• Aucun résultat trouvé

Un « schéma mental » de la relation d’emploi

Dans le document tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013 (Page 30-34)

Le CP prend ainsi la forme d’une « trame mentale » permettant de rendre compte des aspects explicites et implicites de la relation d’emploi. Nous soulignons le « schéma mental » (Rousseau, 1995, 2001, 2004) que représente le CP en tant que structure cognitive des croyances relatives aux obligations réciproques inhérentes à la relation d’emploi ou, dit autrement, de ce que l’organisation attend d’un employé et de ce que ce dernier peut recevoir en échange (Rousseau, 1995, 2001 ; Shore & Tetrick, 1994). Nous présentons aussi les processus organisationnels et individuels qui interviennent dans sa formation.

Le contrat psychologique comme « schéma mental » de la relation d’emploi

Les employés et employeurs peuvent tenir des vues différentes sur son contenu ou encore sur le degré par lequel chaque partie a rempli les obligations mutuelles de l’échange. La création d’un CP peut donc résulter de significations implicites reliant une interprétation individuelle d’actions à des évènements à l’intérieur de l’organisation (Coyle-Shapiro et Kessler, 2000). En tant que schéma mental, le CP, d’une part, aide les employés à définir le contenu et les caractéristiques de leur relation d’emploi et, d’autre part, influence la manière dont ils interprètent et se souviennent des obligations et des promesses qui la définissent. Le CP agit donc comme un « filtre » au travers duquel la relation d’emploi est perçue, interprétée et vécue par l’employé. Rousseau (2001) considère que les schémas peuvent varier en fonction de leur complexité, du niveau d’abstraction des croyances cognitives qui les composent et des interrelations qui existent entre elles. Au départ, le schéma mental tend à être relativement simple : il se compose d’un nombre limité d’éléments et d’interrelations. A mesure qu’il se développe, il gagne en complexité et en abstraction de telle sorte que la signification attribuée à un élément s’enchâsse dans un niveau de signification plus élevé. Rousseau (2001) distingue trois niveaux de signification :

 Les croyances relatives aux termes et aux conditions de la relation d’emploi concernant les obligations réciproques qui lient une personne à son organisation.

 Les significations associées aux croyances sur la nature de la relation d’emploi

 L’idéologie et les normes qui lui sont associés (Rousseau, 2001) qui prennent naissance dans des schémas « pré-emplois » que possède une personne avant d’entrer dans une nouvelle organisation.

tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013

La littérature identifie plusieurs phases dans le développement du CP (Anderson & Thomas, 1996 ; Nelson, Quick & Joplin, 1991) :

 La phase de « socialisation anticipatoire » c’est-à-dire qu’avant même d’intégrer une nouvelle organisation, l’individu possède un « contrat psychologique anticipatoire » (Anderson & Thomas, 1996 ; Blancero & Kleiner, 2001) qui repose sur des croyances et des présupposés issus d’expériences antérieures. Celui-ci est le fruit de diverses expériences de socialisation familiale ou professionnelle.

 La phase de « rencontre » qui commence dès l’entrée organisationnelle et qui s’étend sur les premiers mois de la relation d’emploi. Au cours de cette phase, l’employé développe un schéma de la relation d’emploi plus durable qui va être testé par rapport à la réalité organisationnelle (Nelson & al, 1991) et ses interactions avec l’ensemble des agents organisationnels (collègues, superviseurs, etc.). Ces dernières influenceront la manière dont l’individu perçoit et interprète son environnement de travail et donc sa relation d’emploi. De plus, elles pourront le conduire à réévaluer ses attentes, ses croyances et ses présupposés. A cette étape, le CP tend à devenir plus stable.

 La phase du « changement et d’acquisition » c’est-à-dire que le schéma mental de l’individu quant à sa relation d’emploi s’ajuste progressivement à partir des informations environnementales jusqu’à atteindre un niveau de complétude suffisant pour qu’il y ait une certaine consistance entre les expériences organisationnelles et les croyances individuelles par rapport à la relation d’emploi (Rousseau, 2001).

Dans leurs travaux, Morrinson et Robinson (1997, 2004) identifient également plusieurs facteurs liés à l’expérience qui peuvent affecter la construction du CP d’une personne avant, pendant ou après l’entrée dans une nouvelle organisation. Ils énumèrent la socialisation durant l’enfance et l’adolescence, la culture nationale, les expériences antérieures de travail13, la culture organisationnelle14, la socialisation organisationnelle et professionnelle, les signaux sociaux et les interactions quotidiennes, et enfin, le rôle au sein de la relation d’emploi et les motivations, les buts et les besoins qui y sont associés. Comme Morrison et Robinson, Rousseau (2001) considère que les expériences antérieures de travail et les pratiques de socialisation affectent le modèle mental qu’une personne possède à l’égard de sa relation d’emploi. Aussi, une fois que le schéma de la relation d’emploi est complètement formé et qu’il a été jugé comme consistant par rapport à la réalité organisationnelle, il devient extrêmement « résistant » au changement (Fiske & Taylor,

13 Cavanaugh et Noe (1999) ont démontré très clairement l’impact de la rencontre d’un ou plusieurs phénomènes tels que la restructuration ou le changement organisationnel sur le développement de perceptions différentes

14 Dont Dulac, Delobbe et Gries (2003) ont montré l’impact sur la perception qu’a un employé des contributions et rétributions inhérentes à la relation d’emploi

tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013

1984 ; Horowitz, 1988 ; Stein, 1992). Néanmoins, comme le souligne Schalk (2004), les CP ne sont jamais formés une fois pour toutes. Ils évoluent et font fréquemment l’objet de révisions sur la base d’expériences faites après l’entrée organisationnelle au gré des évènements et, plus particulièrement, lorsqu’un changement organisationnel intervient.

Les processus organisationnels et individuels intervenant dans la formation du contrat psychologique

Rousseau (2001), partant de la définition du CP comme un schéma mental, va mettre en lumière une série de processus individuels et organisationnels qui interviennent dans la formation du CP.

Elle distingue d’une part les « messages externes et les signaux sociaux » émis par l’organisation, et, d’autre part, les « interprétations, prédispositions et constructions individuelles ». Parmi les facteurs organisationnels, Rousseau (1995) relève une première catégorie : les messages et les évènements émis par l’organisation qui véhiculent des engagements de sa part. Si, selon l’auteur, ces éléments sont surtout exprimés durant les activités et processus de gestion des ressources humaines (recrutement, promotion, formation, etc.), ils peuvent également se produire pendant les phases de changement organisationnel où les messages émis par l’entreprise provoqueront un impact sur les engagements perçus. Rousseau (1995) identifie ainsi 4 types d’évènements :

 Les énoncés ouverts de communication de promesses et de garanties,

 L’observation du traitement reçu par les autres,

 La manifestation des politiques organisationnelles (règlements intérieurs, manuels, pratiques de rémunération, etc.)15.

 Les constructions sociales (références à la réputation ou à l’histoire de l’organisation) ou positions sociales (Ho, Rousseau & Levesque, 2006)16.

La seconde catégorie de facteurs externes concerne les signaux sociaux issus de l’environnement de l’employé. Selon l’auteur, ceux-ci représentent des informations acquises par un employé dans son environnement de travail et jouent trois rôles dans le processus de formation du CP :

 Ils constituent une source importante d’informations sur le contenu et les caractéristiques de son CP.

15 La théorie du «group value model» (Tyler & Lind, 1992), nous apprend d’ailleurs que les procédures qui permettent aux individus d’exprimer leurs opinions donneraient le sentiment que l’organisation valorise leur avis

16 Les employés qui occupent des positions avantageuses ont généralement plus d’expériences organisationnelles positives au regard des ressources et opportunités plus avantageuses qu’elles offrent

tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013

 Ils peuvent engendrer une certaine pression sociale de telle sorte que l’employé se sent obligé de se conformer à la compréhension collective des obligations réciproques qui constituent le CP collectif.

 Ils façonnent la manière dont un employé perçoit et interprète les manifestations organisationnelles17.

Concernant les facteurs individuels, aux vues du caractère idiosyncrasique du CP, les travaux relèvent trois catégories de prédispositions individuelles susceptibles d’influencer le développement du CP :

 Les biais cognitifs qui sont impliqués, selon Rousseau (1995), dans le traitement de l’information relative aux intérêts personnels (perception irréellement positive de soi, illusion de contrôle ou encore optimisme comparatif) et qui peuvent intervenir dans la construction et l’interprétation des promesses.

 Les buts, motivations et objectifs liés à l’emploi qui déterminent la nature des obligations à laquelle les employés accordent de l’importance.

 La personnalité de l’individu (Raja, Johns & Ntalianis, 2004 ; Orvis & Dudley, 2002) selon sa perception de contrôle des évènements organisationnels (liée à la possession d’une qualification spécifique par exemple), son affectivité (Cropanzano, James &

Konovsky, 1993), son désir et sa sensibilité d’équité (Huseman, Hatfield & Miles, 1987 ; Miles, Hatfield & Husemen, 1989), sa conscience professionnelle (McCrae &

Costa, 1987) ou encore selon son estime de soi.

17 Ici encore, il semblerait que le changement organisationnel puisse jouer un rôle d’influence dans la formation du CP des employés

tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013

1.1.4. L’évolution du contrat psychologique :

Dans le document tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013 (Page 30-34)

Documents relatifs