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2.1 L’Information et ses systèmes, en organisation : traditions et innovations Information formelle et informelle

2.1.2 L’Information et sa représentation 46 de l’organisation

Une approche renouvelée a vu le jour : les données du système formel et informel transmettent, certes, les informations afin d’assurer la vie et l’évolution de l’organisation, mais aussi décrivent, ou plus exactement représentent l’entreprise et sa culture. L’information n’est pas uniquement un moyen pour obtenir une connaissance, elle révèle par sa forme concrète une modélisation du réel. Par exemple, une base de données est un modèle du réel de l’organisation, et ceci en continuelle évolution. Elle constitue une des représentations de l’organisation, dans un temps donné.

La version informatique, concourt, de ce fait à formaliser par un modèle relativement exact et non ambigu les ressources du monde de l’entreprise. Le système d’information est lié au système informatique comme le contenu est lié au contenant. Les outils de gestion de l’information les plus innovants (EDI, Échange de Données Informatisées ; GED, Gestion Électronique de Documents), les SIAD, Systèmes Informatisés d’Aide à la Décision… ainsi que tous les réseaux- à l’externe et à l’interne de l’entreprise (Internet et Intranet) attestent cet objectif de formalisation sous forme de standardisation et de normalisation, tout en incluant une part de ce qui relevait, antérieurement, de l’informel.

Le système d’information par sa formalisation stricte, réalisée par l’ordinateur et par ses caractéristiques informelles est un langage organisationnel. Il est outil de communication pour la structure. Il est ainsi signifiant de la politique et des stratégies orchestrées.

L’information relève, certes, du niveau cognitif, de l’acquisition, de la diffusion des savoirs mais elle est aussi représentative des valeurs de l’organisation.

De plus en plus, de chercheurs s’intéressent aux outils ou dispositifs d’information, en tant que révélateurs d’enjeux et d’imbrication d’instances. À ce propos, les travaux des sémioticiens sur l’apport des sciences du langage en communication, ouvrent une voie

46 Représentation : « ce qui rendperceptible ou intelligible dans l’espace de la communication et de la sociabilité, ce qui permet d’être conscient d’un fait ou d’une situation. La représentation est l’activité humaine qui consiste à produire des symboles révélant d’autres entités. L’être humain, producteur de symboles, conçoit des représentations de nature psychologique, qui sont des produits cognitifs reflétant ce qu’il retient de ses interactions avec le monde. »

L’une des caractéristiques majeures de la notion de représentation est sa grande variété de définitions. Le Littré n’en dénombre pas moins d’une douzaine développée à travers diverses disciplines : psychologie cognitive, psychosociologie… Voir identité, culture et identité d’entreprise, interaction sociale (…) » : Début de définition extraite de : B. Lamizet, A. Silem. In Dictionnaire encyclopédique des Sciences de l’Information et de la

d’exploration complémentaire. Ils éclairent, par leurs analyses les discours institutionnels, les pratiques informationnelles des organisations. La sémiotique,47 à l’heure actuelle, travaille

plus particulièrement, sur les effets de l’information. Ces systèmes d’information sont-ils réellement efficaces ? En quoi le sont-ils ? Entraînent-ils vraiment action et motivation ? Si la question de la décision était primordiale dans les années 1980, dès lors la préoccupation de l’organisation, repose désormais sur l’adhésion et la motivation.

Face à l’offre plurielle et multiple d’informations, la question est de savoir comment mieux responsabiliser, comment mobiliser, réunir et faire agir. Le rôle du discours, de la mise en forme du langage de l’organisation et de ses systèmes d’information sont prépondérants. Les linguistes et sémioticiens, par leurs implications sur les terrains organisationnels, s’intéressent aux modalités informationnelles et par exemple, au cas des réunions d’informations en entreprise. Ils tentent de comprendre comment la direction peut motiver ses salariés par la réunion d’information. Nicole Pignier, dans un article sur la réunion d’entreprise convoque la sémiotique pour mieux appréhender la circulation de l’information. Par l’analyse de l’adhésion physique ou non des récepteurs de réunions d’entreprise, le discours de réunion est perçu bien plus qu’un message informatif, il fait émerger une certaine représentation de l’énonciateur, révélé comme un porte-parole de l’organisation. Le récepteur est alors un co-énonciateur qui partage un co-sujet : il participe à la communauté imaginaire des acteurs sociaux que sont les membres de l’organisation. Ce processus qui concrétise ce rassemblement en un seul corps s’appelle selon Dominique Maingueneau, l’incorporation. Pour Dominique Maingueneau, spécialiste du discours et de la sémantique, il serait recommandé de : faire adhérer physiquement les énonciataires à un certain univers de sens. Le pouvoir de persuasion d’un discours tient, pour une part, au fait qu’il amène le co-

énonciateur à s’identifier à la mise en mouvement d’un corps investi de valeurs socialement

spécifiées. La qualité de la personnalité éthique et axiologique48 renvoie en effet à la figure de

47 La sémiotique ou sémiologie du grec shmeion, se construit actuellement comme une science des significations. Elle est « la discipline qui étudie les systèmes de signes, au-delà du seul langage, que ces signes soient purement codés ou qu’ils donnent lieu à une interprétation active et quels que soient les canaux linguistiques, comportementaux, graphiques, spatiaux… ; par lesquels les signes sont manifestés. » B. Lamizet, A. Silem. In

Dictionnaire des Sciences de l’Information et de la Communication. Ibid, pp. 505-512.

48 Axiologique (1927) d’axiologie (1902) du grec axios, signifiant qui vaut et logie , qui veut dire science et

théorie des valeurs morales ; relatif aux valeurs, opposé à ontologique (l’être ou l’existence, en tant que tel).

ce garant qui à travers sa parole se donne une identité à la mesure du monde qu’il est censé faire surgir dans son énoncé.» 49

Cette représentation du corps de l’entreprise via l’énonciateur, via les salariés s’unit à des usages et modes comportementaux (manières de se mouvoir et de se montrer) mais aussi à une manière d’être par rapport aux autres. Le processus d’incorporation permet l’identification, la mise en présence d’action par l’univers formel et narratif de l’organisation. En synthèse, Nicole Pignier précise : « Tout se passe comme si l’information et sa logique cognitive étaient inextricablement liées à une logique des influences des représentations mentales et des affects suscités par les décideurs via l’animateur. La réunion d’informations vise, en passant par les émotions et les représentations, une logique de transformations de rôles, autrement dit, une logique d’action voire de manipulation au sens de faire faire quelque chose à quelqu’un, (…) afin d’améliorer la connaissance d’une certaine façon et d’agir, en fonction des nouvelles représentations, et en fonction des affinités créées. »50

Cette perception d’appropriation de l’information sous forme d’incorporation par rapport au corps individuel du salarié et par rapport au Corps Social de l’organisation constitue une préoccupation bien actuelle. Si une rupture est perceptible, elle est comme nous l’avons dit, précédemment, sensible dans les effets du processus matériel et social : l’habituelle configuration de la chaîne linéaire (Shannon) ne correspond plus aux circuits désormais en boucle de l’information.

En conclusion transitoire, la vision matérialiste des économistes qui voient en l’information une ressource de productivité ou un capital se heurte à la propre mise en matérialité de cette information. Ce courant sensible dans les années 1970 se mêlait à celui des adeptes de l’information, pilier de la décision hiérarchique. Désormais, l’information est perçue comme matérialité transmise et mémorisée mais aussi comme enjeux de pouvoirs contestés et négociés.

49 D. Maingueneau. Analyser les textes de communication. Paris : Dunod, 1998.

50 N. Pignier. Apport des sciences du langage en communication : Le cas de la réunion d’information en entreprise. Paris : Armand Colin. In Communication et langages, n° 129, septembre 2001.

Son système formel ou informel stigmatise des nœuds formels ou informels de collusions, d’antagonismes et de dissensions. La coordination ou négociation est pour la structure un objet constant et changeant.

Nous en reparlerons lors du prochain chapitre afin de préciser cette récente problématique. Problématique qui se coordonne, nous semble-t-il avec l’interrogation sur l’impact de l’innovation en entreprises. Comment l’information spécialisée se décline-t-elle dans la dynamique de l’innovation ?

Il nous paraît, à ce sujet que les approches en sciences humaines peuvent renouveler le regard porté sur l’organisation ; d’autant plus si une orientation anthropologique les anime. Les schématisations, issues des modèles de la Théorie de communication de C.-E. Shannon et des apports de H.-A. Simon et J.-G. March, nous apparaissent trop réductrices. Ingénieurs, économistes et managers ont parfois, maladroitement, transmis cette réduction. À l’heure actuelle, cette critique est perceptible.