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La « métapsychologie » comme noyau théorique

Dans le document tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013 (Page 88-92)

L’extension des processus de brèche et de violation par la théorie du deuil

2.1. La métapsychologie freudienne

2.1.3. La « métapsychologie » comme noyau théorique

La métapsychologie va doter la psychanalyse de ces « vues » qui conditionnent son accès, à terme, au statut de « discipline scientifique »61. Elle cristallise l’ensemble des développements

« pré-psychanalytiques » et constituera son noyau théorique. Elle est donc la partie fondamentale de cette science des processus inconscients constitués sur le fondement de l’expérience (clinique) à savoir l’autre nom de la psychanalyse même si elle n’en couvre pas toute l’étendue.

Une fondation théorique de la psychanalyse

La métapsychologie a été forgée par Freud dans un mouvement de dépassement de la psychologie classique (pré-psychanalytique) pour penser les « processus psychiques inconscients »62 c'est-à-dire les processus qui agissent « à côté » ou « au-delà » des processus connus de la psychologie d’alors ou encore à « l’arrière-plan du conscient ». Le préfixe méta est ainsi convoqué pour désigner cet « à-côté » du conscient et se présente comme la réponse « scientifique » à la question de « l’inconscient ». En d’autres termes, comme en atteste l’apparition conjointe des deux terminologies en 1895, la métapsychologie n’est que l’autre nom de la psychanalyse où la première constitue la partie « théorique » de la seconde. La tâche de la métapsychologie est, selon l’expression de la Psychopathologie de la vie quotidienne (Freud, 1904), de « traduire » la

« construction d’une réalité suprasensible » en « psychologie de l’inconscient » et qui, précisément, se porte en faux d’une prétendue métaphysique que Freud qualifie de « nuisance » ou de « survivance » d’un mode de penser archaïque. Cette traduction passe par un processus en trois temps :

 Une perception interne du sujet de certains phénomènes qu’il méconnaît fondamentalement (« connaissance obscure »)

 Cette « connaissance » est projetée dans le monde extérieur et se reflète dans la construction d’une « réalité suprasensible »

 La science analytique intervient, en tant que métapsychologie, pour « retransformer » cette réalité transcendante en « psychologie de l’inconscient »

Dès lors, la psychanalyse est caractérisée comme « psychologie abyssale » pour souligner la spécificité du dépassement descriptif (par exemple de la psychiatrie) et affirmer son ambition

61 Notons que cette discipline est un travail sans fin c’est-à-dire sans finitude de ses concepts qui se verront révisés tout au long de l’avancée de la connaissance analytique

62 « Il faut que tu me dises sérieusement, demande Freud à Fliess en 1898, si je puis donner à ma psychologie, qui aboutit à l’arrière-plan du conscient, le nom de métapsychologie » (cité par Assoun, 1997, p 359)

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explicative des processus de la vie psychique qui échappent à la conscience. C’est cette dimension abyssale, de profondeur, qui assure du même coup à la psychanalyse son caractère « appliqué » et extensif. Comme le rappelle Assoun (1997, p 363), Freud souligne en ce sens le moment où la psychanalyse a cessé de se limiter à sa fonction thérapeutique et a reconnu « les relations étroites et même l’identité intime entre les processus pathologiques et les soi-disant normaux ». C’est ce qui rend possible « l’utilisation de la psychanalyse à de nombreux domaines de savoir, en particulier aux sciences humaines » et qui lui donne sa « signification (par cette) dimension fondamentale de recherche » (Assoun, 1997, p 363). Par conséquent, une psychologie non analytique reste à la surface des phénomènes par la « mutilation » qu’elle opère de l’inconscient du sujet63. La thèse freudienne est donc qu’il y a « une psychologie des profondeurs qui conduit à la connaissance » des « relations plus générales de la vie psychique inconsciente » telles que les conflits pulsionnels ou encore les refoulements. Elle permet non seulement d’éclairer la pathologie mais aussi la vie psychique normale : « la psychologie des profondeurs trouvée par la psychanalyse (est) aussi la psychologie de la vie psychique normale » (Freud, 1925, p 82). La psychologie des profondeurs est ainsi la garantie d’une science des processus inconscients, se distinguant en cela de toute apparentée à une « vision du monde ».

Une théorisation spéculative

La métapsychologie, même si nous ne pouvons trouver de définition globale (même dans l’ouvrage de 1915 qui en porte le titre), est une fondation théorique de la psychanalyse :

« éclaircissement et approfondissement des hypothèses théoriques que l’on pourrait poser au fondement d’un système psychanalytique » (Freud, 1915, p 412). Il s’agit à la fois d’une clarification et d’un approfondissement des hypothèses théoriques. Cette démarche consiste à expliciter et à considérer de façon précise le fond des « profondeurs » de la chose analytique dont les hypothèses, dans un cadre scientifique, seraient au fondement d’un « système psychanalytique ». La métapsychologie se présente alors comme un mode de représentation de l’appareil psychique en tant qu’unité de base de ce dernier et « fiction » fondamentale de la psychologie des profondeurs64. Ce qui est déterminant en cette représentation de lieux, c’est l’idée d’une « orientation spatiale constante » des systèmes les uns par rapport aux autres d’où leur nature fictive. Ce n’est donc pas tant « un ordonnancement véritablement spatial des systèmes psychiques » qui est utile mais bien plutôt que « lors de certains processus psychiques, les

63 Comme le rappelle Assoun, la référence à la « profondeur » n’implique pas un « mystérieux inconscient », une croyance à un Inconscient métaphysique (transcendant à la vie psychique), que Freud considère lui-même comme une superstition (voire une falsification)

64 « Nous nous représentons l’appareil psychique, écrit Freud (1915, p 542), comme un instrument composé dont nous voulons nommer les éléments instances ou bien, eu égard à leur visibilité, systèmes »

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systèmes puissent être parcourus en une suite temporelle déterminée par l’excitation » (Freud, 1924 cité par Assoun, 1997, p 373). C’est le trajet de l’excitation qui est déterminant de l’appareil psychique dont instances et systèmes ne sont que « points indicateurs », dans cet espace psychique, de la séquence proprement temporelle empruntée. L’excitation détermine ainsi les instances par son passage et permet en conséquence de s’y faire représenter (Assoun, 1997).

La métapsychologie devient donc une fonction d’accomplissement de la recherche psychanalytique65. La démarche consiste en une mise en relief des phénomènes psychiques (description) sur un espace métapsychologique spécifié par trois dimensions épistémologiques qui permettent d’expliquer le fonctionnement de l’appareil psychique :

 La dimension topique (endroit) : régulièrement indiquée comme la dimension centrale, il s’agit du point de vue qui aborde les processus psychiques en référence aux « lieux » ou « instances » de l’appareil psychique66 (sans aucune détermination anatomique). La topique est une cartographie67 ou grille de lecture des processus psychiques.

 La dimension économique (quantités) : il s’agit ici du point de vue métapsychologique qui aborde les processus psychiques en référence à la quantification et à la circulation de l’énergie psychique. Cette dimension n’est en aucun cas une mesure absolue mais bien plutôt un moyen de rendre compte de ses déplacements par description des « positions » successives empruntées par la pulsion. Les références à l’économie se trouveront ainsi dans les concepts de condensation, de déplacement ou encore d’investissement.

 La dimension dynamique (forces) : il s’agit du point de vue qui requiert de déchiffrer les processus psychiques en termes de « force ». Cette dimension renvoie aux notions de refoulement ou encore de résistance c’est-à-dire dès lors que se « joue » un rapport de forces (ou conflit) dans l’appareil psychique. Aussi, la dynamique suppose une représentation des processus inconscients dans leurs « relations ». Comme le souligne Assoun (1997), il ne faut pas perdre de vue que la dynamique suppose un échange inter-systémique (renvoyant à la topique) et un changement dynamique dans la quantité de l’investissement d’énergie (renvoyant à l’économique).

La métapsychologie n’est donc qu’une « fiction », non pas irréelle, mais bien qui a valeur de représentation (par une mise en image) de l’évènement psychique qui, comme le souligne Assoun

65 « Le mode de conception qui est l’accomplissement de la recherche psychanalytique… Je suppose qu’on puisse parler de présentation métapsychologique quand nous réussissons à décrire un processus psychique d’après ses relations dynamiques, topiques et économiques » (Freud, 1915, p 280)

66 Notons que l’on distingue dans la théorie freudienne la « première » (Conscient/Préconscient/Inconscient) et « seconde » (Moi/Ça/Surmoi) topique qui renvoient chacune à deux moments historiques dans l’évolution du savoir analytique

67 Précisons que les instances ne sont pas « fixées » et qu’il s’opère un jeu « systémique » (c’est-à-dire entre systèmes ou instances)

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(1997), n’est pas seulement un « échafaudage » mais un mode d’explication. Sur ce fondement de représentation de l’appareil psychique, la métapsychologie propose un mode d’explication des processus psychiques qui sont « appréciés d’après les trois coordonnées de la dynamique, de la topique et de l’économique » (Freud, 1925, p 301). Il s’agit ainsi de dépasser le caractère purement descriptif de la présentation phénoménologique des processus psychiques. La métapsychologie va par conséquent se présenter comme une théorisation spéculative par une pensée de ce qui est acquis par l’observation clinique : « sans une spéculation et une théorisation, j’aurais presque dit une fantasmation-métapsychologique, on n’avance pas d’un pas ici » (Freud, 1937, p 69). La métapsychologie est ainsi une « mise en savoir » de l’inconscient. Ce dernier est reconnu en un régime spécifique de processus psychiques référables à un « système ». Les propriétés de ce « système Ics » (Inconscient) sont (1) l’absence de contradiction et de négation, (2) la mobilité des investissements, (3) l’atemporalité et (4) le remplacement de la réalité extérieure par la « réalité psychique ». Au regard des définitions graduées de la métapsychologie, Assoun (1997, p 371) propose la définition suivante : « La métapsychologie désigne le type de rationalité destinée à dégager les hypothèses théoriques d’une psychologie de l’inconscient au moyen d’une représentation de l’appareil psychique, sous-tendue par une conception des processus psychiques, dotant ainsi le matériel clinique d’un mode de connaissance ad hoc faisant droit à la dimension spéculative requise de l’énigme de l’inconscient ». A ce titre, la métapsychologie constitue la « superstructure théorique de la psychanalyse » ainsi que l’identité même de sa démarche de connaissance (sans que celle-ci n’est le caractère de système car elle prend à son compte l’abandon d’une illusion de finitude en constituant progressivement son savoir68).

68 Il s’agit de « combiner la mise en place synchronique des éléments de la métapsychologie disponibles et la lecture diachronique qui tient compte du devenir » (Assoun, 1997, p 372). D’ailleurs Freud recommande de dater soigneusement ses écrits pour en apprécier la portée… tâche à laquelle nous nous sommes astreint par la tenue d’un « journal de recherche » (présenté dans notre méthodologie) qui dans l’après-coup permet de suivre le processus de maturation du projet de recherche

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