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En condensé, l’originalité de la Cité est essentiellement le fruit de deux mécanismes portant sur le mode d’exploitation du dispositif.

- Le premier mécanisme est l’interaction entre l’exercice d’autonomie par les usagers et

l’accompagnement par les conseillers. L’articulation entre pôles de conseil (démarche guidée)

et environnement périphérique de ressources promues en libre-service (espace d’autonomie) permet la dérive227 soit vers une assistance, soit vers une offre passive d’information ce

mécanisme peut être nommé médiation.

L’équilibre est maintenu par une gestion attentive et collective des agents. Les conseillers ont, en effet, pour mission délicate de veiller sur tous les fronts : ils ont à assurer la fonction de conseil et de fournisseurs d’informations tout en tenant souvent le rôle de maître

d’apprentissage, c’est-à-dire ils ont pour rôle de provoquer des décodages de démarches par

les procédures essai/erreur.

- Le deuxième mécanisme est le processus dynamique organisé dans l’exploration sans déterminant ou d’un cheminement standard et/ou prédéterminé. La Cité des Métiers n’est pas

un supermarché de l’information. Dans le cas de cette plate-forme, les pratiques peuvent être

répétitives et cependant, elles sont toujours conçues en relation avec une progression orchestrée des conseillers qui mettent en relation les individus et l’information. Ils établissent des passages d’une case à l’autre, d’une question à l’autre, d’un registre à l’autre. Ainsi l’usager détermine sa démarche en séquences. Cette modalité semble définir une amorce d’interactivité entre le dispositif informationnel et l’usager.

Il est intéressant de noter que le conseiller, pour exercer sa profession, se doit d’être, à la fois documentaliste, enseignant, expert en méthode de traitement de l’information et aussi médiateur entre la personne et son environnement.228

Le conseiller est l’interlocuteur principal de l’usager :

227 Terme relevé dans l’étude ethno- sociologique sur la Cité des Métiers de S. Tievant, Op. Cit.

228 Ces caractéristiques ont été déjà soulignées dans des études de psychologie du travail du CNAM, Centre National des Arts et Métiers.

«Nos projets sont liés au besoin du public, alors que les leurs (animateurs de la CDM) semblent se situer loin de ces besoins. »229

Ces besoins proviennent de la nécessité d’actualisation des savoirs sur les sujets de formation. En sollicitant l’aide de ses collègues, une mutualisation des compétences éclôt.

La documentaliste du lieu n’est pas sur le pôle : son bureau se trouve dans le lieu de direction, distant géographiquement de la Cité des Métiers. Il en est de même pour les animateurs qui assurent, néanmoins, un tour de rôle à l’accueil.

ACTE II : Scène III : Les nœuds de la Cité des Métiers ou points d’ancrage

Cette confrontation d’études et d’observation nous amène à poser certains indicateurs autour des quatre axes repérés : autonomie et action; médiations et conseils; information scientifique; transmission et dispositifs.

Les paradoxes relevés peuvent se transformer en indicateurs.

- Au tout début, un corridor lui servait de lieu. Désormais, la Cité des Métiers est au fond d’un couloir interminable.

- L’espace d’autonomie se confronte à la démarche guidée; la fonction libre-service à la mission de maître d’apprentissage du conseiller.

- Le rôle de conseil, d’accoucheur de projet s’adapte à celui de tuteur. La médiation se veut psychologique et technique. Les deux tonalités sont-elles compatibles ?

- L’usager est occasionnel et pluriel230 en acquis de connaissance et de méthodes.

- La dynamique de transmission est fortement marquée par la traditionnelle guidance : les outils ou dispositifs énoncés plus haut semblent être des auxiliaires.

« Les outils sont des supports d’accompagnement, ils donnent du sens pour la personne à sa demande, à sa stratégie. Ils peuvent être très efficaces. Mais s’ils n’existaient, je pourrais faire sans. » 231

229 Propos et usages recueillis lors de nos observations de janvier 2000… 230 Idée de multiple à creuser… (multi…).

231 Propos d’une conseillère rapportés dans : Conseillers à la vie professionnelle : » A. Apostolescu, Les Mecs qui tiennent la digue ! In Dossier Centre inffo. Op. Cit., pp. 62-71 (paragraphe : Des outils aux stratégies de conseil.)

Cet arbitrage face à l’utilisation des produits d’information est la marque de la spécificité du métier de conseiller. Ils se doivent de s’affranchir de tout contenu normatif pour s’adapter à la demande psychologique, didactique et professionnelle des usagers. Nombreux sont ceux qui se créent ainsi un double équipement de ressources car la documentation est vite dépassée. Par exemple, à l’intérieur des pôles, les conseillers ont élaboré des outils de travail.

L’écoute, le conseil sont uniques et progressifs; le processus est collectif et quelque peu marqué par l’aléatoire : le libre-service (espace d’autonomie) permet la dérive soit vers une assistance, soit vers une offre passive d’information.

L’information est présentée sous une forme statique bien que sa passation puisse être

dynamique et circulaire.232

ACTE II : Scène IV : Son objectif ?

La question fondamentale concerne la finalité ou les finalités d’un tel concept. La Cité des Métiers mature et créative marque son identité et, de fait, sa stabilité. Deux de ses caractéristiques fondatrices seraient à légitimer :

- demeurer lieu d’expérimentation en assumant une double contrainte : la qualité de la

réponse pour une forte demande hétérogène.

- garder sa tonalité métiers, devenir la référence en ce qui concerne tous les métiers très spécialisés, technologiques ou nouveaux tels que ceux du multimédia, de l’image, des jeux vidéos et de l’informatique appliquée.233

ACTE II : Scène V : Sa stratégie ?

Cette orientation très stratégique rentrerait en convergence avec la vocation et la logique fort actuelle de la Cité des Sciences et de l’Industrie qui demeure la matrice physique de la Cité des Métiers.

L’idée d’évolution des métiers n’est pas associée à la Cité des Métiers mais, à la Cité des Sciences et de l’Industrie. La notion de complémentarité n’apparaît pas non plus.

232 Piste à creuser : localisation fixe, circularité de l’information…

Un autre possible pour la plate-forme serait d’élaborer un dispositif informationnel original et performant qui répondrait à tous les paradoxes soulevés.

Parce que paradoxe des paradoxes… : à ce jour, La Cité des Métiers, pourtant marquée par l’innovation scientifique et technique n’a pas utilisé réellement les réseaux techniques existants comme Internet et Intranet et n’a pas complètement construit, de véritables produits

multimédias ayant pour objectif l’interactivité opérationnelle et l’interaction humaine.234

Et si ces contradictions provenaient du dilemme de sa création même. La Cité des Métiers semble écartelée entre deux finalités : une, de nature sociale (toujours mise en avant et revendiquée) et une autre de nature économique beaucoup plus occultée et pourtant déterminante pour le maintien de la première.

Ce début d’analyse est offert comme contribution à l’effort de prospective de la Cité des Métiers.

ACTE II : Scène VI : Information spécialisée et dispositifs, analyse

Ce terrain renvoie à la question de départ et à la problématique de notre recherche : comment s’articulent un système d’information et un projet organisationnel. Les Technologies de l’Information et de la Communication amènent-elles réellement une valeur ajoutée au système traditionnel de l’information. L’usager est-il vraiment acteur ?

«Une information, qu’elle qu’en soit la nature, n’a d’existence que par rapport à celle d’un acteur doté d’un projet, entendu comme la projection dans le temps et dans l’espace de ses valeurs et de ses intérêts. »235

Nous présupposons, après immersion dans ce pré-terrain, que les nouvelles technologies

peuvent apporter du sens dans un système traditionnel si les modalités, sous forme de

dispositifs stratégiques sont activées ou réactivées. Dans ce cas-là, elles participent à la stratégie globale de l’organisation en question, en favorisant tout processus d’interactivité et d’interaction.

Tous les agents -y compris les usagers- (qui sont, à part entière, acteurs) pourraient bénéficier par la réactivation des mécanismes (interaction et interactivité)236, d’une nouvelle dynamique.

234 A ce jour, des réflexions et des projets sur la création de dispositifs multimédia, sont en cours. Ces informations ont été recueillies, en mars 2000, lors de l’entretien informel obtenu avec le Responsable des dispositifs multimédia et de l’ergonomie de La Cité ; ce projet s’appelle : projet ILE. Il est envisagé comme un projet global pour la Cité des Sciences. Une application Intranet Cité des Métiers est prévue, dans ce projet.

La revitalisation se portera sur tout ce qui concerne les identités, les territoires fonctionnels et

symboliques, représentations de professionnalités, des acteurs réels et institutionnels.

Cet objectif peut être atteint par la planification d’une communication stratégique qui aurait comme logique d’action et de résultat l’acquisition du savoir et/ou de la connaissance déclinable par les dispositifs spécialisés d’information.

Pour ce terrain, deux dimensions stratégiques sont à prendre en compte.

La médiation au sens de vulgarisation de l’IST, est, de fait, porteuse de sens.237 Elle se

présente sous forme de communication stratégique pour différents niveaux d’usagers.

La deuxième dimension stratégique découle de la précédente : cette stratégie est d’ordre -plus technologique- et didactique. Elle consiste à élaborer et à produire des programmes d’information informatisés donnant place à l’intervention de l’acteur238 dans l’usage et le

déroulement du programme, par des logiques de choix multiples, ou de questions appelant des réponses de sa part.

L’ensemble des produits interactifs, Intranet compris, repose sur une stratégie de communication visant à intégrer le destinataire comme l’un des acteurs de la médiation

engagée et non seulement, comme dans les autres produits de la communication médiatée,

comme un simple destinataire-client. Les stratégies d’usage du destinataire, en communication interactive sont stimulées par l’implication des structures institutionnelles.239

Ces stratégies requièrent de la part des destinataires-acteurs une implication basée sur les notions de construction de leur propre savoir 240 et d’activité de modalité symbolique telle

que l’apprentissage et la mise en œuvre d’une mémoire… celle des deux Cités : celle de la Cité des Sciences et de l’Industrie et celle de la Cité des Métiers.

ACTE II : Scène VII : Le concept d’usage confronté au changement et à l’innovation. L’instabilité comme source de solution.

235 P. Fayard. La Maîtrise de l’interaction. Paris : Éditions 00 h 00.com. 2000. p. 28-29. 236 Voir plus haut.

237 Guichard et Martinand. La Médiatique des Sciences. Paris : PUF. 2000.

238 Sur ce terrain, l’utilisateur est autant le conseiller médiacteur que l’usager-demandeur. En effet, le conseiller est concrètement l’expert de la guidance : il a à s’informer, s’auto-informer pour informer à son tour.

Les outils informatifs doivent être aussi destinés à lui.

239 Les structures institutionnelles en question, pour ce cas sont la Cité des Sciences, le Ministère de l’Industrie, le Ministère du Travail, le Conseil de l’Europe.

240 Nous pensons, à ce propos avoir recours à la théorie constructiviste (ouvrages du Collège Invisible de Palo Alto)

« Entrer en partenariat, c’est accepter le sous-système d’un autre et relativiser la culture dominante à laquelle on appartient » M. Crozier et E. Friedberg241

Cette étude de terrain exposée nous rend perceptible l’effet du changement appliqué à une structure d’information spécialisée.

Le concept, fort novateur en 1993, vit le temps et l’évolution technologique. Cette structure naissant dans un milieu technologiquement porteur ne peut que bénéficier des atouts de l’innovation. Le système tend à se figer, pourtant.

Dès lors une synthèse s’impose en cinq parties : le système, l’information, le savoir et/ou la connaissance, la stratégie et le pouvoir.

Nous avons choisi ces notions car elles nous paraissent être les voûtes d’un projet informationnel.242

ACTE III : Scène I : Le Système et ses systèmes d’information et de communication

L’analyse systémique243 nous permet d’envisager l’organisation comme un système.

Voici pour notre terrain, le descriptif relevé du système :

La Cité des Métiers est un système ouvert et fermé qui présente des flux : informations brutes, informations transmises, produits papiers primaires, secondaires, écrans de bases de données, juke-box de clips-vidéos. Il n’existe, cependant, aucun réel produit multimédia fondé sur l’interactivité. À la date de mars 2000, des projets multimédia concernant la Cité des Métiers et La Cité des Sciences et de l’Industrie étaient proposés aux différentes instances. Des freins institutionnels s’exerçaient pour le projet de La Cité des Métiers. La réalisation d’applications Internet en tant que sélection de sites de formation pour usagers a vu le jour, pour la rentrée 2000.

241 M. Crozier et E. Friedberg. L’Acteur et le système, Paris : Le Seuil, 1977.

242 Ces notions apparaissent régulièrement dans les discours informels des acteurs de la Cité des Métiers et des usagers de cette même Cité.

243 Nous expliciterons cette approche théorique choisie : la Systémique et l’analyse systémique appliquée aux

Il est à noter que des ateliers-connexion Internet sont proposés sur inscription à un groupe de 15 personnes, 3 fois par semaine au sein de la Cité des Sciences et de l’Industrie.

Les points nodaux ou points de connexion sont essentiellement, selon nous, ceux dûs à la dynamique des agents-conseillers, acteurs dits réels et des acteurs institutionnels qu’ils représentent (exemples : ANPE, CIO, AFPA…)

Cette structure suit des rythmes d’évolution marqués par des perturbations logiques. Sa crise d’identité n’est pas le fruit d’un trop fort essaimage : elle est, logiquement, soumise à une transformation et à une auto régulation.

Elle se doit de représenter les projets de ses acteurs-associés réels (conseillers des différents pôles) et institutionnels tout en préservant une stabilité et une idée de totalité ou de globalité. Les acteurs de la Cité des Métiers représentent, par leurs pratiques sociales, les institutions même dont ils dépendent.244

Les territoires peuvent se heurter, les implications se percuter…

Notre propos porte uniquement sur les acteurs de la transmission, sur la diffusion d’informations et sur les situations de communication de l’information spécialisée.

Une difficulté d’interaction peut exister entre conseillers et animateurs de la plate-forme : les objectifs peuvent être communs mais les pratiques métiers et terrain amènent des représentations différentes de ces mêmes objectifs.

De même, entre Cité des Métiers et Cité des Sciences et de l’Industrie, les interactions sous formes d’enjeux, de confrontations, de régulations et de pouvoirs semblent essentiels à la compréhension globale de ce système. Les références culturelles ne semblent pas

identiques.245

Pour faire réellement éclore la caractéristique d’innovation de La Cité des Métiers, elle aurait à décliner une démarche stratégique basée sur une communication fonctionnelle, opérationnelle et symbolique combinant stratégie d’entreprise, stratégie individuelle, stratégies opérationnelles et technologiques. Le tout dosé d’intentions-tactiques.

En effet : « Qui veut l’information la trouve, elle est disponible, mais sa valeur dépend de la qualité de l’acteur considéré : de sa perspicacité, de sa créativité, de son aptitude à lui conférer

244 Il reste à investir la notion de médiation sociale. Double sens : représentation sociétale et action sociale. Partir de l’étymon.

de la valeur ajoutée. (...) La valeur stratégique d’une information découle directement de l’activité de l’acteur qui la génère pour lui, et/ou en monnaye le partage. De la capacité à manipuler l’immatérialité, découle celle des flux de richesses dans le monde global et interdépendant qui s’affirme être le nôtre. »246

Cette idée s’applique autant à l’acteur individuel qu’à l’acteur-institution.

La tonalité d’ensemble peut demeurer didactique et sociale, tout en sachant qu’un paradoxe existe avec La Cité des Sciences et de l’Industrie qui l’héberge. Deux constats sont percutants : les usagers de la Cité des Métiers ne sont pas ceux de La Cité des Sciences et de l’Industrie et vice versa.

Le site Internet de La Cité des Sciences et de l’Industrie héberge celui de la Cité des Métiers. Cependant, il n’est pas très simple de trouver l’hyperlien, et ceci, à l’image même de la situation géographique réelle de la Cité des Métiers. Le contenu des deux pages mériterait une analyse sémiologique tant les différences culturelles sont sensibles.

ACTE III : Scène II : L’Information conçue comme Action

L’information considérée comme une énergie peut constituer l’élément essentiel de la

stratégie, elle pourrait alors se transformer en dispositif. Elle se présenterait, sous une forme circulaire : l’interactivité du multimédia permettrait à l’usager de gagner son autonomie et ceci sans subir de détours et de dérives. Plusieurs niveaux d’utilisation sont à envisager : grand public, professionnel, expert : les niveaux et les compétences seraient non disjoints mais complémentaires.

Ce dispositif peut prévoir un espace de liberté 247 qui ne peut s’acquérir que par l’accès

autonome à l’information. La conquête de la liberté d’action se fait par rapport à un objectif marqué dans une temporalité. C’est pour cela que tout projet qui met en forme de l’information ne peut que contenir une orientation stratégique.

246 P. Fayard. Sur-information ou cécité stratégique ? Considérations sur l’information et la stratégie. Article publié en espagnol. Telos, cuadernos de communication, tecnologia y sociedad, n° 44. Madrid, Espagne, 1995. 247 L’expression est empruntée à J. Ellul : « (...) (l’utilisation par l’homme) de ces espaces de liberté pour y

instaurer une tremblante liberté mais une liberté effective (...) »

«Une nécessaire concentration de moyens dans le temps et dans l’espace est fondamentale pour développer une stratégie. La stratégie, l’information et la communication ne représentent pas des fins en soi. Il en va de même de la liberté d’action. »248