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Voici la question de départ et la problématique, dès lors stabilisées :

Comment l’information se transforme-t-elle de données en connaissances ?

Sous quelles modalités (nous entendons -dispositifs stratégiques-) les nouvelles technologies peuvent-elles apporter du sens dans un système ? Comment participent-elles à la stratégie globale de communication ? Comment créent-elles ces processus d’interactivité et d’interaction ?

260 Louis Quéré. Des miroirs équivoques aux origines de la communication moderne. Paris : Éditions Aubier Montaigne, 1982. (Série Res Babel dirigée par Paul Beaud, Patrice Flichy, Bernard Miège), pp. 106-107.

Qu’entendons-nous par interaction : s’agit-il d’une simple juxtaposition ou d’une coopération basée sur la complémentarité des apports ?

Étant donné que l’information est pouvoir, les technologies et leurs dispositifs créent des enjeux saisissables dans la mise en jeu des identités, des représentations professionnelles et des territoires matériels et symboliques. Nous proposons d’examiner plus précisément ces enjeux de pouvoirs découlant des stratégies d’acteurs.

Et plus particulièrement pour ce terrain :

Dans un système déterminé par des pratiques et des moyens, peut-on envisager de concevoir, comme axe de changement, une stratégie qui aurait comme logique d’action et de résultat l’acquisition du savoir ? Pourrait-elle se décliner par des dispositifs d’information spécialisée fondés sur l’interactivité et l’interaction entre acteurs afin de rendre l’usager ou l’apprenant encore plus actif ? Le but serait de rendre encore plus efficace les mécanismes en place.

Cette stratégie didactique, déjà, en majeure partie exercée, prend sa source dans la stratégie

d’information. Cette dernière requiert de la part des destinataires-acteurs une activité de

modalité symbolique telle que l’apprentissage et la mise en œuvre d’une mémoire…261

Ceci ne peut naître que dans un système marqué par la multiplicité d’actions et de médiations. Une cohésion des objectifs est nécessaire.

Ainsi une autre perspective pointe pour notre recherche : celle de l’essence-même de la médiation des conseillers. S’agit-il d’une média-action262 (au sens de transmission) ou d’une

action-thérapie (au sens de conseil) ou d’une action-coopération (au sens de l’approche

systémique des analystes de l’organisation) ?263

Notre hypothèse est de croire qu’après un pic d’innovation, la Cité des Métiers et ses dispositifs vivent une étape de profonde mutation. Vecteur de changement en 1993, lors de son intégration au sein de La Cité des Sciences et de l’Industrie de La Villette, la Cité des Métiers est aujourd’hui confrontée au principe du mouvement.264 Son évolution globale

reposerait-elle sur la conception d’une stratégie multi-acteurs, créative et offensive.?

261 Les notions de : modalité symbolique telle que l’apprentissage et la mise en œuvre d’une mémoire, sont à creuser ; ceci par rapport à l’idée d’identité de l’organisation (nous incluons dans cette expression l’idée de

culture de l’organisation.)

262 A propos des scénarios prospectifs sur les métiers et fonctions, Roland Ducasse parle en effet de médiacteurs. 263 Ouvrir sur l’approche systémique de 2ème génération contenue, par exemple, dans les travaux de E. Morin et de J.-L. Le Moigne.

264 Au sujet de la souplesse globale d’un système, voir Gregory Bateson et plus particulièrement : Vers une

écologie de l’esprit T II : Forme et pathologie des relations. New York : Chandler Publishing Company et pour

Pour mémoire, cette hypothèse s’appuie sur l’observation et l’étude, in situ, effectuée au cours des mois de janvier à juillet 2000.

En rappel, notre base théorique mêle deux champs disciplinaires proches : celui, certes, de la communication (par l’approche systémique et constructiviste) et celui de la sociologie (par l’approche anthropologique et ethnologique.) Plus particulièrement dans cette dernière, nous privilégions l’ethnométhodologie265 avec son orientation terrain marquée et ses méthodes

empruntées à l’ethnographie. Les notions d’indexicabilité pourront ainsi s’associer aux notions de champ, d’acteur et de territoire. Celles-ci, alors, ne seront pas comprises selon des logiques linéaires ou selon un déterminisme causal mais engageront au contraire des logiques circulaires. Cette orientation nous semble utile pour notre démarche.

ACTE IV : Scène V : Anthropologie, ethnologie et communication

Une réflexion systémique266 et constructiviste, couplée à la démarche anthropologique et

ethnologique, a servi de canevas théorique.

Un système est un ensemble de composants qui concourent directement ou indirectement à la

satisfaction d’objectifs. Tout d’abord le système choisi doit être identifié et délimité. Il est nécessaire alors, de repérer ses flux le caractérisant, les points nodaux le structurant par la circulation d’information et d’énergie, et les dynamiques lui impulsant son rythme d’évolution.267

Le paradoxe de cette approche est de trouver un ordre latent dans un désordre apparent ou aléatoire afin d’élaborer des similitudes entre des systèmes différents de premier abord, de manière à fédérer ceux-ci sous une analyse commune avec propositions d’actions. Le système en tant qu’ensemble fini se caractérise par trois états : la totalité, la double possibilité de transformation et d’auto régulation. La règle fondamentale est la recherche d’un équilibre à

« Ce qui revient à dire que la variable qui ne change pas de valeur devient ipso facto rigide. En fait, cette manière d’envisager la genèse des variables rigides n’est qu’une autre façon de décrire la formation d’habitudes. » p. 262. p. 262.

Pensée à relier à la philosophie asiatique qui vit le réel comme une suite de changements découlant en cascade et qui voit ainsi jaillir la solution dans l’évolution des circonstances.

265 L’ethnométhodologie a pour objet d’étude les modèles culturels à la différence de la sociologie qui s’intéresse plutôt à la société considérée comme un tout au-delà des individus qui la composent.

Les ethnométhodologues n’ont pas de techniques d’investigation propre, ils les empruntent à l’ethnographie. 266 La systémique s’est trouvée servie par des personnalités marquantes : Norbert Wiener, Ludwig Von Bertalanffy (père de la théorie générale des systèmes), également Joël de Rosnay et son célèbre Macroscope et aussi dans une certaine mesure : Edgar Morin et Abraham Moles.

267 Voici, par exemple quelques éléments que nous avons repérés, sur le terrain, en ce qui concerne les flux et points nodaux : canaux, milieux, et pour le temps : moments et rythmes.

trouver, à établir et à maintenir. Cet équilibre permet au système d’assurer sa pérennité grâce à

l’homéostasie.

Ce principe d’auto régulation est interne au système.268 Un ensemble de boucles positives ou

négatives dites - de rétroaction- vont assurer cette auto régulation ou évolution contrôlée du système en temps réel. Ce système doit être équilibré et stabilisé mais non statique, une stabilité trop grande irait jusqu’à le figer puis le faire disparaître. Il subit les effets de l’entropie.269

Cette approche ne peut que convenir à notre objet d’étude réticulaire et évolutif.

ACTE V : Scène finale : La mise en jeux : les jeux ne sont pas faits.

« Alors que la connaissance s’enracine dans l’incertitude, le savoir se fonde de certitudes. La certitude est même l’idéal du savoir, s’assurant de la répétition du même… Pendant longtemps, le seul mode de conservation des connaissances a consisté à les transformer en savoir » Michel Authier.270

Ce terrain de la Cité des Métiers montre que l’IST se développe, certes, grâce aux Technologies de l’Information et de la Communication mais surtout par les usages sollicités

par nous tous.271 A nous d’inventer d’autres applications favorisant les processus

d’interactivité et d’interaction. Des éléments d’histoire sociale et technique se créent jour

après jour.272

L’industrialisation tend à rendre volatile la spécificité de l’IST dans un environnement où toute activité semble relever de l’information. Internet irrigue la société et le monde en informations spécialisées à niveaux différenciés. Ceci est un élément de dynamique pour l’IST et aussi un possible élément de confusion tant les caractéristiques de polymorphie et d’atomisation, de fissurisation de l’information sont sensibles.

268 Le meilleur exemple d’homéostasie est le thermostat garant d’une température stable.

269 L’entropie est une notion empruntée à la physique où elle exprime la mesure de la dégradation de l’énergie d’un système (la chaleur non utilisée en raison de frottements inévitables ) ou son degré de désordre.

Ce terme fut vulgarisé par Claude Shannon dans sa théorie mathématique de l’information en 1948 pour évaluer, dans ce contexte précis, le degré d’incertitude ou d’imprévisibilité du message (pour le récepteur) lié à une source émettrice de l’information, ceci sans prendre en compte la signification du message.

270 M. Authier. Pays de connaissance. Paris : Éditions du Rocher, 1998, pp. 80-83.

271 Voir P. Flichy. L’Innovation technique : récents développements en sciences sociales. Vers une nouvelle

théorie de l’innovation. Paris : Éditions La Découverte, 1995.

272 Voir P. Flichy. Une histoire de la communication moderne : Espace public et vie privée. Paris : Éditions La Découverte et Syros, 1991.

Même si l’IST a une relation de dépendance envers les technologies, elle demeure au centre d’un triple défi : social, plus particulièrement pour le secteur éducatif, économique, à la fois pour son activité et son impact sur les entreprises et enfin culturel par l’élargissement de la diffusion des connaissances.

Si une mise en stratégie est nécessaire comme une mise en jeux ou les probabilités sont tellement nombreuses qu’elles restent non maîtrisables, il n’en demeure pas moins que plus encore que le calcul ou la ruse, Sun Tzu fait l’éloge surtout de la surprise. Cette dernière se décline sous forme d’une éthique de l’inadvertance,273 une morale de l’inattendu entraînant la

défaite ou… la réussite.

Nous venons de parler de la nécessité d’adaptation rapide de toute structure à l’environnement changeant.

« Quelques critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien ; c’est dans les occasions où tout est à craindre qu’il ne faut rien craindre ; c’est lorsqu’on est environné de tous les dangers qu’il n’en faut redouter aucun ; c’est lorsqu’on est sans aucune ressource, qu’il faut compter sur toutes ; c’est lorsqu’on est surpris qu’il faut surprendre. » Sun Tzu.274

1.2.2 Pré-terrain et journal de bord de Ford Blanquefort

Ce pré-terrain a été examiné, à l’occasion d’un suivi d’étudiants qui s’est déroulé d’avril à septembre 2001. Ceci a été prétexte à une observation participante et à des prises de notes écrites en juillet-août 2001, sous forme de journal de bord. Des entretiens semi-directifs permettront de poursuivre la réflexion et seront passés en mars 2002.

JOURNAL DE BORD :

Ce journal se présente sous forme d’un script de pièce de théâtre, en hommage à E. Goffman.275 Nous avons pris la même présentation que celle du premier pré-terrain choisi :

la Cité des Métiers.

273 L’inadvertance marque, par son sens, une idée contraire à l’intention stratégique ! Elle est défaut d’attention, d’application à une chose déterminée, inattention. (Contraire : attention, soin).

274 Sun Tzu. L’Art de la guerre : les treize articles. Op. Cit. p. 121. 275 E. Goffman. Les Rites d’interaction. Op. Cit.

Suivi de situation d’avril à septembre 2001, et notes plus particulièrement prises, en juillet et août 2001.