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3.1 Appropriation critique des théories, genèse et démarche de recherche.

3.1.4 Au-delà des imaginaires modélisants et utopistes : quatrième variable

Ce parcours nous a permis d’identifier les quatre mythes moteurs de l’imaginaire de l’organisation en les confrontant à ceux proposés par des spécialistes des Sciences de l’Information et de la Communication tels que A. Mattelard et L. Sfez,128 et des analystes

d’autres disciplines tels que J. Ellul et B. Paulré.129

À ce sujet, nous présupposons que l’imaginaire, comme pour Freud, décline un processus de plaisir qui n’existe que par rapport au principe de réalité.130

L’imaginaire serait alors choisi, par notre inconscient, pour dessiner des échappées hors d’un espace, d’un temps, de formes concrètes. À la suite de Jung, il pourrait révéler un inconscient collectif.

« Chaque fois que des contenus de l’inconscient collectif s’animent, cet événement exerce sur la conscience une action d’une puissance extrême. Il se produit toujours une certaine confusion. Si la réanimation de l’inconscient collectif a pour cause la faillite totale des

127 D. Bougnoux. La Communication par la bande : Introduction aux sciences de l’information et de la

communication. Paris : Éditions La Découverte, 1991, 1992. Chap. La Clôture informationnelle. pp.235-246.

128A. Mattelard. La Communication-monde. Histoire des idées et des stratégies. Paris : Éditions La Découverte.1992.

L. Sfez. Critique de la décision. Paris : Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques. Op. Cit. L. Sfez. Dictionnaire critique de la communication. Paris : Le Seuil, 1988, 2 éd. 1990.

129 J. Ellul. Le Bluff technologique. Paris : 1988. (J. Ellul était professeur émérite en droit).

B. Paulré. L’organisation entre information et communication. In Dictionnaire Critique de la Communication. Sous la dir de L. Sfez. Paris. Op. Cit. pp. 519-568.

Et Vers une école européenne du management stratégique. Paris. AFCET, 1990. (B. Paulré est professeur en économie et droit des organisations).

espérances et des attentes de la vie, le danger est grand que l’inconscient ne prenne la place de la réalité. Ce serait là un état morbide. Si au contraire l’animation de l’inconscient collectif a pour cause des processus psychologiques dans l’inconscient du peuple, l’individu se sent certes menacé, surtout au moins désorienté, mais l’état qui en résulte n’a rien de maladif, du moins pour l’individu. On pourrait toutefois comparer l’état mental du peuple tout entier à une psychose. Lorsque l’on réussit à traduire l’inconscient en un langage communicable, l’effet est salutaire, les forces instinctives contenues dans l’inconscient se trouvent grâce à cette traduction, transférées dans le conscient et deviennent une source nouvelle de puissance qui peut déclencher un enthousiasme lourd de conséquences. »131

Voici, les quatre mythes construits :

- L’imaginaire cybernétique de l’organisation transformée en automatisme. Cet imaginaire

ancien se représente sous des formes toujours plus actualisées. Les avancées de l’intelligence artificielle et les dernières innovations d’automatisation de la production

(robots, ateliers flexibles) s’y emploient.

- L’imaginaire biologique ou organique. Cette vision s’écarte d’une représentation automaticienne et d’une vision en termes de flux et de systèmes d’information pour proposer grâce aux théories systémiques modernes, une vision cellulaire et interactive132 ou une vision

organiciste, proche du courant socio-technique.133

- L’imaginaire techniciste et informatique spécifie l’organisation par ses réseaux, ses bases de données, son traitement de l’information.134

- L’imaginaire d’une démocratie directe et communautaire se base sur ses rapports sur l’élection et l’égalité de droits, la délibération des décisions stratégiques, l’organisation du travail en équipes, les Technologies de l’Information et de la Communication, les stratégies ascendantes et transversales de communication et certaines conceptions systémiques.135

131 C.-G. Jung. L’énergétique psychique. Préface et introduction de Y. Le Lay. Paris : Georg Editeur S. A 5° édition 1996, pp. 242-243.

132 H. Landier. L’Entreprise polycellulaire, Paris : Entrepise Moderne d’Edition, 1987. 133 E. J Miller, A.-K. Rice. Systems of organization. Londres : Tavistock, 1967.

134 Certains travaux de J.-L. Lemoigne, publiés en 1986, comme le paradigme STI, d’inspiration simonienne sont cités par B. Paulré afin d’illustrer cet imaginaire, dans L’organisation entre information et communication In

Dictionnaire Critique de la Communication. Sous la dir de L. Sfez. Op. Cit. pp. 558-559.

135 R. Sainsaulieu est cité pour illustrer ce courant par B. Paulré dans L’organisation entre information et communication In Dictionnaire Critique de la Communication. Sous la dir de L. Sfez. Ibid.

R. Sainsaulieu. Sociologie de l’organisation et de l’entreprise. Paris : Presses de la Fondation Nationale des sciences politiques et Dalloz, éd. 1987 revue.

Nous citons ces quatre imaginaires car nous avons perçu, tout au long du cheminement théorique les images idéalisées ou idéologies136 des différents courants évoqués.

Le concept d’idéologie est pris, ici dans son sens restreint de système symbolique de discours objectivant des fins sociales, religieuses, politiques ou utopiques. Cette idéologie se décline dans les différentes instances sociales afin de représenter des groupes, des phénomènes, des imaginaires. La diffusion de l’idéologie repose fondamentalement sur des croyances de type magique, mythique ou rationnelle.

Cette définition s’inspire des travaux en économie et en philosophie de C. Castoriadis, de P. Legendre et des travaux en communication des organisations de R. Bautier, de B. Floris et de B. Miège, en complément de ceux de P. Breton, J. Ellul, S. Proulx, et D. Wolton, déjà cités. Ces analyses critiques révèlent utopies et imaginaires.

Le modèle projeté d’organisation d’un autre type est en cours d’évolution, du fait de trois facteurs.

Comme nous l’avons signalé, au cours des chapitres précédents, ces trois facteurs prépondérants sont : la déstabilisation occasionnée par l’évolution technologique sur les formes traditionnelles d’organisation ; les obligations d’adaptation aux défis externes ; la volonté de flexibilité impliquant des formes d’organisation et de gestion plus décentralisées et plus participatives.

Nous préférons employer le terme de déstabilisation plutôt que celui de rupture car les réalités d’appropriation et de rejet sont à prendre en considération par rapport à quatre paramètres : les temporalités, les planifications ou stratégies fonctionnelles, les types de structures d’organisation, la culture et les représentations de l’organisation. Une grande variabilité est sensible. Nous poursuivrons ce commentaire, lors de l’analyse des terrains. Nous parlerons plutôt d’évolution technologique, car certains commentateurs rapides, parlent

d’innovation technologique, ceux-là même qui amalgament système technique et innovation.

R. Sainsaulieu insiste, dans son dernier chapitre intitulé Stuctures et forces de transition sur l’enjeu culturel qu’il juge majeur : l’entreprise est dès lors construite en tant qu’institution sociale à valeur collective pour et par des

acteurs plus créatifs. Nous en reparlerons.

136 C. Castoriadis. Figures du pensable. Les Carrefours du Labyrinthe. Vol. VI. Paris : Seuil. (Coll. La couleur des idées.) Sept. 1999. Cet auteur insiste sur l’imagination et les facultés créatives de l’homme qui apparaissent sous forme d’imaginaire social instituant, Chap. Imaginaire et imagination au Carrefour, pp.93-114. D. Legendre. La Fabrique de l’homme occidental. Texte intégral. Mille et une nuits. Éditions Arte. 1996. R. Bautier. De la rhéthorique à la communication. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble, 1994.

B. Floris. La Communication Managériale. La modernisation symbolique des entreprises. Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble, 1996.

Pour notre part, nous choisissons de noter que la technologie ne peut qu’évoluer : les réelles innovations sont rares. Nous en reparlerons très prochainement, dans la partie : Méthode.

Ces émergences ont marqué le rôle essentiel de la stratégie,137 de l’Intelligence Active,138 de la

veille stratégique et informationnelle, de la mise en place de formes de management stratégique dites pro-actives et favorisant la créativité.

Cet accès au symbolique se révèle, en ce qui concerne notre sujet par la relation de l’homme aux artefacts de sa culture, sous forme d’objets techniques. Louis Quéré,139 anthropologue des

Sciences et Techniques et Cornélius Castoriadis,140 économiste et philosophe, ont investi ces

artefacts en précisant qu’ils concourent aussi à la représentation de notre monde.

Notre humanité compose toujours, avec le réel, sans rompre sa recherche d’un idéal. La liberté de l’homme se construit en raison de cette double exigence.

Notre approche ne peut être neutre, en raison de notre état d’humain et des possibles sirènes ; cependant, elle se veut le plus proche de la réalité et de ses contradictions afin de ne rien perdre de sa lucidité.

137 C. Marcon, N. Moinet. La stratégie -réseau. Essai de stratégie. Paris : Éditions électroniques, 00h00. P.-M. Fayard, N. Moinet. Quand le réseau est stratégie. In Echanges, n° 108, octobre 1994, pp. 45-48.

138 Cette Intelligence est qualifiée d’active afin de marquer la réactivité forte qu’elle doit exercer face aux événements, risques, contextes fortuits ou prévisibles, internes ou externes de l’organisation. Voir à ce propos les écrits des stratégiciens des armées tel que :

S. Fadok. La paralysie stratégique par la pensée aérienne. Paris : Economica. Institut de stratégie comparée. Collection Hautes Études Stratégiques, n° 10, 1998 : cet auteur expose les principes d’agilité ou de paralysie expliquée par la boucle de rétroaction OODA. Nous en parlerons plus particulièrement dans la Partie III.

A.-C. Fachinelli, C. Marcon, N. Moinet. Agilité ou paralysie stratégique : considérations boucle OODA

réticulaires sur la. In 5° colloque franco-brésilien, 7-9 janvier 2001, Poitiers.

et C. Marcon. Intelligence économique : L’Environnement pertinent comme variable stratégique ; justification

théorique et approche intrumentale. Thèse de doctorat. Poitiers, 1978.

139 L. Quéré. Des miroirs équivoques. Aux origines de la communication moderne. Paris : Éditions Aubier Montaigne, 1982.

3.2 Démarche, proposition et objet précis d’étude. Les constantes déclarées et notre