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3.1 Appropriation critique des théories, genèse et démarche de recherche.

3.1.3 Au-delà des ambiguïtés d’acceptions : troisième variable

Nous n’avons pu manquer de constater que l’information se désigne par son antériorité par rapport à la communication et pour certains auteurs,122 la communication aurait dans notre

société, une plus grande emprise basée sur le lien social ou communautaire qu’elle créerait. Nous poursuivrons plus tard cette analyse judicieuse.

Les deux termes révèlent en effet des ambiguïtés dues à leurs sens multiples, à leurs modalités protéiformes et à des amalgames devenus lieux communs.

L’information en tant que telle, n’est ni une matière première brute, ni une donnée neutre ou

objective, elle se présente toujours élaborée, produite et mise au service d’une destination ou d’un groupe social. Parfois, confondue, par erreur de langage avec la communication123 elle

est, certes, dépendante de la communication en déclinant avec elle modèles, représentations, idéologies,124 imaginaires.

Si étymologiquement le terme communication renvoie à la notion de mise en commun et de

partage, c’est le second sens de transmission et diffusion, nous l’avons perçu, qui a pris une

sorte d’hégémonie, à partir du XVII° siècle avec le développement de l’imprimerie, de la librairie, de l’édition et de la presse. Ultérieurement et progressivement, les deux sens se dissocieront, sous l’impulsion mécaniste soucieuse de densité et d’extension de documents et d’informations.

Diffuser sera alors conçu avant de partager, sans être, cependant, condition du partage.

D. Wolton, responsable du laboratoire Communication et politique, au CNRS, confirme cette distinction toujours prégnante dans l’idéal véhiculé par la communication normative (dont l’intention serait le partage) à la différence de la communication fonctionnelle (dont la mission

est la transmission). Cette dernière s’est fort développée, depuis le 19° siècle, en assurant une

fonction pratique. De fait, la matérialisation d’un rôle est souvent confondue avec l’intention

122 Nous pensons en effet à D. Bougnoux, professeur des Sciences de l’Information et de la Communication à Grenoble, déjà cité.

D. Bougnoux. La Communication contre l’information. Paris : Hachette, 1995.

123 Les premiers cybernéticiens envisageaient la transmission d’un élément comme une communication. La communication avec interaction était qualifiée, alors, de communication sociale. Cité par B. Paulré dans L’organisation entre information et communication In Dictionnaire Critique de la Communication. Sous la dir de L. Sfez. Paris : Presses Universitaires de France, 1993, p. 519-568.

124 P. Breton, S. Proulx. L’Explosion de la communication : la naissance d’une nouvelle idéologie. Op. Cit. P. Breton. L’Utopie de la communication. Paris : La Découverte, 1997.

P. Breton. Le Culte d’Internet. Paris : La Découverte, 2000.

d’un idéal. Elle peut réduire, parfois même, l’imaginaire. De fait, ces deux sens sont contradictoires :

« On comprend que le développement de la communication fonctionnelle se fasse en référence à la communication normative. Tels sont les deux sens quasiment ontologiquement liés de la communication, mais évidemment contradictoires puisque les conditions d’un réel partage s’éloignent au fur et à mesure qu’il s’agit de la communication d’un grand nombre de biens et de services à destination d’un grand nombre de personnes qui ne partagent pas forcément les mêmes valeurs. »125

Par extension, signalons que l’information a hérité aussi de deux sens principaux qui lui confèrent une ambiguïté : le premier renvoie à l’étymologie du 12ème siècle, de donner une

forme, façonner, ordonner, présenter une signification, le second sens développé au 15° siècle

signifie mettre au courant quelqu’un de quelque chose. À partir de ce dernier sens, l’information consistera à rapporter l’événement, c’est-à-dire tout ce qui perturbe et modifie la réalité.

« On arrive alors au double sens d’information. C’est à la fois ce qui met en forme ; ce qui donne un sens, ce qui organise le réel, et en même temps c’est le récit de ce qui surgit, et perturbe l’ordre. Cette ambiguïté de l’information est un écho à celle de la communication. »126

Cette ambiguïté est vérifiable, en organisation car les différentes modélisations, par peur du désordre ou du chaos, ont contraint, immanquablement l’information dans des systèmes ou

tuyaux en la réduisant de ce fait, en ressources.

Que deviendra-t-elle dans le modèle évolutif de l’organisation future ? Nous essaierons, par la suite de cette réflexion de le percevoir.

L’information oscille entre ordre et désordre avec pour valeur la relativité et la temporalité. L’information est plus dépendante des attentes de celui qui la reçoit, dans son propre monde intérieur que des réalités extérieures et différentes, véhiculées par les formes de la communication normative ou fonctionnelle.

D. Bougnoux le souligne ainsi :

« L’information meurt dans la redondance et s’évanouit dans le bruit pur ; elle est ce qui rattache une variation à un cadre, un thème à une forme préexistante. Mais toutes ces notions

125D. Wolton. Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias. Paris : Flammarion, 2000, (coll. Champs). Glossaire qui explicite évidemment, entre autres termes, les mots : communication et information, pp. 217-219.

(ordre, cadre, forme, variation, bruit…) sont relatives au sujet connaissant, et désignent la familiarité ou la distance de son organisme avec les phénomènes qu’il perçoit. (...)

Connaître, c’est trier pour éliminer : il serait contradictoire de tout percevoir (...) ; il n’y a pas d’information sans sélection ni clôture, et cette clôture informationnelle est une conséquence de la clôture de notre organisme. L’information répond à une attente, et nous n’attendons jamais que ce que nous avons déjà reçu, ou savons anticiper. (...)» 127

Cette information répond à une attente ou à une attention, elle n’aura un sens que si elle peut se prolonger dans le corps de l’homme ou plus précisément dans sa corporéité, ceci avant de relever de tout jugement ou représentation.

Notre intention est de confronter ces sortes de lois et règles aux terrains.