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L’intérêt d’une approche mixte

Dans le document tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013 (Page 194-198)

Une méthodologie de recherche mixte et longitudinale

3.3. L’approche qualitative longitudinale

3.3.1. L’intérêt d’une approche mixte

L’approche quantitative du questionnaire témoigne de sa scientificité au travers notamment de la présentation de calculs permettant d’isoler notre variable des perceptions de brèche et/ou violation des autres facteurs (médiateurs, attitudinaux et comportementaux). Elle permet l’examen de l’étendue des phénomènes concernant l’échantillon considéré. Néanmoins, elle rencontre quelques limites quant à la compréhension de leur constitution et signification.

Les limites de l’approche quantitative

Admettre que l’être humain puisse avoir un rôle à jouer et que le monde social219 est une forme de processus ouvert, c’est reconnaître que la méthode appropriée ne peut être celle qui enferme le sujet dans un espace « clos ». On ne peut se satisfaire dans une telle perspective d’une production de « photographies instantanées » c'est-à-dire limitées empiriquement à des phénomènes isolés à des repères fixes dans le temps (Morgan et Smircich, 1980). L’évolution du phénomène de brèche et/ou de violation du contrat psychologique que nous étudions défie ainsi l’utilité de l’aspect cloisonné et exclusif de ces méthodes. Le changement historique du point de vue organisationnel et personnel, les champs d’information contextuels ou encore les rapports interpersonnels qui l’influencent ne peuvent êtres saisis et mesurés à travers les seules techniques statistiques (ou alors de manière très partiale et limitée). Ces « réalités », souvent traduites en termes

« d’évènements », sont donc bien différentes des variables qui dominent les techniques statistiques.

219 Que Monnerot (1946) nommait les « faits sociaux »

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La seconde limite porte sur le fait que le questionnaire est un construit que nous avons organisé c’est-à-dire qui revêt un caractère inflexible ou, dit autrement, qui s’impose au sujet-répondant que ce soit dans sa forme (architecture) et son contenu (les items et leur formulation). Par son caractère standardisé, l’outil offre très peu (voire pas) de liberté au sujet-répondant impliquant d’un côté, que le répondant suive l’ordre et le rythme des thèmes qui sont évoqués et, de l’autre, qu’il choisisse parmi des items prédéfinis ceux auxquels il se sent le plus proche. D’autre part, l’administration du questionnaire se faisant directement sur le poste informatique de travail du répondant, celui-ci peut être conduit à le renseigner sur ses horaires de travail. Le risque, si le répondant n’a pas la possibilité de s’isoler, est d’obtenir des réponses « à la va vite » et/ou approximatives. Les répondants peuvent également être tentés, les informations recueillies étant de nature déclarative, de sublimer leurs réponses, d’omettre de répondre de manière franche à d’autres ou encore de se surévaluer ou au contraire de se sous-évaluer. De plus, les risques de suggestion et d’induction des réponses existent : le répondant peut orienter sa réponse selon sa perception de ce que peut être notre attente ou encore de ce qu’il estime être une réponse acceptable vis-à-vis de l’organisation220. Cela peut alors augmenter le degré de méfiance et de conformisme du répondant aux questions posées car malgré toutes les précautions qui peuvent être prises concernant la garantie d’anonymat et de confidentialité, il est impossible d’annihiler définitivement toutes les perceptions/représentations de doutes ou de craintes sur l’exploitation qui peut en être faite.

Cette méthode écarte donc la possibilité de distinguer à la fois la nature des réponses, c’est-à-dire entre celles qui sont spontanées, irréfléchies ou encore réfléchies, mais aussi les compléments que le répondant aurait souhaité apporter ou encore la signification qu’il accorde à chacune d’elles.

Cet outil échoue donc à offrir un « contrôle » sur les effets cognitifs et émotionnels de l’exercice d’appropriation et de réponse à la formulation de l’item. Cette seconde limite en appelle une autre à savoir la rigidité de l’outil. Celle-ci est portée dans sa structure même au travers de catégories prédéfinies (catégories d’items qui constituent des variables). S’il permet de répondre à la dimension descriptive quant à l’état des lieux des termes et dimensions du contrat psychologique et des objets des perceptions de brèche et/ou de violation, cette technique trouve sa limite dans la compréhension de leur constitution et signification par le découpage artificiel du phénomène qu’elle introduit. De plus, en « jouant » avec les données à travers des approches quantitatives sophistiquées, telle que l’analyse statistique multi variée, nous pouvons avoir tendance à « geler le monde social » dans une immobilité, certes bien structurée, mais qui réduit le

220 Tout se passe alors comme si le répondant cherchait activement (et inconsciemment) quelle est l’opinion de l’enquêteur-chercheur.

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rôle des êtres humains à des éléments influençables par un ensemble de forces plus ou moins déterministes.

Une dernière limite porte sur l’extraction de la donnée de son réseau de significations individuelle et contextuelle. La donnée quantitative, de nature déclarative dans notre cas, se trouve à la suite de son recueil traduite en un code « chiffré ». Cette opération de codification consiste, en vue d’un dépouillement final par un logiciel d’analyse des données, à donner à chaque catégorie de réponses un numéro de code. Ensuite, le chercheur fait entrer chaque réponse concrète dans une des catégories du code. Les opérations qui suivent (vérification, tri, calculs) sont alors purement

« mécanographiques » (Mucchielli, 1993). Si cette démarche garantit la rigueur du traitement de l’information, ces différentes opérations introduisent néanmoins un biais : par la codification, en transformant une réponse concrète en une réponse codée, le chercheur va décider de la signification d’une réponse par rapport à une grille des catégories de réponses (Mucchielli, 1993).

La donnée décontextualisée se trouve ainsi codée et engagée dans un processus de « re-signification » qui découle de l’interprétation même du chercheur. Or, cette nouvelle re-signification, d’une part, n’est pas forcément celle que le sujet-répondant lui reconnaissait et, d’autre part, peut être entachée, même inconsciemment, des opinions personnelles du chercheur ou encore de ses hypothèses personnelles quant aux résultats de l’enquête221.

L’approche mixte retenue pour la recherche

Malgré ces quelques limites, notre objectif d’appréhension à la fois du contenu des phénomènes de brèche et/ou de violation du contrat psychologique ainsi que de leur processus, c'est-à-dire leur constitution et signification, milite pour une mixité de ces approches (El Amrani, 2006 ; Thiétart, 1999). L’articulation que nous proposons (figure suivante) consiste à les inscrire toutes deux dans un même processus de recherche (Jick, 1979 ; Mingers, 2001) où l’approche quantitative vise à repérer de manière exploratoire le phénomène étudié alors que l’approche qualitative vise à l’expliquer. La première permet donc de nous faire avancer dans la compréhension du phénomène quant à son contenu c'est-à-dire sur ce qui le fonde ou encore sur ses relations avec les éléments médiateurs, attitudinaux et comportementaux. Sa puissance descriptive nous permet de réaliser, de manière exploratoire, par analyses successives (descriptive et multivariée), une « cartographie » de l’étendue et de la complexité des phénomènes de brèche et de violation du contrat psychologique (Yin, 1994). Elle nous permet également, à partir de cet état des lieux et de son

221 Celles-ci le poussent à percevoir la réponse avec une certaine signification et donc l’orientent vers le classement de cette réponse dans telle ou telle catégorie

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mode de classification par typologie, de repérer les populations qui sont le plus significativement concernées par ces phénomènes.

Figure 16. Le choix d’une combinaison des approches quantitatives et qualitatives

L’approche qualitative, qui « recherche, explicite, analyse des phénomènes visibles ou cachés » (Mucchielli, 1991, p 3), intervient dès lors pour approfondir la compréhension du phénomène de brèche et/ou de violation en précisant son évolution ou encore sa transformation éventuelle dans le temps (Kaplan et Duchon, 1988 ; Gable, 1994). Il ne s’agit pas du simple approfondissement des types dégagés par la méthode statistique (El Amrani, 2006 ; Bidan, 2004) mais, par la mise en évidence de leurs aspects dynamiques et temporels (Van de Ven, 1992), d’identifier les intervalles de temps (Pettigrew, 1992) qui rendent comptent du processus étudié. L’approche qualitative longitudinale que nous avons retenue vient ainsi compléter la « photographie » (à un instant t) de l’approche quantitative par une description plus en profondeur du processus en dressant le contexte dans lequel s’inscrivent les données, les régularités du phénomène, les séquences ou encore les phases qui le composent. C’est à partir de cette identification des étapes des processus de brèche et/ou de violation du contrat psychologique que nous avons introduit la perspective psychanalytique. Celle-ci vise, de manière exploratoire, à comprendre les positions subjectives occupées par les sujets à chacune de ces étapes et la signification qu’ils donnent aux évolutions du processus de brèche et de violation du contrat psychologique. La technique « clinique » représente donc, en postulant un lien entre le discours et le substrat psychique (Blanchet, 1997), l’un des meilleurs moyens pour accéder à ces représentations subjectives et nous faire avancer dans la compréhension du phénomène.

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