaliste du nazisme a éteint toute velléité d’entamer des politiques de promotion de l’allemand. Néanmoins, s’il n’est fait aucune mention de langue dans la Loi Fondamentale de l’Allemagne110, qui tient lieu de Constitution depuis 1949 (Droz, 1997, p. 105), l’article 3 alinéa 3 dispose que « nul ne peut être victime de discrimination ou de favoritisme en raison de son sexe, de sa descendance, de sa race, de sa langue111. » Plus encore la loi du 25 mai 1976 sur la procédure administrative112 (Verwaltungsverfahrensgesetz) dispose dans son article 23 que la langue officielle de l’administration est l’allemand (Die Amtssprache ist deutsch). Cette mesure semble avoir été adoptée pour faire face à l’immigration croissante en Allemagne et faciliter l’intégration des migrants en les soumettant à un seul cadre juridico-linguistique (Trabant, 2007, p. 75), sachant aussi que le chômage atteint plus lourdement les immigrés que les autochtones113. L’allemand est également reconnu comme langue officielle de la justice et des tribunaux, de l’administration financière fédérale et des Länder, qui détiennent cependant la compétence juridique en matière de désignation des langues officielles114. En effet, la République d’Allemagne a adopté et ratifié la Convention-Cadre pour la protection des minorités nationales, le 11 mai 1995. En 1992, elle a également signé la Charte européenne des langues régionales et minoritaires115. Sont ainsi pourvues d’une existence légale au même titre que le haut allemand : le danois et le frison dans le Land de Schleswig-Holstein suite à l’annexion de cette région, anciennement danoise, par la Prusse de Otto von Bismarck en 1865 (Droz, 1997, p. 39) ; le sorabe dans les Länder de Saxe et de Bandebourg à l’occasion de la réunification des deux Allemagnes en 1990, sanctionné par l’article 14 du Traité d’union (Einigungsvertrag116) ; le bas allemand ainsi que les langues tsiganes sinti et roumani présents dans tous les Länder du nord de l’Allemagne.

110 Cf. annexe 21

111 Niemand darf wegen seines Geschlechtes, seiner Abstammung, seiner Rasse, seiner Sprache, seiner Heimat und Herkunft, seines Glaubens, seiner religiösen oder politischen Anschauungen benachteiligt oder bevorzugt werden. Niemand darf wegen seiner Behinderung benachteiligt werden.

112https://www.gesetze-im-internet.de/vwvfg/__23.html

113http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/allemagne_pol-lng.htm

114http://deacademic.com/dic.nsf/dewiki/2245414

Abgesehen von den reinen Bundesaufgaben, obliegt in Deutschland gemäß der Art. 30, Art. 70 Grundgesetz (siehe auch Art. 23 Abs. 6 GG) die rechtliche Kompetenz, Amtssprachen zu bestimmen, als Teil der Kulturhoheit der Länder bei den einzelnen Bundesländern.

115http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/allemagne_pol-lng.htm 116http://www.documentarchiv.de/ddr/1990/einigungsvertrag.html

VII. Carte des Länder de la République fédérale d’Allemagne (13 Länder et 3 villes États (Brême, Hambourg et Berlin).

© http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/allemagne_LanderC.htm

Enfin, dans la même logique que la juridiction linguistique, l’enseignement relève également de la compétence locale des Länder. Le système éducatif n’est pas centralisé mais les principales variations concernent les heures hebdomadaires de classe et l’âge du début de la

scolarisation117. L’allemand standard est la langue de scolarisation généralisée dans les 16 Länder et des aménagements d’horaires ou des classes spécifiques sont mises en place pour

les non-germanophones afin d’accélérer leur apprentissage linguistique118. 4.3.4. Conclusion

Par sa grande tolérance linguistique, l’Allemagne a été amenée à reconnaitre les pratiques historiquement diglossiques de ses régions et, par extension, à accepter légalement la présence

117https://www.bildungsxperten.net/wissen/das-schulsystem-in-deutschland-funktionen-und-aufgaben/ 118http://www.goethe.de/lrn/prj/wnd/idl/sua/sys/deindex.htm

de langues allogènes telles que la sorabe, le frison, le danois ou certaines langues tziganes considérées comme endémiques de leurs régions de diffusion.

Mais la langue allemande dans sa variété standard est devenue, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une langue internationale présente notamment auprès des institutions européennes comme langue de travail supranationale à côté de l’anglais et du français. Or sa grande perméabilité à l’anglais et l’absence de sa promotion par les autorités nationales mènent à son déclin dans les usages internationaux réguliers :

« Ce qui est définitivement en jeu à l’avenir, c’est le rôle international, surtout européen, de la langue allemande. Des recherches récentes montrent que, dans divers domaines, en particulier ceux de la science et du commerce, l'Allemagne a depuis longtemps perdu son importance antérieure ou l'a cédée à l'anglais. Bien qu’il s’agisse d’une langue de travail égale sur le papier, en particulier dans le contexte de l’Union européenne, la quasi-totalité des actes officiels sont rédigés en français, mais surtout en anglais119 » (Bär, 1999, p. 4782).

Son apprentissage en tant que langue étrangère est également en baisse (ibid.), mais surtout la tolérance diglossique soulève un problème également remarqué en Suisse alémanique (Trabant, 2007, p. 74) de distance trop importante entre la variété standard et la variété régionale. L’intercompréhension entre les deux formes linguistiques est menacée et la multiplication des emprunts à l’anglais dans les médias rend la connaissance du haut allemand aléatoire. La question se pose dès lors de sa maîtrise en tant que langue de scolarisation dès le niveau primaire, du fait de la présence accrue de non-germanophones ou de germanophones en délicatesse avec la langue standard. Les résultats des évaluations de l’étude internationale PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) suscite des préoccupations nationales quant à la qualité de compréhension de la langue à l’échelle nationale (ibid.). La pluriglossie est consubstantielle de la culture allemande mais, à l’heure de l’internationalisation des échanges et de l’hégémonie linguistique anglaise, cette pluriglossie risque à terme de nuire à la pérennité de la langue haut-allemande en tant que langue interrégionale et diplomatique.

119 Was in Zukunft durchaus in Frage steht, ist die internationale, vor allem die europäische Rolle der deutschen Sprache. Neuere Forschungen zeigen, dass das Deutsche in verschiedenen Bereichen, vor allem in der Wissenschaft und in der Wirtschaft, international gesehen seine frühere Bedeutung seit längerem verloren bzw. an das Englische abgetreten hat. Speziell im Kontext der Europäischen Union ist es zwar auf dem Papier eine gleichberechtigte Arbeitssprache, faktisch werden aber nahezu alle Amtshandlungen in französischer, vor allem aber in englischer Sprache vorgenommen.