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Quelques concepts fondamentaux

Dans le document tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013 (Page 92-97)

L’extension des processus de brèche et de violation par la théorie du deuil

2.1. La métapsychologie freudienne

2.1.4. Quelques concepts fondamentaux

Avant d’avancer plus avant, il paraît utile de préciser quelques notions conceptuelles fondamentales de la métapsychologie qui pourront être mobilisées dans nos commentaires ultérieurs. La première d’entre elles, engage toute l’explication métapsychologique comme nous le fait entendre Freud (1932, p 22) en affirmant que « la doctrine pulsionnelle est pour ainsi dire notre mythologie ».

Pulsion et destin des pulsions (renversement, retournement, sublimation et refoulement)

La « pulsion » est un concept voûte permettant à lui seul de rendre intelligible les concepts constitutifs du premier noyau de la métapsychologie à savoir le refoulement et l’inconscient (voire l’ensemble de la métapsychologie). Cette notion, construite progressivement (Freud, 1915, p 214), apparaît comme concept-frontière entre psychique et somatique qui a à se discuter en rapport avec les termes de :

Poussée : « le facteur moteur, la somme de force ou la mesure d’exigence de travail qu’elle représente » ;

But : « la satisfaction qui ne peut être atteinte que par la suppression de l’état d’excitation à la source pulsionnelle » ;

Objet : « ce à quoi ou par quoi la pulsion peut atteindre son but » et ;

Source : « un processus somatique dans un organe ou une partie du corps dont l’excitation est représentée dans la vie psychique par la pulsion ».

Cette dynamique pulsionnelle introduit ainsi une dualité métapsychologique incarnée par la

« représentation » et « l’affect ». Dit autrement, ces derniers représentent la pulsion dans la vie psychique. Ils en sont les « représentants » ou encore les revers de la médaille pulsionnelle : (1) la représentation comme « représentant-représentation » (Laplanche et Pontalis, 1967) c’est-à-dire trace mnésique de perceptions antérieures d’une part, qui se distingue de (2) l’affect69, d’autre part, comme « représentant-affect » dans le sens où ce dernier réalise une opération économique

« d’investissement » (décharge) c’est-à-dire qu’il est une modalité d’expression de la pulsion sous forme de plaisir ou de déplaisir. Le refoulement, que nous préciserons plus loin, ne porte que sur le « représentant-représentation » qui, de ce fait, pourra être inconscient mais faire retour à la

69 Affect ne signifie pas affectivité qui, dans le discours freudien, renvoie au vaste domaine des émotions, passions, sentiments ou encore de l’humeur.

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conscience sous forme déguisée. L’affect intervient quant à lui comme reste de la représentation, comme « manifestation » au caractère « mobile » qui met en mouvement et en lumière quelque chose de la dynamique psychique.

Retournement, renversement, refoulement et sublimation des pulsions constituent ainsi le

« devenir » des pulsions (ou leur destin), ce qui « leur arrive », et confirment le caractère orientée vers « l’objet » se retourne sur la personne propre soit quant à l’affect (amour-haine), soit quant au but (actif-passif), soit quant à l’objet (soi-autrui) (ex de retournement d’objet : transformation du sadisme Ŕplaisir d’une violence dirigée contre autruiŔ en masochisme Ŕle sujet jouit d’une violence exercée contre lui-même).

 La sublimation71 renvoie au déplacement, à une dérivation de but d’un objet vers un objet substitutif plus élevé, permis et même « socialement » valorisé (par le Surmoi et la société) qui rendrait possible la satisfaction.

 Le refoulement est considéré par Freud (1914, p 54) comme « la pierre d’angle sur laquelle repose tout l’édifice de la psychanalyse et même la pièce la plus essentielle de celui-ci… ». Le refoulement est une action par laquelle le « sujet72 » repousse et maintient à distance du Conscient des représentations (pensées, images, souvenirs) considérées comme désagréables car inconciliables avec le Moi73. C’est un mécanisme de défense mis en place pour aménager les conflits intrapsychiques et protéger le Moi

70 Freud a d’abord mis en évidence ce type de transformations dans le cas des images du rêve qui sont au service d’un travail de déguisement qui permet aux pensées latentes de se traduire en pensées acceptables et qui, par là même, peuvent franchir la barrière de la censure

71 Qui est à différencier de « l’idéalisation » qui est « un processus qui concerne l’objet et par lequel celui-ci est agrandi et exalté psychiquement »

72 Nous préciserons cette notion plus loin

73 Le Moi est avant tout un « Moi corporel qui n’est pas seulement un être de surface mais lui-même la projection d’une surface » (Freud, 1927, p 233). Celui-ci est « dérivé de sensations corporelles, principalement de celles qui ont leur source dans la surface du corps ». Il est, en même temps que la calotte (acoustique) du Ça (correspondant aux représentations de choses), le siège des identifications. C’est une instance qui a un rôle de régulateur énergétique (notamment plaisir/déplaisir).

Sous l’effet du complexe d’Œdipe va se produire une modification du moi engendrant à la fois un résidu des premiers choix d’objets du Ça (qui ont subi un destin d’identification) et une « formation réactionnelle énergique contre ceux-ci où s’exprime une double exigence d’identification et d’interdit (soit comme le père, ne sois pas comme le père). Le moi en vient à être décrit comme « une pauvre créature qui est soumise à trois sortes de servitudes et subit par conséquent trois sortes de dangers provenant du monde extérieur, de la libido (du Ça) et de la sévérité du Surmoi » (Assoun, 1997, p 431-432).

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contre les exigences pulsionnelles du Ça74. L’intention du sujet est de chasser, de repousser et donc de « refouler » l’idée désagréable hors du champ conscient bloquant ainsi toute décharge de l’émotion pénible qui s’y trouve associée. Aussi, le refoulement est conçu comme un processus dynamique impliquant le maintien d’un contre-investissement, et toujours susceptible d’être mis en échec par le désir inconscient qui cherche à faire retour dans la conscience, ce que désigne le « retour du refoulé ». La logique du refoulement se fonde sur celle de la « censure »75, par la médiation du Surmoi76, à savoir une interdiction d’accès d’un contenu inconscient au système préconscient-conscient.

A partir du refoulement : les mécanismes de rejet, dénégation et déni

Le refoulement s’opère ainsi à partir du moment où, d’une part, la satisfaction pulsionnelle est incompatible avec quelque autre exigence et où, d’autre part, une « fuite » n’est pas possible. Le refoulement est donc à la fois un « refus » (la mise à l’écart) et une « action psychique » (le maintien de cette mise à l’écart). Le processus de refoulement s’opère alors en trois temps :

 Le refoulement « originaire » par lequel s’opère la fixation du « représentant-représentation » dans l’Inconscient c’est-à-dire que le représentant de la pulsion (et non la pulsion elle-même) subsiste dans l’Inconscient de façon inaltérable

 Le refoulement « à proprement dit » ou « après-coup » qui porte sur les « rejetons psychiques77 » du représentant refoulé ou encore telle ou telle chaîne associative ou de pensées qui se trouve en relation avec lui. Il s’agit d’un processus double qui allie à

« l’attraction » du refoulé originaire, une « répulsion » qui vient du Conscient et qui agit sur ce qui est à refouler.

 Le « retour du refoulé » est le processus par lequel les éléments refoulés, conservés dans l’Inconscient, tendent à réapparaître dans la conscience ou dans le comportement par l’intermédiaire de formation dérivées plus ou moins méconnaissables et qui s’expriment,

74 Le Ça, en tant que « grand réservoir » libidinal, réconcilie les deux pôles de l’explication métapsychologique que sont la pulsion et l’inconscient puisqu’il est le pôle pulsionnel et l’équivalent du système Ics (même si les deux autres instances ont une partie inconsciente). C’est le centre de gravité pulsionnel dans lequel « plonge » le Surmoi et auquel se mélange le Moi.

75 Freud s’est référé à l’usage politique du terme de censure en prenant l’exemple d’un « journal étranger soumis à la censure russe en passant la frontière » dans lequel « des mots, des morceaux de phrases et des phrases entières, (sont) recouverts de traits noirs » de sorte que « le reste devient incompréhensible »

76 Le Surmoi (Assoun, 1997, p 433) se met en place à partir de « l’influence critique des parents, médiée par les voix ». Le surmoi est « l’héritier vif » de l’instance parentale : « nous lui avons attribué l’auto-observation, la conscience et la fonction d’idéal ». Le surmoi est proprement « parental » et par là même représente la prise du sujet dans une « tradition » (que Lacan appellera « ordre symbolique »). Issu d’une sédimentation du moi, il a une fonction de « censure » et de surveillance (jusque dans le rêve) : sa sévérité atteste l’intériorisation de l’interdit d’où son importance dans le sentiment de culpabilité inconscient.

77 Ceux-ci englobent par exemple les symptômes, les fantasmes, les lapsus. Ils sont des dérivés du refoulé et se voient à leur tour l’objet de nouvelles mesures de défense

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en tant que « rejetons de l’Inconscient », sous la forme de symptômes, de rêves, de lapsus ou encore d’actes manqués. Ce processus organise la répétition de l’action c’est-à-dire que le travail de refoulement porte sur chaque rejeton du refoulé, pris un à un, chacun pouvant avoir leur destin particulier, mais sans jamais en effacer la trace mnésique

La pulsion peut ainsi être réprimée, réapparaître comme « affect » ou se transformer en

« angoisse » (parce que privé de leur support représentatif) qui sera particulièrement révélateur du conflit psychique tenant le sujet. Le « but de l’opération » du refoulement est donc là : inhiber le développement de « l’affect ». Il n’entraîne pas la destruction ou la disparition de la représentation refoulée. Il n’empêche pas le représentant de la pulsion de persister dans l’Inconscient, de continuer à s’organiser, de « former des rejetons et d’établir des liaisons » (Freud, 1915). Ainsi, Freud envisage l’opération du refoulement selon une triple perspective métapsychologique :

 Du point de vue « topique », le refoulement est considéré comme une opération défensive du Moi ;

 Du point de vue « économique », il suppose un jeu de forces contraires (investissement/désinvestissement ou contre-investissement) qui portent sur les représentants pulsionnels ;

 Du point de vue « dynamique », le refoulement est lié à l’ensemble des processus de défense dont la finalité est de réduire, voire de supprimer, toute modification susceptible de mettre en danger l’intégrité et la constance de l’individu.

A partir du refoulement, vont se dégager des mécanismes qui vont le spécifier (dénégation, rejet) ou le subvertir (scotomisation ou déni) :

 Le rejet (ou « forclusion78 ») : invalidation d’une perception ou représentation psychique de sorte qu’elle persiste dans le champ de la conscience tout en se trouvant disqualifiée quant à sa signification possible et de ce fait inapte à prendre place dans la vie fantasmatique du sujet. Ce dernier « rejette(ra) la représentation insupportable et se condui(ra) comme si la représentation n’était jamais parvenue au moi », faisant comme s’il n’en voulait rien savoir.

 La dénégation (ou « négation ») : processus qui permet au sujet de formuler négativement le contenu d’un désir inconscient. Le contenu du désir trouve une expression consciente mais le sujet continu à penser que ce désir ne lui appartient pas.

78 Terme introduit par Lacan qui se réfère à un processus de défense consistant à agir non sur un signifiant déjà inscrit dans la chaîne signifiante mais à refuser cette inscription même. Nous préciserons plus loin cette notion de signifiant.

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Cette négation signe l’éviction hors de soi d’une idée déplaisante par l’effet du seul principe de plaisir.

 Le déni (ou « scotomisation ») : rejet de la réalité d’une perception (qui prend un caractère « impensable ») du fait des significations traumatisantes qu’elle peut comporter. Le déni agit sur la signification de la représentation. Le sujet refuse de reconnaître quelque chose qui existe dans la réalité au point que la perception même est

« désavouée » (c’est la signification de la représentation même qui est censurée d’où un refoulement radical).

La théorie du refoulement va ainsi préciser la notion d’Inconscient (Ics) qui implique que la vie psychique est conflit (point de vue dynamique), qu’il y a de la mémoire sans usure et que l’énergétique, voire la forme, des processus psychiques sont déterminées pour l’essentiel hors conscience (point de vue économique), et, que l’inaccessibilité à la conscience existe (point de vue topique). Aussi, se détermine une différence entre « représentation inconsciente et pré-consciente » sur laquelle Freud réactive la distinction entre « représentations de choses » et

« représentations de mots ». Du point de vue métapsychologique, les premières consistent en

« l’investissement sinon des images mnésiques directes des choses, du moins de traces mnésiques plus éloignées et dérivées d’elles » (Assoun, 1997, p 415). Pour Freud (1915, p 300), « la représentation consciente comprend la représentation de chose plus la représentation de mot afférente (et) la représentation inconsciente est79 la représentation de chose seule ». L’Inconscient est ainsi un système psychique générique qui contient des vœux (inconscients et indestructibles) et le refoulé, investis par la libido sous énergie libre, régie par le principe de plaisir. Ceux-ci, ces substrats du système inconscient, ces investissements objectaux ou « chosaux », sont re-symbolisables par adjonction des résidus verbaux (Assoun, 1997). Le conflit entre motion pulsionnelle refoulée et puissance de censure créé le rêve, les traits d’esprits, les oublis ou encore les actions symptomatiques en tant que formation de compromis.

79 Nous soulignons

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2.2. Légitimité de la psychanalyse dans les sciences

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