• Aucun résultat trouvé

Politique linguistique post-coloniale

Situation 4 dite des langues séparées

4.5. Malte : carrefour de la Méditerranée

4.5.2. Politique linguistique post-coloniale

Par l’article 5, chapitre 1er, de la Constitution de Malte142, la langue nationale de Malte est le maltais. Par ailleurs, le maltais et l’anglais sont reconnus comme les deux langues officielles et administratives du pays. La Constitution prévoit en outre que les communications avec l’administration peuvent se faire dans chacune de ces deux langues indifféremment et que l’administration répondra alors à l’administré dans la langue que ce dernier aura choisie. Le maltais est également la langue privilégiée des tribunaux mais le Parlement peut prendre des dispositions pour assurer l’usage de l’anglais suivant certains cas spécifiques. Enfin, le Parlement lui-même dispose d’un droit discrétionnaire en matière d’usage de l’une ou l’autre des deux langues.

Cependant, la maltais bénéficie d’une prévalence par rapport à l’anglais comme le dispose l’article 74 du chapitre 6 de la Constitution : « S’il y a conflit entre la version maltaise et la version anglaise d’une loi, la version maltaise prévaut143 ».

142 Cf annexe n° 22

Enseignement

Les langues d’enseignement sont le maltais et l’anglais telles que définies par une circulaire émanant du ministère de l’Éducation nationale en 1999. Le document préconise l’usage du maltais dans cinq disciplines : maltais ; études sociales ; histoire ; religion ; développement personnel et social. Les autres disciplines sont dévolues à l’anglais à l’exception des langues étrangères à enseigner dans la langue cible (Camilleri Grima, 2013, p. 52). Il faut noter que l’anglais prédomine dans l’expression des chiffres, des calculs et des mathématiques en général car il n’existe pas de manuel de mathématiques en maltais (Vanhove, 1994, p. 178). Cet état de fait a été entériné en 1999 par la circulaire ministérielle qui recommande une séparation des langues d’enseignement par discipline, orientant ainsi le choix de la langue d’enseignement de la matière par la langue du manuel utilisé en cours (Camilleri Grima, 2013, p. 52). La volonté sous-jacente de cette stricte séparation semble également d’entraver une tendance générale à l’alternance codique en classe entre l’anglais et le maltais et favoriser les compétences monolinguistiques des élèves en maltais ainsi qu’en anglais (ibid.). Le « code-switching » est en effet pénalisant pour les examens scolaires finaux, les examens d’entrée à l’université et les examens d’embauche ou les compétences monolingues en maltais et en anglais sont requises. Cependant, la langue d’enseignement est majoritairement le maltais à l’exception des disciplines pour lequel le manuel est en anglais. Enfin, aucune directive gouvernementale ne précise la langue à privilégier en termes de langue d’enseignement. Il en résulte un recours très fréquent à l’alternance codique et cette pratique est répandue dans tous les secteurs de la société jusque dans la rédaction de textes réglementaires ou juridiques

« Non seulement les fonctionnaires mais également le public en général est supposé être bilingue dans le même domaine ou pour le même sujet. Si quelqu’un n’est pas un locuteur aguerri dans les deux langues, il se sentira le plus souvent certainement exclu et désavantagé144 » (Camilleri Grima, 2013, p. 49).

144 Not only civil servants but the general public is expected to function bilingually in the same domain and for the same purpose. If someone is not fluent in both languages they are surely going to find themselves excluded and disadvantaged at one point or another, and more often than not.

Promotion du maltais

Depuis que le maltais est devenu une des langues officielles de l’Union européenne, il est devenu une des langues de rédaction des actes officiels des Institutions européennes. Il doit donc être une langue de traduction et d’interprétation. Il fait donc l’objet d’un enseignement spécifique encouragé par le fait que Malte est une destination touristique prisée dont le secteur est en perpétuelle croissance. Ces facteurs ont favorisé l’émergence d’une industrie spécifique des écoles de langue. Par ailleurs, Malte étant un pays également anglophone, de nombreux touristes linguistiques s’y rendent pour bénéficier d’une formation en anglais langue étrangère. La présence accrue de touristes et le nombre d’emplois que génère le secteur entretient la nécessité, pour les Maltais, de garder un très haut niveau de compétence à la fois en anglais145 et en maltais (Camilleri Grima, 2013, p. 47). D’un autre côté, le fait que le maltais détienne un statut diplomatique dans les Institutions européennes a suscité un regain d’intérêt pour sa promotion et son développement. Dans le prolongement de la création de l’Union des Écrivains Maltais en 1920, qui joua un grand rôle dans la reconnaissance de la langue – notamment grâce au succès de l’adoption du système orthographique qu’elle proposa en 1934 –, le gouvernement maltais a signé le Maltese Language Act en 2004 qui a présidé à la création du Conseil National pour la Langue Maltaise (Il-Kunsill Nazzjonali tal-Ilsien Malti) en avril 2005 (Fabri, 2010, p. 805). Cet organisme a pour mission de promouvoir la langue maltaise à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières de l’État ainsi que d’observer et de tenir compte des évolutions de la langue maltaise pour actualiser son vocabulaire et son orthographe146 (ibid.).

Outre les ressources linguistiques classiques dont la langue est le moteur, le maltais est également la langue d’une importante production littéraire et poétique qui maintient son attrait et entretient sa vitalité. Cette production se diffuse par l’intermédiaire d’organisations telles que L’Académie de la langue maltaise (Akkademja tal-Malti), la Société des Poètes Maltais (Għaqda Poeti Maltin) ou encore la Société de Littérature Maltaise (Għaqda Letterja Maltija)

(ibid.).

145 The strong tourism industry requires the local population to be fluent in other languages than Maltese ; while the English language industry provides employment specifically for those with a very high fluency in English.

146 Together with promoting the Maltese Language, both in Malta and abroad, and promoting the “dynamic development of such linguistic characteristics as identify the Maltese people”, one of the stated functions of the Council is “to adopt a suitable linguistic policy backed by a strategic plan” and make sure that it is “put into practice and observed in all sectors of Maltese life”. The law also specifically refers to the task of updating “the orthography of the Maltese Language as necessary, and from time to time, establish the correct manner of writing words and phrases which enter the Maltese language from other tongues”.

Bilinguisme ou diglossie

L’État maltais est officiellement bilingue maltais-anglais, mais les ressortissants sont très fréquemment trilingues maltais-anglais-italien. En effet, même si l’italien a perdu toute existence légale dans le pays en 1936, son influence s’est maintenue en vertu, d’une part, de sa longue présence historique sur l’archipel ; d’autre part, de la proximité géographique de Malte et de l’Italie et de l’attrait élevé des Maltais pour les programmes télévisés italiens largement diffusés à Malte (Vanhove, 1994, p. 170). Toutefois, cette présence médiatique tend à décliner avec le développement de la télévision par satellite et l’intérêt de plus en plus important pour les chaînes anglophones internationales. Les nouveaux comportements vis-à-vis des médias réduisent la place de l’italien dans la société maltaise et une proportion grandissante de jeunes maltais ne connaît plus cette langue (Busuttil Bezzina, 2013, p. 131). Le maltais et l’anglais sont prédominants dans les médias comme dans toute la société maltaise.

En revanche, le statut des deux langues dans leur contexte de cohabitation ne fait pas consensus auprès des observateurs ni des linguistes. Anne-Marie Busuttil Bezzina souligne que « la plupart des chercheurs parlent d’une situation de bilinguisme actuellement sans diglossie pour ce qui est du rapport entre l’anglais et le maltais, et par ailleurs d’une relation diglossique entre le maltais standard et le maltais dialectal » (Busuttil Bezzina, 2013, p. 139). Les tenants de cette position adoptent la taxinomie de Joshua A. Fishman de « bilinguisme sans diglossie » pour asseoir leur propos. J. Fishman, qui définit cette catégorie comme typique des migrants parlant leur langue originelle à l’intérieur du foyer et la langue du pays d’accueil dans tous les autres contextes, présente le bilinguisme sans diglossie comme un état caractérisant « une aptitude linguistique individuelle tandis que la diglossie est une caractérisation de l’attribution par la société de fonctions différentes aux langues ou variétés présentes147 » (Fishman, 1972, p. 83). Dans le contexte maltais, on en déduit que l’anglais et le maltais ne sont pas en concurrence sociale et qu’ils ne relèvent pas d’usages spécifiques différenciés mais qu’ils sont requis de façon indistincte par les locuteurs quelle que soit la situation. La position de la linguiste Antoinette Camilleri Grima est, à ce sujet, sans équivoque :

147Bilingualism is essentially a characterization of individual linguistic versatility whereas diglossia is a characterization of a societal allocution of functions to different languages or verieties.

« Même s’il est vrai que la langue anglaise à Malte est un héritage des lois coloniales britanniques de 1800 à 1964, elle a été accueillie avec bienveillance par la population locale en tant que ressource supplémentaire, sans crainte de constituer une menace pour le maltais ni sans susciter de sentiment anti-impérialiste. L’anglais est utilisé à côté du maltais dans une situation de bilinguisme sans diglossie148 » (Camilleri Grima, 2013, p. 46).

Cependant, Anne-Marie Busuttil Bezzina fait état de constats d’usages différenciés de l’anglais et du maltais qui peuvent relever de considérations diglossiques, outre la diglossie maltais standard / dialectal clairement observée. Elle note des variations tant diastratiques que diaphasiques dans le choix de l’emploi d’une langue plutôt qu’une autre en fonction de l’appartenance sociale du locuteur (variation diastratique) ; en fonction du contexte professionnel (variation diaphasique)149.

Ainsi, pour les variations diastratiques, elle remarque que « l’emploi de l’anglais augmente chez les familles avec un statut social ou un niveau d’éducation plus élevés » (Busuttil Bezzina, 2013, p. 100). Parallèlement, le maltais est plus fréquent au sein de la classe ouvrière (ibid, p. 101). Le système scolaire maltais amplifie le phénomène diglossique par le fait que le type d’école fréquentée conditionne l’inclination privilégiée vers l’une ou l’autre langue. À Malte, les écoles privées, confessionnelles ou indépendantes, sont valorisées par rapport aux écoles d’État. Mais les places y sont limitées et les frais élevés. Choisies par les franges les plus aisées de la population comme des établissements d’élite, elles utilisent majoritairement l’anglais en tant que langue de scolarisation (ibid, p. 103).

Concernant les variations diaphasiques, elles se situent notamment dans le contexte professionnel. « L’anglais est la langue de la plupart du matériel imprimé utilisé à Malte » (ibid, p. 142). Il est également la langue principale des courriers électroniques et pratiquement seule variété dans les secteurs bancaire, commercial, industriel et technologique (ibid.). De ce fait, l’anglais est impératif dans un certain nombre de domaines d’activités et indispensable pour

148 While it is true that the English language in Malta is a heritage of British colonial rule from 1800 to 1964, it has been welcomed by the local population as a resource, without fearing it as a threat to Maltese, and without recourse to anti-imperialist sentiments. It is used alongside Maltese in a situation of bilingualism without diglossia.

149 Martin Glessgen (Linguistique romane, 2012, p. 113-114) donne des définitions des variations diastratiques et diaphasiques inspirées des travaux de E. Coseriu :

Variation diastratique : déterminée par des différences sociologiques dans la communauté, l’appartenance à des couches ou des groupes sociaux spécifiques ;

Variation diaphasique : déterminée par des données situationnelles liées à certains contextes et supposant des formes linguistiques reconnaissables dans ces contextes.

une évolution de carrière. Dans le cadre de la progression professionnelle, la seule maîtrise du maltais standard n’est pas suffisante :

« En dehors de ces cadres institutionnels où le maltais est imposé, c’est l’anglais qui jouit du statut de variété High (désormais H). Le maltais est de loin la langue la plus utilisée pour la conversation quotidienne, mais la majorité de la population écrit automatiquement en anglais. Les communications écrites du secteur privé (entreprises, institutions financières, organisations diverses) et les pancartes dans les magasins sont en anglais. Le maltais n’est pas assez développé lexicalement pour qu’on s’en serve dans certains secteurs professionnels, comme la médecine, l’ingénierie et l’informatique. L’anglais est la langue des colloques, de l’éducation universitaire et de la recherche » (Bezzina, 2014, p. 21).

En dépit des efforts nationaux pour imposer le maltais dans toutes les institutions administratives et gouvernementales du pays, puisque la version maltaise des textes de loi fait foi, l’anglais conserve une position de prestige par la valorisation sociale qu’il procure à ses locuteurs. On en déduit, en creux, que certaines parties de la population n’ont pas une maîtrise équivalente du maltais et de l’anglais. Et Anne-Marie Busuttil Bezzina signale que la distribution linguistique est variable selon la localisation géographique dans l’archipel, donnant lieu à une autre forme de diglossie maltais standard / maltais dialectal. Le maltais standard est la variété valorisée en milieu urbain, notamment dans la région de la capitale La Valette ; le maltais dialectal se retrouve dans les localités où, dévalorisé et limité à ces zones, le maltais standard est appris comme une deuxième variété (Busuttil Bezzina, 2013, p. 109). « La vaste majorité des locuteurs d’un dialecte le répriment d’ailleurs dans les situations plus formelles (interlocuteur inconnu ou jugé digne de respect, et ainsi de suite) » (ibid, p. 110).

Ce contexte national pluriglossique donne lieu à des représentations contrastées entre les différents groupes qui tendent à se distinguer par leurs habitudes linguistiques :

« Dans les zones branchées de l’île, une partie des habitants n’utilise que l’anglais ou le mélange maltais-anglais (désormais MMA). Le reste de la population les appelle par moquerie tal-pepè (les “ fins snobs ” de la ville de Sliema et de sa région) pour leur façon de parler. Certaines zones ont des dialectes régionaux, que beaucoup voient d’un mauvais œil en les appelant talħamalli (les “ criards ”) » (Bezzina, 2014, p. 20).

Alternance codique et mélange maltais-anglais

L’archipel voit se développer une quatrième variété linguistique, à côté du maltais dialectal, du maltais standard et de l’anglais, issue de la cohabitation entre les deux dernières : le mélange maltais-anglais (MMA).

La linguiste Antoinette Camilleri Grima a mis en évidence l’usage fréquent à tous les niveaux de la société d’une alternance entre l’anglais et le maltais au sein d’une même conversation comme d’un même document officiel tel qu’un contrat commercial, un discours politique, une célébration religieuse ou un devoir scolaire, qui implique que les interlocuteurs, co-contractants, auditeurs, doivent posséder des compétences élevées dans les deux langues150 (Camilleri Grima, 2013, p. 49). Le phénomène est en particulier très fréquent en milieu scolaire, notamment à cause de l’alternance de langues des manuels en fonction des matières étudiées, certains manuels étant en maltais (pour l’histoire ou le maltais par exemple), d’autres fréquemment en anglais (mathématiques, sciences) (ibid.).

Pour Anne-Marie Busuttil Bezzina, le recours à l’alternance codique manifestée par le MMA est de nouveau un signe ostensible d’affirmation sociale de prestige et d’autorité :

« En dehors de ces cadres réglementés, l’inclusion de nombreux termes et expressions anglais dans le discours professionnel semble être associée à un certain statut, à l’efficacité, au professionnalisme, et dans certains cas, à l’autorité du décideur. » (Bezzina, 2014, p. 30).

L’anglais ainsi que son pendant local le Mélange Maltais-Anglais, endossent, du point de vue d’A.-M. Busuttil Bezzina, le rôle de variété H dans la terminologie de Charles A. Ferguson, par rapport aux maltais standard et dialectal qui tiennent lieu de variété L. Au contraire, l’émergence du MMA est, pour A. Camilleri Grima, le symptôme d’un bilinguisme proche de l’équilibre où les deux variétés en présence sont postulées également maîtrisées et interchangeables par tous les Maltais au gré de leurs besoins communicationnels.

Le bilinguisme sans diglossie est un fait institutionnel : l’anglais et le maltais sont équivalents dans les textes, avec une prime au maltais, promu par le Conseil National pour la Langue Maltaise et seule version opposable en cas de doute interprétatif entre les textes maltais et

150 Such a contract is to be signed between an individual person or group of persons on the one hand, and the state on the other. In this case, the contract was made available only in the Maltese language, but the details relating to the site plan, the map references and scale provided on a separate page attached to the contract are solely provided in English. In this example, both languages are used within the same document, albeit separately, and the public is expected to understand all that is written in each language.

anglais. Néanmoins, l’anglais endosse un rôle de positionnement social et géographique de ses locuteurs : urbains, aisés, bien formés. Aussi A.-M. Bezzina tranche-t-elle la question par l’expression de situation « relativement diglossique » :

« À notre avis, l’affirmation que la situation linguistique de Malte se caractérise par le bilinguisme sans diglossie ne peut s’appliquer qu’au niveau institutionnel 10, où la projection du maltais est forte. Au niveau social, la diglossie régit les rapports entre les deux langues. Il serait plus pertinent de décrire la communauté maltaise comme relativement diglossique » (Bezzina, 2014, p. 22).

4.5.3. Conclusion

Le cas maltais offre, sur le continent européen, l’exemple de situations coloniales communément observées sur tous les autres continents d’implantation d’une variété linguistique exogène imposée par le colonisateur à l’image de ce que décrivait Léopold Sédar Senghor concernant la diffusion du français au Sénégal sur 300 ans de présence française dans le pays (Sédar Senghor, 1968, p. 132). Et, tel que le montre Pierre Dumont à propos de l’appropriation du français par les colonisés pour nommer des situations locales spécifiques (Dumont, 1990, p. 40), Malte s’empare de l’anglais pour l’agréger à la variété indigène et donner naissance à une nouvelle variété hybride qui requiert cependant une compétence élevée dans chacune des deux composantes linguistiques du Mélange Maltais-Anglais. Pour autant, les deux langues officiellement répertoriées par les institutions sont statutairement le maltais standard, langue nationale et officielle, et l’anglais colonial, co-officiel. La taille réduite du territoire et de la communauté ont permis la préservation de la variété locale au rang de première langue officielle, au contraire de contextes coloniaux, africains par exemple, où l’abondance de langues locales juxtaposées n’a pas autorisé la promotion officielle de l’une d’entre elles (à l’image du Mali par exemple qui reconnaît le français langue officielle face à 13 langues nationales identifiées (Chaudenson & Rakotomalala, 2004, p. 148)).

L’autre intérêt du cas maltais réside dans la différence de perception de la structure sociolinguistique du pays par les observateurs locaux. D’un point de vue épi-sociolinguistique, Malte ne crée pas le consensus. Certains y voient une situation de bilinguisme national sans concurrence des deux langues locales ; d’autres y décèlent les éléments d’une diglossie compétitive entre l’anglais, perçu comme plus prestigieux, et le maltais dévalorisant. Cette dissension soulève la question du point de vue du chercheur et l’interférence de son propre vécu et de ses propres représentations dans l’élaboration de son diagnostic. L’étude épistémologique

du cas maltais démontre que l’analyse sociolinguistique ne se départit pas de la position de l’observateur, fût-elle idéologique ou culturelle.

Une deuxième interrogation porte sur la nature même de tout environnement multilingue. La cohabitation de deux ou plusieurs variétés linguistiques sur un même territoire peut-elle donner lieu à une juxtaposition neutralisée et pacifiquement pérenne ou des enjeux diglossiques sont-ils consubstantiels des contacts de langues ? La controverse au sujet de Malte ne permet pas de confirmer l’hypothèse du bilinguisme sans diglossie.

4.6. Conclusions

Les quatre cas étudiés procèdent d’héritages historiques distincts pour modeler des situations de contacts de langues qui placent tous ces pays dans la seule et même problématique de l’organisation ordonnée de ces différentes variétés sur un même territoire. L’observation appelle toutefois certaines remarques :

- Bien que leurs histoires soient spécifiques la Norvège et Malte partagent une même origine du multilinguisme : une importation imposée par une puissance étrangère. Cette importation était de type colonial à Malte ; de type géopolitique en Norvège, plaçant le pays sous la tutelle politique et économique d’un État voisin mais sans réelle entreprise