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Les organisations érigées sur un patrimoine linguistique commun

Situation 4 dite des langues séparées

3.7. Typologie des politiques linguistiques

3.7.4. Les organisations érigées sur un patrimoine linguistique commun

Il existe des organisations supranationales qui n’ont pas développé de politique linguistique spécifique équivalente au CECRL mais qui se sont forgées sur la base d’un patrimoine linguistique commun et qui œuvrent à la promotion et à la diffusion de ce patrimoine à l’image du modèle de J. Leclerc des « politiques d’internationalisation linguistique ». On pense alors au Commonwealth réunissant d’anciennes colonies de la Couronne britannique ou à l’Organisation internationale de la Francophonie.

3.7.4.1. Le Commonwealth

Fondé en 1949 par l’ensemble des États ayant accédé à l’indépendance mais qui avait jusqu’alors composé l’Empire colonial britannique, le Commonwealth71 est une organisation intergouvernementale de 53 États souverains. Certains ont accédé au rang de république comme l’Inde, le Ghana ou le Pakistan, d’autres ont conservé leur statut de dominion ayant toujours à leur tête le monarque anglais. Dans sa déclaration de principe de 1971, le Commonwealth se définit comme « une association volontaire d’États souverains indépendants qui se consultent et coopèrent dans l’intérêt commun de leurs peuples et dans la promotion de l’entente internationale et de la paix mondiale72 ». Ses missions sont principalement axées sur les droits humains, le développement du secteur public, le développement et l’émancipation des individus.

Mais il rassemble surtout 2,4 milliards d’individus73 dans ses 53 pays, locuteurs de l’anglais dans de nombreux cas : Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Inde, Bangladesh, Pakistan, Nigeria, Afrique du Sud pour n’évoquer que les plus nombreux sur les cinq continents. Dans ce cadre il abrite The English-Speaking Union (ESU)74 qui « promeut l’entente internationale et l’accomplissement humain à travers l’usage étendu de la langue anglaise de par le monde75 » ainsi que The Association for Commonwealth Literature and Languages studies (ACLALS) qui propage la littérature et les auteurs de langue anglaise par l’intermédiaire d’agences réparties dans toute l’organisation. Par son poids démographique, sa dispersion géographique et sa puissance économique, le Commonwealth est un instrument efficace de valorisation et de diffusion de l’anglais qui peut se passer d’une politique concertée d’aménagements linguistiques pour le maintien et la propagation de la langue mais qui doit gérer de façon interne la cohérence de ses diverses variétés géographiques pour en assurer l’homogénéité et l’intercompréhension entre tous ses locuteurs.

71http://www.commonwealthofnations.org/commonwealth/

72 « The Commonwealth is a voluntary association of independent sovereign states… consulting and cooperating in the common interests of their peoples and in the promotion of international understanding and world peace. »

73https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/04/20/qu-est-ce-que-le-commonwealth_5288362_4355770.html

74http://www.commonwealthofnations.org/commonwealth-directory/organisations-by-sector/language-and-literature/

75 « ESU promotes international understanding and human achievement through the widening use of the English language throughout the world. It has active groups in over 50 countries. »

3.7.4.2. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) Sur le modèle du Commonwealth, L’Organisation internationale de la Francophonie regroupe, depuis la Charte de la Francophonie adoptée au sommet de Hanoi en 1997, plusieurs pays dans le monde, initialement réunis par leur partage de la langue française au sein de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). Il s’agissait alors majoritairement d’anciennes colonies de l’Empire colonial français ayant accédé à l’indépendance. Depuis, l’organisation s’est ouverte à des pays dont le français n’est pas langue officielle. À ce jour, elle regroupe 88 pays76 répartis en trois groupes : 54 membres de plein droit, 7 membres associés, 27 membres observateurs parmi lesquels aucun n’est francophone (y figure la province canadienne de l’Ontario qui est anglophone). Cependant, « c’est au regard de la place qu’occupe la langue française dans le pays concerné que sont examinées les demandes d’adhésion. La qualité de membre associé nécessite de faire “ la démonstration détaillée d’une situation satisfaisante de l’usage du français77”. »

À l’instar du Commonwealth, l’OIF multiplie ses actions en direction de missions d’ordre humanitaire, économique et social : la paix et la démocratie, le développement durable, l’égalité homme-femme, l’innovation technologique. Mais un de ses objectifs prépondérants reste la « promotion de la langue française et de la diversité culturelle linguistique ». Dans ce cadre spécifique, l’OIF s’est dotée d’outils qui lui permettent d’analyser la situation de français dans le monde. On y compte l’Observatoire de la langue française78 qui « recueille et analyse des données sur le français » et qui recense le nombre de locuteurs à travers le monde. Il les estime actuellement à environ 300 millions.

De plus l’OIF dispose de l’Agence universitaire de la Francophonie79, association qui regroupe des institutions d’enseignement et de recherche en français. Elle compte aussi l’Université Senghor80, installée à Alexandrie en Egypte, qui propose des formations de 3e cycle universitaire en français.

Enfin, la chaîne internationale de télévision TV5Monde81 sert de relai médiatique à l’OIF. On y retrouve des programmes d’information et de divertissement en français. De surcroît, le site

76https://www.francophonie.org/IMG/pdf/som_xvii_membres_oif.pdf 77https://www.francophonie.org/Les-modalites-d-adhesion-a-l.html 78http://observatoire.francophonie.org/ 79https://www.francophonie.org/Agence-universitaire-de-la.html 80https://www.francophonie.org/Universite-Senghor-alexandrie-11.html 81http://www.tv5monde.com/

internet de la chaîne propose un lien vers une rubrique langue française82. La partie Langue Française constitue à la fois un site d’auto-apprentissage (la page [Apprendre]) et un centre de ressources didactiques pour les enseignants en Français Langue Étrangère (la page [Enseigner]). Toutes les activités sont calées sur l’échelle de niveau du CECRL et sont didactisées selon les publics cibles.

L’OIF suit donc une démarche ouvertement militante dans la promotion de la langue française et dans la défense de ses positions géopolitiques. L’objectif est à la fois de défendre sa position de langue internationale face à l’anglais, l’espagnol, l’arabe ou le chinois ; et aussi de convertir des nouvelles populations à son usage régulier. À ce titre, l’OIF, organisation internationale d’États souverains, est engagée dans une politique ostensible de défense et d’aménagement du statut de la langue à l’échelle de la planète puisque le français est lui aussi présent sur les cinq continents.

Chapitre 4. Études des cas d’États plurilingues

4.1. Introduction

Le présent chapitre a pour vocation de passer en revue différents types de configurations sociolinguistiques nationales dans lesquels le multilinguisme est la règle mais où sa gestion donne lieu à des dispositions sociales et législatives différentes. Les quatre cas étudiés sont situés en Europe, et trois d’entre eux sont membres de l’Union européenne. Dans la typologie des politiques linguistiques de J. Leclerc, ils se classent sous des rubriques diverses :

- la Belgique fédérale appartient à la rubrique « Bilinguisme fondé sur les droits territoriaux », mais Bruxelles-Capitale se retrouve à « Bilinguisme fondé sur les droits personnels » ;

- la Norvège et Malte appartiennent aussi à cette catégorie précitée ;

- l’Allemagne entre dans les catégories « De non-intervention » et « D’internationalisation ».

Il s’agit de mettre le cas luxembourgeois en perspective aux côtés d’autres modèles géographiquement proches mais dont l’histoire et la structure linguistiques divergent et conduisent à ranger chaque pays dans des rubriques différentes. La démarche est comparative pour dégager des singularités propres à chaque modèle, et des constantes qui peuvent se dessiner malgré la variété des situations. L’aperçu de ces exemples montre néanmoins à quel point les multilinguismes peuvent diverger en dépit d’une certaine proximité géographique et parfois culturelle, comme c’est le cas entre le Luxembourg et la Belgique, deux États dont les histoires respectives sont intimement liées au sein du Benelux.

Ce chapitre a d’abord pour ambition d’illustrer cette variété de situations, puis d’observer la manière dont le multilinguisme est appréhendé et enfin de mesurer les résultats des politiques locales spécifiquement entreprises avant d’analyser dans le détail le cas particulier du Luxembourg. Pour ce faire, un bref aperçu historique est nécessaire pour chaque région, suivi d’un panorama des politiques linguistiques respectives entreprises afin de comprendre les origines de la situation actuelle et des aménagements qui y ont pris en place.