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L’évolution du contrat psychologique : perception de brèche et/ou violation perception de brèche et/ou violation

Dans le document tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013 (Page 34-44)

Nous avons souligné plus haut une certaine forme de stabilité du CP au fil de son développement.

Pourtant, celui-ci peut se voir réévaluer dans le cas où un employé serait amené à percevoir que son organisation n’a pas rempli certaines obligations à son égard. Nous indiquons ainsi que d’une simple dissonance dans l’accomplissement de l’échange réciproque, l’employé peut percevoir une brèche et/ou une violation de son CP.

La perception de dissonances dans l’échange

Comme Rousseau (2004) le notait, des biais peuvent exister dans l’échange entre l’employé et l’employeur. Kotter (1973) reconnaissait déjà que ce qu’un employé et une organisation s’attendent à donner et à recevoir l’un de l’autre peut être assez différent, si bien que l’employé peut faire, avec le temps, l’expérience de frustrations et de déceptions résultant de cette inadéquation. Cette question sur la mutualité et/ou réciprocité du CP entre l’employé et l’employeur est d’autant plus importante à considérer dans le contexte mouvant actuel où le travail se présente dans des formes diverses, des arrangements de flexibilité et/ou de diversité croissants. Coyle-Shapiro et Kessler (2002) dans le secteur public de Grande-Bretagne ont montré que les employés atypiques, c’est-à-dire qui « ne disposent pas d’un contrat explicite ou implicite pour un emploi à long terme ou dans lequel les heures minimum à prester peuvent varier de manière non systématique » (Polivka et Nardone, 1989, p 11), conçoivent leur CP dans des termes plus étroits et recevraient moins de récompenses organisationnelles que leurs collègues employés à temps plein. Pour les auteurs, « les employés atypiques répondent à ce sous-investissement de l’employeur en étant moins impliqués envers l’organisation et moins enclins à s’engager dans des comportements de citoyenneté organisationnelle » (Shapiro & Kessler, 2002, p 92). Coyle-Shapiro et Conway (2002), en examinant les effets d’un passage de temps partiel à temps plein et vice et versa sur le CP des employés, ont rapporté une augmentation des récompenses relationnelles provenant de l’employeur lors du passage de temps partiel à temps plein tandis que le passage contraire, de temps plein à temps partiel, engendrerait une augmentation des récompenses transactionnelles perçues provenant de l’employeur.

Des dissonances (Festinger, 1954) peuvent également exister selon les différences culturelles. Ici encore, les études empiriques sont limitées. Pourtant, King et Bu (2005), à partir d’une étude

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auprès des nouvelles générations de professionnelles de l’informatique de Chine et des Etats-Unis, ont montré des différences de perceptions quant à la nature des relations entre employés et employeurs en termes d’obligations. La relation d’emploi « américaine » porte avant tout sur une indépendance des individus avec des obligations mutuelles à court terme (Hofstede, 1980 ; Thomas & al, 2003). La relation d’emploi « chinoise » est « philosophiquement » plus collectiviste avec des obligations mutuelles à long-terme entre l’individu et l’organisation (Meindl

& al, 1989 ; Singelis & al, 1995 ; Triandis & Gelfand, 1998). Si les résultats de King et Bu (2005) montrent une homogénéisation des perceptions des obligations employeurs/employés (notamment par l’introduction de l’économie de marché en Chine depuis 1979), ils soulignent néanmoins une persistance de différences culturelles tenant à des schémas cognitifs encore empreint du passé collectif.

Selon Morrison et Robinson (2004), cette inadéquation dans ce que se doivent l’un à l’autre l’employé et l’employeur tient, d’une part au fait que chacun débute la relation avec des schémas cognitifs différents sur ce que doivent être les obligations entre les deux parties, et, d’autre part, à l’émergence de perceptions différentes entre les deux parties suite aux processus d’interprétation et de construction de sens au long de l’échange. De plus, une communication insuffisante ou faible peut donner lieu à des obligations vagues et incomplètes conduisant également à une inadéquation dans ce que se doive l’un à l’autre l’employé et l’employeur. D’autre part, à l’exception des contrats à court terme, les CP tendent à être incomplets et ont besoin d’être révisés au cours du temps. Ni l’employé, ni l’employeur ne peuvent initialement expliquer tous les détails de la relation d’emploi à long terme. En fait, il est impossible d’attendre de l’autre partie d’indiquer tous les détails pertinents qui devraient être partagés avec l’autre (Rousseau, 2004). De plus, les changements de circonstances signifient que toutes les contingences ne peuvent être prévues. Par conséquent, les CP tendent à devenir plus élaborés tout au long de la relation d’emploi. En effet, les aspects d’emploi que l’employé trouve satisfaisants mais qui ne font pas partie du CP (ex : la camaraderie) peuvent, par la suite, être vus comme des parties intégrantes du CP (Rousseau, 2004).

Aussi, tout au long de la relation d’emploi, le contrat psychologique se trouve évalué. Quand une promesse a été faite ou perçue comme ayant été faite, il s’engage invariablement une évaluation de son accomplissement dans le temps c’est-à-dire que l’individu est amené à répondre à la question suivante : « est-ce que la promesse que l’on m’a faite a été remplie ? ». Par conséquent, ceci induit de manière systématique une évaluation cognitive entre ce que l’individu a reçu et ce qui était promis (ou ce qu’il avait perçu comme lui étant promis) : « ai-je reçu plus ou

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moins que ce que l’on m’a promis ? » (Morrison & Robinson, 1997 ; Rousseau, 1995). Les premières recherches se sont attachées avant tout aux situations « négatives » où les individus percevaient avoir reçu moins que ce qui leur était promis (ou perçu comme étant promis). Ces situations engendrent pour l’individu la perception d’une dissonance (Festinger, 1957) entre la promesse et son accomplissement dans le sens d’une promesse non satisfaite (Morrison &

Robinson, 1997) ou d’une non-conformité de contrat/résultat (Rousseau, 1995). Les travaux actuels considèrent également la nécessité de prendre en considération le cas des situations

« positives » où les promesses ont été satisfaites. Il s’agit des cas où les individus perçoivent avoir reçu plus que promis18.

La perception de brèche du contrat psychologique

La brèche du CP est une expérience subjective, se référant à la perception que l’un a du fait que l’autre a échoué à accomplir adéquatement les obligations promises du CP (Rousseau, 1989).

Cette expérience subjective n’est pas seulement (ou nécessairement) basée sur les actions ou inactions de l’employeur mais sur la perception individuelle de ces actions ou inactions à l’intérieur d’un contexte social particulier. Morrison et Robinson (1997) identifient deux causes principales pouvant donner naissance à la perception de brèche : la renonciation et l’incongruence. La première se produit lorsqu’un agent de l’organisation reconnaît qu’une obligation existe mais ne la remplit pas, soit par incapacité, soit par manque de volonté (Morrison

& Robinson, 1997). La renonciation (« je ne peux pas ») par incapacité reflète une situation dans laquelle les agents organisationnels se voient dans l’impossibilité de tenir les promesses qu’ils ont faites auparavant soit à la survenue de changements inattendus dans l’environnement interne (comme dans le cas des restructurations) ou externe (comme la concurrence) de l’organisation.

Robinson et Morrison (2000) ont ainsi montré que lorsque la performance de l’organisation est faible, les employés sont plus enclins à considérer que leur CP a fait l’objet d’une brèche. En cas de renonciation par manque de volonté, soit les agents organisationnels renoncent à une promesse sans jamais avoir eu l’intention de la remplir, soit ils y renoncent alors qu’ils avaient réellement l’intention de la tenir (Morrison & Robinson, 1997).

18 Ho (2005) utilise le terme de « disparité de promesses reçues » pour représenter le continuum entier allant des promesses non tenues à celles réalisées

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Morrinson et Robinson (1997) identifient trois facteurs susceptibles d’affecter les coûts et les bénéfices associés à un comportement de rétraction :

 L’asymétrie de pouvoir qui, dans une relation d’emploi typique, est généralement réparti de manière inégale et dont, par conséquent, le coût de rétraction est moins coûteux pour la partie qui détient le plus de pouvoir ;

 Le comportement de l’employé c’est-à-dire la manière dont les agents organisationnels perçoivent le comportement de l’employé, et plus particulièrement, la manière dont celui-ci s’est acquitté de ses obligations à l’égard de l’organisation ;

 Le type de relation d’échange, à savoir transactionnelle ou relationnelle.

La seconde cause se produit, quant à elle, lorsque l’employé et l’agent organisationnel ont des compréhensions différentes des promesses données (Morrison & Robinson, 1997) et réside alors dans la divergence des perceptions. Cette incongruence (« c’est absurde ») peut porter sur le contenu des obligations inclues dans le CP ou sur leur accomplissement (Morrison & Robinson, 1997, 2004). Par rapport aux obligations, l’incongruence traduit la mesure dans laquelle l’employé et l’employeur (ou agents organisationnels) ont des perceptions différentes des obligations réciproques qu’ils ont l’un envers l’autre, c’est-à-dire des contributions et rétributions qui devraient être échangées entre les deux parties. Morrison et Robinson (1997, 2004) identifient trois raisons inter reliées qui permettent d’expliquer pourquoi les employés et employeurs peuvent posséder des perceptions différentes des obligations constitutives de la relation d’emploi :

 La divergence des schémas mentaux sur la relation d’emploi (le plus souvent idiosyncrasique) qui, simplifiant le processus par lequel les individus donne sens aux évènements et situations (Fiske & Taylor, 1984), conduit les individus à des perceptions, interprétations et mémorisation des promesses très différentes

 La complexité et l’ambiguïté des obligations perçues (Griffin & Ross, 1991)

 L’insuffisance de communication19

Ces deux causes peuvent alors entraîner la perception d’une promesse non tenue, c’est-à-dire la perception individuelle d’un écart entre ce qui a été promis et ce qui a été reçu. Néanmoins, tant que l’employé ne s’engage pas dans ce processus de comparaison, il risque de ne pas percevoir cet écart. Morrison et Robinson (1997) proposent alors que la probabilité de détecter cet écart dépend de deux facteurs : la saillance et la vigilance. La première (« cela se voit ») affecte la probabilité qu’un employé juge qu’il existe un écart entre ce qui a été reçu par rapport à ce qui a été promis,

19 Comme le souligne Morrison et Robinson (1997), une communication améliorée passe, entre autre, par la qualité de l’échange avec son supérieur (ELM) c’est-à-dire que celui-ci pourra influer sur la perception de brèche de la part du salarié

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c’est-à-dire qu’elle dépend de la taille de cet écart. La seconde (« je suis attentif ») correspond à l’intensité avec laquelle l’employé contrôle activement son CP mais qui est affectée elle-même par quatre facteurs (Morrison & Robinson, 1997) :

 L’incertitude lors de laquelle la vigilance de l’employé, par rapport aux écarts entre le promis et le reçu, sera intense car source d’anxiété dont l’individu tentera le contrôle ;

 La nature de la relation d’emploi ;

 Le degré de confiance concernant la relation d’emploi ; et enfin

 La perception des coûts et des bénéfices associées à la découverte d’une promesse non tenue.

La brèche perçue représente donc une évaluation cognitive d’accomplissement du contrat qui est basée sur une perception de l’employé de ce que chaque partie a promis et fourni à l’autre. Cette évaluation s’appuie sur un « processus de comparaison » qui consiste à évaluer la manière dont chaque partie de la relation d’emploi a respecté ses promesses à l’égard de l’autre c’est-à-dire qui repose sur la perception des obligations réciproques et de leur accomplissement. Si l’employé considère qu’il a respecté sa part du contrat et que ses contributions à l’égard de l’organisation n’ont pas fait l’objet d’une réciprocité, l’employé risque alors de considérer que son CP a fait l’objet d’une brèche. Ainsi, l’employé serait amené à comparer les ratios suivants (Morrison &

Robinson, 1997) :

 Ce qu’il a reçu par rapport à ce qui a été promis (a)

 Ce qu’il a fourni par rapport à ce qu’il a promi (b)

 Comparaison de « a » et « b » : si a<b alors l’employé serait plus enclin à considérer que son CP a fait l’objet d’une brèche

La perte de confiance est l’ingrédient critique dans la relation entre brèche du CP et les réactions conséquentes des employés. L’impact de la brèche du CP vient de quelque chose de plus qu’une simple perte de bénéfices ou de récompenses attendues20. De plus, Morrison et Robinson (1997) avancent deux facteurs qui affectent ce processus de comparaison :

 Le biais d’autocomplaisance qui pourrait avoir comme effet que l’employé surestime ses contributions et sous-estime les rétributions reçues de l’organisation

 Les effets de seuil qui sont affectés, d’une part, par la sensibilité à l’équité c’est-à-dire la préférence individuelle pour des situations équitables ou inéquitables (Huseman, Hatfield & Miles, 1987) et, d’autre part, le type de relation d’échange

20 Nous verrons d’ailleurs dans le chapitre suivant qu’elle peut représenter la perte d’un « petit bout de soi »

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Figure 2. Le processus de brèche du CP (d’après Morrison & Robinson, 1997)

Néanmoins, lorsqu’un employé perçoit qu’une promesse n’a pas été tenue, celui-ci ne va pas nécessairement considérer que son CP a fait l’objet d’une brèche. Comme le notent Morrison et Robinson (1997), les perceptions individuelles sont modérées par les biais servant le « soi » (Taylor & Brown, 1988), la sensibilité à l’équité (Huseman, Hatfield & Miles, 1987), le type de relation d’échange ou encore la nature de l’asymétrie de pouvoir. Pour qu’il y ait perception de brèche, Morrison et Robinson (1997) identifient deux conditions :

 L’employé doit percevoir qu’une ou plusieurs promesses n’ont pas été tenues

 L’employé doit considérer qu’il a tenu ses promesses vis-à-vis de son organisation et que les contributions qui en découlent n’ont pas été adéquatement « réciproquées » (Dulac, 2005) par l’organisation.

La perception de violation du contrat psychologique

Morrison et Robinson (1997) définissent la violation du CP comme fondamentalement perceptuelle, affective et émotionnelle. Ainsi, si le terme de violation est employé, il ne se réfère pas nécessairement à une « réalité objective ». La « violation » a été définie, particulièrement dans les études empiriques, comme la perception qu’une organisation a échoué à accomplir une ou plusieurs obligations composant le CP (Robinson & Morrison, 1995 ; Robinson & Rousseau,

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1994 ; Rousseau & McLean Parks, 1993). Rousseau (1989, p 128) définit quant à elle la violation comme « l’incapacité des organisations, ou de toute autre partie, à répondre à la contribution d’un employé, tel que ce dernier croit qu’elles devraient le faire ». Ces définitions suggèrent ainsi que la violation est cognitive et qu’elle reflète un calcul mental de ce que l’un a reçu en lien à ce qu’un a promis. Le niveau de respect des promesses faites par l’organisation est utilisé par l’employé pour évaluer le déroulement de la relation d’échange. Par conséquent ses réponses en termes de comportements et attitudes sont destinées à rééquilibrer cette relation en cas de dysfonctionnements si l’un des deux protagonistes ne faisait pas face à ses obligations (Coyle-Shapiro et Kessler, 2002 ; Rhoades, Eisenberger et Armeli, 2001 ; Rhoades et Eisenberger, 2002).

D’un autre côté, le terme de « violation » est porteur d’une forte expérience émotionnelle. La violation est décrite comme induisant « des sentiments de trahison et de profonde détresse psychologique (par lesquels)… la victime expérimente la colère, le ressentiment, un sens d’injustice » (Rousseau, 1989, p 129). Cette description implique donc que la violation va au-delà de la simple cognition qu’une promesse a été cassée, c’est-à-dire qu’elle « déborde » l’entendement de l’individu21. Il paraît d’ailleurs raisonnable de souligner que les employés peuvent percevoir l’échec de leur organisation à accomplir une obligation sans pour autant expérimenter la forte réponse affective associée au terme de « violation ». C’est ainsi que Morrison et Robinson (1997) avancent que les sentiments de violation sont distincts de l’évaluation cognitive qui les sous-tend et qu’un processus d’interprétation complexe est intercalé entre « brèche » et « violation ». Le processus d’interprétation représente alors une tentative de l’employé de faire sens de l’évènement qui s’est passé (Frijda, 1988 ; Ortony & al, 1988). Les deux auteurs considèrent que ce processus d’interprétation est affecté par quatre facteurs :

 L’évaluation des résultats qui dépend de la taille de l’écart existant entre les contributions respectives ;

 Le processus d’attribution des causes de la brèche qui consiste à rechercher des informations et des explications afin de déterminer les causes de cet évènement (Wong

& Weiner, 1981) Ŕagissant directement sur l’intensité des émotions ressenties par l’individu (Frijda, 1988 ; Ortony, Clore & Collins, 1988)Ŕ et qui peut être affecté par les explications sociales Ŕc’est-à-dire les justifications ou excuses fournies par les agents organisationnelsŔ ;

 Les jugements de justice et d’éthique, qui ont des répercussions sur les attitudes et les comportements des employés (Kickul, 2001 ; Kickul, Lester & Finkl, 2002 ; Robinson

& Morrison, 2000 ; Takeuchi, Tekleab & Taylor, 2000 ; Turnley & Feldman, 1998,

21 Nous montrerons par la psychanalyse comment elle dépasse la raison de l’individu en touchant à l’image de soi

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1999), concernant la consistance des procédures et l’impartialité des décisions (Lind &

Tyler, 1988) et le degré de respect et d’honnêteté avec lequel l’employé a été traité (Bies

& Shapiro, 1987) ;

 Le contrat social qui reflète, dans le contexte du CP, les présupposés et croyances relatives à l’échange, à la réciprocité, à l’équité et à la justice (ce contrat pouvant varier selon les organisations de telle sorte qu’une même brèche dans deux organisations ne produira pas forcément les mêmes conséquences)

Ce dernier point, comme le soulignent Morrison et Robinson (1997), est de toute importance car toutes ces déterminations prennent leur origine dans le contexte de la relation d’échange employé/organisation. En effet, les évaluations sont faites en relation avec le contrat social qui renvoie aux suppositions, croyances et normes à propos de comportement approprié à l’intérieur d’une unité sociale particulière (Gough, 1963 ; Homans, 1961). Le contrat social entraîne des croyances à propos de l’échange, la réciprocité, la confiance et la justice22. Le contrat social est donc pertinent dans l’expérience de violation du CP parce qu’il sert de toile de fond sur laquelle un employé interprète une brèche perçue. Parce que différents contextes sont gouvernés par différents contrats sociaux, un comportement considéré comme inapproprié dans un contexte peut être parfaitement acceptable dans un autre (Clark & Waddell, 1985). De plus, un des facteurs le plus important affectant le jugement de responsabilité est l’intentionnalité perçue (Bell & Tetlock, 1989 ; Heider, 1958). Si l’employé perçoit qu’un agent organisationnel était conscient qu’un accord était en train de se rompre et que la brèche du CP était un acte déterminé, les sentiments de violation pourront être intensifiés23. De même, plusieurs études (Fiske & Taylor, 1984 ; Eagly &

Chaiken, 1993) montrent que les croyances et attitudes influencent les interprétations individuelles de la réalité que les individus interprètent de manière consistante avec les croyances et attitudes antérieures. Même quand ces derniers font face à l’évidence qu’ils devraient infirmer leurs croyances antérieures, les individus sont capables de concevoir des explications causales qui permettent à la croyance antérieure de rester intact (Nisbett & Ross, 1980).

La violation du CP apparaît à l’issue de ce processus comme un « résiduel » qui « symptomatise » l’expérience affective et émotionnelle résultant de la croyance que l’organisation a échoué dans le maintien du CP : la violation renvoie à « l’état émotionnel et affectif qui peut, sous certaines

22 Les jugements de traitement justes sont d’ailleurs souvent plus associés à ce que Bies et Moag (1986) nommèrent « justice interactionnelle » qui reflète les croyances d’un employé à propos du fait qu’il a été traité avec respect et honnêteté, et a reçu une justification adéquate pour la brèche du CP (Bies & Shapiro, 1987).

23 Notre étude de DEA a montré que les réactions anxiogènes exprimées par les salariés restants (opérateurs de production) dans l’organisation tenaient en partie à leur conviction selon laquelle l’apparition de nouveaux changements organisationnels était pré-déterminée et avait pour but de leur signifier, à terme, le souhait de la direction de les « éliminer »

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conditions, suivre la croyance qu’une organisation a échoué à maintenir adéquatement le CP » (Morrison et Robinson, 1997, p 230). La violation du CP est donc définie comme « une expérience affective et émotionnelle de déception, de désappointement, de frustration, de colère et de ressentiment qui peut émaner de l’interprétation d’un employé d’une brèche du contrat et de ses circonstances accompagnantes » (Morrison & Robinson, 1997, p 230) qui résulte « de la perception par l’une des parties que l’autre n’a pas satisfait une ou plusieurs de ses obligations » (Poilpot-Rocaboy, 1998, p 944). Elle provient de la fêlure perçue de ne pas recevoir quelque chose qui est à la fois attendu et désiré (Ortony & al, 1988 ; Robinson & Morrison, 1995 ;

conditions, suivre la croyance qu’une organisation a échoué à maintenir adéquatement le CP » (Morrison et Robinson, 1997, p 230). La violation du CP est donc définie comme « une expérience affective et émotionnelle de déception, de désappointement, de frustration, de colère et de ressentiment qui peut émaner de l’interprétation d’un employé d’une brèche du contrat et de ses circonstances accompagnantes » (Morrison & Robinson, 1997, p 230) qui résulte « de la perception par l’une des parties que l’autre n’a pas satisfait une ou plusieurs de ses obligations » (Poilpot-Rocaboy, 1998, p 944). Elle provient de la fêlure perçue de ne pas recevoir quelque chose qui est à la fois attendu et désiré (Ortony & al, 1988 ; Robinson & Morrison, 1995 ;

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