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La découverte freudienne

Dans le document tel-00845413, version 1 - 17 Jul 2013 (Page 79-84)

L’extension des processus de brèche et de violation par la théorie du deuil

2.1. La métapsychologie freudienne

2.1.1. La découverte freudienne

La psychanalyse prend sa source dans la pratique d’un jeune médecin viennois consacrée aux maladies « nerveuses » (principalement étiquetées comme « hystériques ») dont il s’était fait le spécialiste au retour de son stage dans le service du Pr Charcot. Ce dernier utilisait auprès de ses patients la technique de l’hypnose que Freud reprit à son compte pour l’abandonner rapidement.

Une « psychologie des profondeurs »

Freud décida d’appliquer « la méthode cathartique » évoquée par son mentor Breuer lors du traitement d’une malade connue sous le nom d’Anna O48. Il s’agissait, partant du symptôme, de faire retrouver au patient les circonstances de sa première manifestation où la remémoration par la parole était censée faire disparaître le symptôme. C’est ainsi que Freud découvrit la notion de

« résistance » que le malade opposait à la recherche des « scènes primitives » pathogènes. C’était comme si celui-ci tenait à garder secrètes les origines de ses troubles. Ce qui lui est apparu

« refoulé » renvoyait à d’anciens souvenirs spécifiquement liés aux évènements les plus précoces (notamment, au grand scandale de ses contemporains, de l’activité sexuelle qu’il reconnaissait aux enfants). Progressivement ses patients l’orientèrent sur leurs « rêves » auxquels Freud présupposa, au regard de son adhésion aux thèses déterministes, une fonction : celle de préserver le sommeil

47 Assoun (1997, p 19), reprenant Freud, évoque que « lorsqu’on veut présenter un domaine déterminé de savoir, on a (…) le choix entre deux méthodes ou techniques : celle qui répète le chemin que le chercheur lui-même a suivi auparavant et qui à ce titre mérite le nom de génétique ou celle qui présente les résultats et requiert attention et croyance pour ses présupposés sans livrer de renseignements sur le mode de fondation de ceux-ci et qui à ce titre mérite le terme de dogmatique ». Assoun résume ainsi plus loin que l’on a en effet « le choix entre un point de vue de la recherche (qui donne la primauté à la démarche sur l’inventaire) et un point de vue de contenu (qui privilégie l’inventaire par rapport à la démarche).

48 « Je dois mes résultats à l’emploi d’une nouvelle méthode de psychanalyse, au procédé explorateur de Breuer » (Freud, 1896, p 416)

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en réalisant des souhaits ignorés le plus souvent de la conscience. Il attribua donc aux rêves un contenu « inconscient » dont le sens est à décrypter. Ainsi, l’analyse des résistances et l’interprétation des rêves sont devenues, avec la règle de « l’association libre49 », les piliers de la méthode de psychothérapie à laquelle Freud donna le nom de « Psychoanalyse » dans un article de 189650. Sa logique consiste à explorer l’élaboration psychique par une interprétation (des rêves) conçue comme « procédé scientifique mais aussi comme art interprétatif » (Assoun, 1997, p 38).

C’est en 1904 que l’on trouve le terme « psychanalytique » dans le titre d’un véritable

« Manifeste » publié par Freud lui-même : La méthode psychanalytique de Freud. Celui-ci y souligne les modifications techniques qu’il a apportées au procédé cathartique tout en réaffirmant, dès qu’il présentait la psychanalyse, sa source « breuerienne ». Il y présente la psychanalyse comme « un mode de traitement inédit de la névrose » qui tient sa spécificité du renoncement à l’hypnose. Les principaux paramètres qui définissent la cure psychanalytique étaient fixés : position allongée du patient, thérapeute hors de sa vue, nécessité de dire ce qui vient à l’esprit et des séances suffisamment longues, fréquentes et coûteuses51. En 1912, Freud suggère, dans son ouvrage Totem et tabou, les deux « faces » de la psychanalyse : c’est certes une « nouvelle technique psychologique » mais aussi une « discipline » qui présente des affinités réelles avec les

« sciences de l’esprit ». A ce moment, se produit un élargissement du champ psychanalytique à des domaines non proprement thérapeutiques. A partir de 1917, par effet « mécanique », cette pénétration de la psychanalyse hors du champ d’application médical suscitera des résistances et s’exposera, par l’avertissement qu’elle donne de ne pas sous-estimer la puissance des pulsions, aux plus vifs ressentiments. En 1923, Freud en donne une définition : « Psychanalyse est le nom (1) d’un procédé d’investigation des processus psychiques qui autrement sont à peine accessibles, (2) d’une méthode de traitement des troubles névrotiques qui se fonde sur cette investigation, (3) d’une série d’aperçus psychologiques acquis par ce moyen qui croissent peu à peu jusqu’à devenir une nouvelle discipline scientifique» (Freud, 1923, p 211).

Cette définition récapitule d’une certaine manière les « strates » successives des définitions précédentes. Mais, comme le souligne Assoun (1997), d’une part le « procédé de recherche » proprement psychologique des processus inconscients est distingué clairement de la méthode de traitement ; d’autre part, par un mouvement qui va du particulier au général, surgit la notion d’une

49 De manière brève, il s’agit d’une méthode de libre association où le patient doit exprimer ce qui lui vient à l’esprit sans y exercer ni choix ni censure

50 Article « Hérédité et étiologie des névroses » écrit en français et paru dans la Revue neurologique

51 Ce dernier point a pour objectif que le traitement devienne une part importante de l’existence du patient et que le lien au psychanalyste, le « transfert », se révèle le principal moteur d’une recherche visant la reconstruction du passé et à l’assouplissement des défenses établies au cours de la vie contre les poussées de pulsions contradictoires.

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théorie de la psychanalyse qui n’apparaissait pas aussi nettement dans les définitions précédentes.

Freud proclame donc dans les années 1920 qu’il y a certes un « procédé psychanalytique » dérivé de la catharsis mais aussi et surtout une « science psychanalytique », un « édifice doctrinal psychanalytique » qui correspondra à la « métapsychologie »52. Comme l’exprime Assoun (1997), Freud assume une dualité de significations de la psychanalyse : pratique vs théorie. Celui-ci l’exprime en 1926 en précisant que le terme de psychanalyse a « acquis deux significations : (1) une certaine méthode de traitement des souffrances névrotiques, (2) la science des processus psychiques inconscients qui est nommée, de façon aussi exacte, psychologie des profondeurs » (Freud, 1926, p 300). Il est important à ce moment de préciser l’opération épistémologique qui en découle historiquement : une distanciation très nette de la psychologie « des écoles » (qui renvoie à la psychologie telle qu’elle est enseignée au début du siècle) et « expérimentale » (qui se veut scientifique parce que fondée sur un dispositif expérimental) qui, selon lui, « s’arrêtent devant l’inconscient ». Le discours freudien porte ainsi sur une contestation de la non-scientificité de la première et d’une conception étroite voire erronée de la scientificité de la seconde. De plus, la psychanalyse se heurte en Amérique « au béhaviorisme, qui se vante, en sa naïveté, d’avoir éliminé complètement le problème psychologique » déclare Freud (1925, p 79) et qui fonde l’approche comportementaliste (des thérapies comportementales)53.

Aussi, la psychanalyse porte-t-elle la marque de son créateur : « la psychanalyse est ma création » déclare Freud lors de sa première présentation officielle. Freud était moins un thérapeute qu’un chercheur. La théorie analytique est née de sa pratique quotidienne qu’il théorisait, le soir venu, et qui faisait l’objet d’une correspondance avec W. Fliess54 qui porte en elle-même la marque

« constituante » c’est-à-dire d’une théorie en construction (working in progress). Freud traça ainsi le chemin d’une « psychologie des profondeurs » qu’il voulait voir supplanter à la psychologie académique. Notons que ce cheminement ne fût en aucune façon linéaire. Dans son projet de recherche, Freud fût conduit par des phases de construction et de déconstruction de sa théorie en considérant ses propositions comme autant de superstructures dont l’existence ne pouvait être qu’éphémère. Un premier modèle « théorique » décrivait en 1900 un appareil psychique formé de trois instances : l’Inconscient, le Préconscient et le Conscient. En 1923, ce modèle fût remplacé par un autre ensemble conceptuel comprenant le Ça, le Moi et le Surmoi. Si Freud est resté très ferme sur la place constitutive du complexe d’Œdipe, il a, tout au long de ses quarante années de production psychanalytique, complété sa « métapsychologie » par l’introduction de diverses

52 Présentée plus loin

53 Cette rivalité reste encore aujourd’hui prégnante (ex : la sortie du « Livre noir de la psychanalyse » qui a été suivie par celle de « L’anti-livre noir de la psychanalyse »)

54 Cette correspondance marque la Naissance de la psychanalyse, ouvrage rapportant la correspondance entre Freud et Fliess, oto-rhino-laryngologiste berlinois, entre 1887 et 1901

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notions ayant affiné ou au contraire bouleversé ses hypothèses antérieures : le narcissisme en 1914, la pulsion de mort en 1920, le stade phallique en 1923 ou encore le clivage du Moi en 1938.

Les différentes « écoles » psychanalytiques

Ce sont surtout les élèves et successeurs de Freud qui proposèrent des aménagements, voire d’autres méthodes apparentées en vue de rendre plus efficace le caractère thérapeutique de la psychanalyse. Adler et Jung, qui se séparèrent définitivement de Freud sur le plan théorique en 1911, constituèrent leurs écoles sans référence à la psychanalyse. Entre autres, Jung joua un rôle dans l’abord psychanalytique des malades psychotiques. La première théorie psychanalytique qui se soit développée en divergeant des thèses freudiennes tout en affirmant n’en constituer qu’un prolongement fut celle que Klein élabora progressivement de 1930 à 1962. Elle constitua, grâce à son expérience auprès de très jeunes enfants et son intérêt pour les malades psychotiques, un modèle théorique autour de stades archaïques qu’elle qualifia de position « dépressive » ou

« schizo-paranoïde ». Son opposition à Anna Freud qui défendait une stricte fidélité à l’esprit et la lettre de son père a donné lieu à d’importantes « Controverses » (1941-1945) qui déterminèrent les orientations de la British Psycho-Analytical Society après la seconde guerre mondiale. Rank et Ferenczi ont quant à eux cherché à faire évoluer la technique psychanalytique au travers des techniques dites « actives » et de leurs tentatives de raccourcissement des cures. Aussi, très rapidement, sont prises différentes initiatives qui vont constituer les fondements de nombreuses approches d’aujourd’hui.

Dans ce sillage, Winnicott ou Bion contribuèrent à faire évoluer la théorie et la pratique psychanalytique anglo-saxonne. Aux Etats-Unis, de nombreux dérivés de la théorie psychanalytique ont vu le jour, dont certains se sont complètement coupés du tronc initial. A côté des théories de « l’Ego-Psychology » présentées par Hartmann, Kris et Loewenstein, qui fût pendant longtemps une référence privilégiée des psychanalystes américains, ou des théories de Kohut sur le narcissisme ou encore le mouvement « culturaliste » de Horney et Sullivan, on trouve en France Lacan qui, sous couvert d’un « retour à Freud » lancé en 1955, propose de nouveaux modèles pour mieux rendre compte à ses yeux de la constitution du sujet et de son rapport à l’Inconscient. Ses propositions des trois catégories du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique (1953), du primat du phallus, de l’objet a (1957-1958), des nœuds borroméens puis des mathèmes (à partir des années 70), prenant appui sur son utilisation personnelle des données de la linguistique moderne inspirée de Saussure mais aussi du structuralisme et des modèles logiques et mathématiques, ont permis d’asseoir le caractère scientifique de la psychanalyse.

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Enfin, la prise en charge de plus en plus généralisée de patients posant des problèmes de psychose ou d’addiction, le développement de l’analyse de groupe ou du psychodrame sont allés dans le sens d’un éclairage accentué du caractère thérapeutique de la psychanalyse. A contrario, il s’est trouvé plusieurs psychanalystes pour mettre l’accent sur la fonction de recherche qu’implique toute cure. La position de Lacan, parlant en 1957 de « guérison de surcroît », consiste à distinguer, lors de la fondation de l’Ecole freudienne de Paris en 1964, la psychanalyse didactique comme

« psychanalyse pure » de celle dont le but est thérapeutique.

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